On sait ce que sont la plupart des rédactions le samedi. Désertées, réduites à leur portion congrue.
L’actualité ne prenant pas de week-end, il faut pourtant bien se débrouiller. L’AFP, qui crache du contenu, devient dès lors la planche de salut. Ses dépêches sont dupliquées – en l’état ou vaguement bricolées – par un nombre innombrable de médias. C’est l’Évangile selon sainte Aèfpé, dogme de foi et parole de vérité.
Mais ce week-end, ce psittacisme paresseux a suscité, sur les réseaux sociaux, l’ire des internautes de droite : de nombreux médias ont repris sans se poser de questions la phrase « Heurts entre pro et anti-Zemmour à Nantes ». Un lecteur néophyte comprend donc, en toute, logique, que des nervis des deux bords se sont affrontés. Ce qui est évidemment très loin de la vérité, comme en témoignent ulcérés, sur Twitter, ceux qui y étaient.
Volée de moineaux agressifs comme dans le film d’Hitchcock, plusieurs centaines d’antifas s’étaient rassemblée aux abords du lieu de la conférence, invectivant les participants, tentant de s’introduire dans la salle. Mais Éric Zemmour n’est pas leur seule cible : selon la préfecture, citée par Le Figaro, ils ont tenté « plusieurs assauts contre les forces de l’ordre », ont « [dégradé] un véhicule de la police » et « [tenté un] jet de bouteille sur un autre ». On compte un blessé parmi les forces de l’ordre. Une vidéo prise par le journaliste Clément Lanot montre un individu cagoulé projetant violemment un caddie sur les forces de l’ordre.
Aucun « heurt », donc, entre « pro » et « anti », ce narratif du renvoi dos-à-dos s’accommodant d’ailleurs assez mal avec la description dont les mêmes médias nous abreuvent depuis des semaines du public Zemmour : bourgeois conservateur orphelin de Fillon. Pourtant, quelle surprise, en scrutant une à une les photos, aucun mocassin à gland ni pull lambswool à col en V repéré parmi les émeutiers.
Si l’on décide de mettre dans la même sac l’assaillant et l’assiégé, n’aurait-on pas dû rendre compte de la violente agression de Coralie Dubost il y a quelques jours par un sommaire « heurts entre passants à Paris » ?
Toujours selon Le Figaro, qui rapporte les mots de la préfecture. « Aucune interpellation n’a été opérée ». Mais il y aurait « un travail d’enquête et d’identification ». Éric Delbecque, expert en sécurité intérieure, dans son livre, Les ingouvernables, de l’extrême gauche à l’ultra-gauche violente, plongée dans une France méconnue (Grasset) évoque « la tolérance larvée de l’intelligentsia à l’égard des errements de l’ultra-gauche, de l’extrémisme (ou radicalisme) dit de gauche, [qui] encourage les jeunes gens au sang chaud qui veulent en découdre, et rend d’emblée inefficace tout embryon de réprobation collective ».
Il faut bien que jeunesse se passe. Et reconnaissons que c’est bien commode : la prochaine fois, un maire ou un préfet, excipera du trouble à l’ordre public à Nantes pour interdire la venue d’Éric Zemmour dans sa ville… Peu importe qu’il n’en ait pas été « directement » responsable, car qui sème le vent, récolte la tempête n’est-ce pas ?