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Pas de pénurie de main-d’œuvre !

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Arnaud Raffard de Brienne

Selon la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), 44% des entreprises éprouveraient des difficultés à recruter faute de candidats adaptés à leurs besoins. Plus généralement, ce serait près de 270 000 postes vacants en France, au premier trimestre 2021, qui ne trouveraient pas preneurs. Par exemple, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration aurait perdu, pour les raisons que l’on imagine, près de 240 000 salariés entre 2020 et 2021. Selon la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), il manquerait aujourd’hui 50 000 chauffeurs, ce qui n’est pas rien.

Mais la rengaine n’a rien d’original et cela fait des décennies que sévit le débat sur une présumée pénurie de main-d’œuvre et la multitude de postes vacants qui en résulterait, sous-entendant qu’il existerait de prodigieux gisements d’emplois dédaignés par les chômeurs. En vérité, il convient d’abord d’observer que, même si l’on constate effectivement un manque de candidats dans presque toutes les qualifications, une large majorité des emplois non pourvus relèvent des métiers de services comme le transport, le bâtiment, l’hôtellerie, la restauration et l’aide à la personne, tous emplois cumulant à la fois pénibilité, faible rémunération et précarité. Une offre mise en concurrence avec un système social jusqu’à présent plutôt généreux même si les contraintes budgétaires laissent présager d’importantes régressions en la matière. Certains milieux patronaux jusqu’au-boutistes, à tendance esclavagiste et toujours avides de chair fraîche à vil prix, ne voient d’issue que dans une relance de l’immigration alors que le pays compte, officiellement mais bien davantage au réel, 5 688 700 demandeurs d’emplois, dont 3 510 000 de catégorie A, sans aucun emploi, et 2 178 000 des catégories B et C, en sous-emploi. Et bien davantage d’immigrés ou issus de l’immigration.

Nous sommes par conséquent, loin, très loin de la moindre pénurie de main-d’œuvre et c’est plutôt l’abondance qu’il faudrait évoquer si certains tabous n’entouraient un débat aussi tronqué que truqué. Rien que pour le plaisir des chiffres, il y a treize fois plus de chômeur en catégorie A que de postes vacants et vingt-deux fois plus si l’on considère les catégories A, B et C.

Les vraies raisons d’une fausse pénurie

Et puis, comment traiter d’une pénurie de main-d’œuvre sans évoquer tout d’abord l’invraisemblable inadéquation entre l’offre et la demande ? Mais pareil constat entérinerait tout à la fois l’échec cuisant  de l’Education dite nationale et, plus largement, du système éducatif et d’orientation français en même temps que de la folle politique d’immigration ou plutôt de son absence. Il faudrait reconnaitre dans la foulée que la faible attractivité de certaines filières et métiers s’explique aussi par le cumul de tâches souvent inintéressantes, pénibles, parfois insalubres, assorties de conditions de travail déplorables et le tout dans un contexte de forte précarité. Enfin, sujet sans doute tabou lui aussi, comment ne pas au moins évoquer une inexorable montée de la fainéantise, conséquence tout à la fois d’un système social jusqu’ici très protecteur, d’une société survalorisant les loisirs et des infinies possibilités de distraction offertes par le numérique ?

Débattre d’une prétendue pénurie de main-d’œuvre sans évoquer ces trois principales pistes de réflexion et sans doute quelques autres n’améliorera sans doute jamais la situation d’un iota.

Article publié dans le quotidien Présent 27/10/2021

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