On a souvent rappelé l’expression de Maurras, “la divine surprise” qui avait exprimé sa satisfaction en 1940 de voir tomber la IIIe République. Beaucoup ont tenté de faire de la formule la preuve que le penseur de l’Action Française se réjouissait de la victoire allemande. Contre-sens pour un nationaliste loin d’aduler notre voisin germanique. Il saluait la conséquence imprévue d’un désastre généré par un régime qu’il condamnait depuis longtemps. Ces mots sont devenus sulfureux et le président actuel ne les emploiera pas.
Il se contente de les mettre en musique. Après le calamiteux épisode des Gilets Jaunes, l’occupant de l’Elysée risquait fort de se noyer dans l’impopularité et reculait sur tous les fronts : il ne pouvait plus réformer. Il alignait les plus mauvais chiffres économiques européens. Les affaires se multipliaient et malgré la lenteur des procédures qui contrastait avec la rapidité qui avait abattu Fillon en plein vol, l’image d’un homme qui voulait nettoyer les écuries d’Augias se ternissait de Benalla en Buzin en passant par Ferrand et Cie, sans compter Alstom qui le touche de très près. Les banlieues s’allumaient de plus belle, la criminalité montait. L’immigration n’était pas maîtrisée, et de temps à autre, une “chance pour la France” venait décapiter un prêtre ou un professeur. L’équipe d’amateurs qui entourait le ci-devant Jupiter accentuait le malaise né d’un mélange détonnant de repentance anti-française, d’un mépris mal dissimulé pour les “Gaulois”, d’une tendresse particulière pour les éphèbes antillais et pour les exhibitions pseudo-culturelles décadentes. Enfin, le Covid vint. Le début de la crise sanitaire accentua les critiques en raison des sinuosités et des maladresses de l’exécutif. La coupable fut envoyée se faire fusiller aux municipales parisiennes, la troupe de branquignols fut dispersée et remplacée par des figurants qui ne pouvaient que tirer profit de la comparaison. Remplacer Castaner à intérieur ou Ndiaye à la communication gouvernementale, c’est du gâteau !
Le Covid, c’est la guerre, et Macron s’est offert les cinq étoiles du général d’armée. La guerre contre un ennemi universel, omniprésent et sournois facilite paradoxalement les choses : il s’infiltre à tel point que la fermeture des frontières ne l’arrêterait pas. Il est plus efficace d’enfermer les Français, de les bunkeriser au maximum. Cela cadre bien avec le renversement propre aux démocraties post-modernes : au lieu de défendre la majorité contre les coups de minorités remuantes et incontrôlables, on terrorise les braves gens qui se terrent. La peur comme instrument du pouvoir n’est évidemment pas démocratique, mais elle peut en avoir l’odeur et la saveur lorsqu’elle se présente non comme la crainte de l’oppression mais comme la contrainte salutaire, la servitude volontaire, la répression des récalcitrants pour le bien de tous les autres. Chacun devient son propre gardien et celui de ses voisins : le regard impérieux et courroucé jeté à celui qui a oublié de mettre son masque est le signe du concours général au maintien de l’ordre. Les gouvernants actuels ont compris qu’il était plus facile de faire régner un ordre même abusif et vétilleux chez les bons citoyens disciplinés que d’imposer la loi aux grands délinquants qu’on laisse à peu près tranquilles dans leurs réserves, en comptabilisant bientôt leur activité lucrative dans notre PIB, ou même en la légalisant.
Dès que l’ennemi invisible et inhumain, au sens littéral du terme, bat en retraite, le Généralissime est applaudi comme le père du bonheur retrouvé. Le passeport sanitaire devient la clef de la victoire. Ceux qui s’y opposent en pointant les atteintes aux libertés indissociables d’une démocratie font fausse route et deviennent à chaque manifestation les promoteurs de ce miracle publicitaire : faire de Macron le chef du parti de l’ordre. Que cette situation soit d’exception et contraire à l’Etat de droit est une évidence : pour cette “guerre” qui n’en est pas une, puisqu’il s’agit de la lutte contre une épidémie dont la mortalité aura finalement été faible (0,2%), c’est un “Conseil de défense” qui gère la stratégie en bénéficiant du secret et de l’opacité nécessaires. Il est vrai qu’on peut imaginer ce que feraient les agents du virus s’ils étaient au courant des mesures qui vont être prises. Il faudrait être malveillant pour y voir le désir de cacher aux citoyens l’élaboration d’une politique de santé, c’est-à-dire civile, qui devrait être transparente, sous leur contrôle. La polarisation sur l’ennemi et ses variants capte l’information, élimine les autres sujets pourtant davantage voués à une solution politique, disqualifie ceux qui entendent traiter l’épidémie avec légèreté, assure le franchissement indolore des élections locales submergées par une abstention massive, permet à la cohorte des médias macronistes d’entonner les louanges du sauveur ou au moins de focaliser l’esprit sur une frayeur sans cesse renouvelée. La stratégie n’est pas purement française, même si elle atteint en France un paroxysme : le Covid aura tué davantage le populisme que les gens dans nos démocraties vieillissantes.
L’exception n’a pas été seulement sécuritaire, elle a été économique : la planche à billets autorisée par la crise a créé cette bulle de déficits et de dettes qui font croire que tout va pour le mieux. Le seul risque est la disparition de la peur ! ll faut que l’angoisse se prolonge en enjambant de variant en variant l’élection présidentielle : les électeurs se retrouveront avec le même président sans même s’en apercevoir. Le passeport sanitaire assorti de contraintes entretiendra l’obsession. La gueule de bois de la réalité économique désastreuse d’un pays qui ne produit plus, d’une nation qui devient une autre un peu plus chaque jour, d’un nouveau pas dans la décadence sociétale, ce sera pour le jour d’après. La parenthèse enchantée du Covid se refermera, mais trop tard : les Français auront reçu une nouvelle dose de Macron, et la France n’y survivra pas.
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