Extrait de l’éditorial de l’hebdomadaire Rivarol incitant à ne pas sous-estimer la candidature de Valérie Pécresse et mettant en garde contre la tentation d’un vote utile anti-Macron qui irait à l’encontre des convictions profondes du peuple de droite :
“(…) La présidente de la région francilienne succédera-t-elle au printemps prochain à Emmanuel Macron ? La route est encore très longue pour elle, comme d’ailleurs pour tous les autres candidats à la magistrature suprême, bien des événements peuvent se passer en cinq mois de campagne (…) Mais si nous devions aujourd’hui faire un pari pour savoir qui sera le futur vainqueur de cette onzième élection présidentielle au suffrage universel direct, nous serions assez tentés de voir en cette femme de 54 ans la prochaine présidente de la République (…)
C’est une grave erreur de sous-estimer ou de mépriser un adversaire. Contrairement à ce que je lis ou j’entends ici dans nos milieux (…), Valérie Pécresse est, à notre sens, une candidate redoutable pour le camp dit national et populiste. Car s’il est vrai que, sur le fond, elle est une Macron en jupon, centriste (elle avait soutenu Juppé aux primaires de la droite et du centre de 2016 et avait quitté LR en 2019 car elle jugeait le parti trop à droite sous la présidence de Laurent Wauquiez !), européiste, mondialiste (…), qu’elle est une de ces grandes bourgeoises conservatrices qui au final ne conservent rien, sinon leur ambition, qu’elle a incarné toute sa carrière politique de manière superlative le principe du cliquet selon lequel la “droite” ne remet jamais en question une réforme sociétale mise en œuvre par la gauche (ainsi, hostile au mariage pour tous et souhaitant même démarier les “couples” homosexuels, Valérie Pécresse a depuis changé d’avis, considérant avec un rare courage qu’il n’était pas possible humainement de revenir en arrière), elle peut toutefois donner le change auprès d’une partie du peuple dit de droite. Lorsqu’on fait une analyse, il faut toujours s’efforcer d’être honnête et objectif et ne pas se laisser aveugler par des intérêts, des désirs ou des passions qui faussent le jugement et obscurcissent l’intelligence.
Valérie Pécresse est une femme, et elle pourrait même être la première personne du sexe féminin à devenir chef de l’Etat depuis la création de la France, républiques et monarchies confondues, ce qui n’est pas rien sur le plan symbolique. Or aujourd’hui être une femme est un plus. C’est une mode. De même que Macron avait pu apparaître comme un homme neuf, jeune et souriant en 2017, comme le gendre idéal, ce qui lui avait beaucoup servi à une époque médiatique où l’apparence est hélas si importante et où la forme l’emporte largement sur le fond, Valérie Pécresse est une personne du sexe, comme le disaient joliment les traités de morale autrefois. Qui plus est, disons-le honnêtement, c’est une belle femme, qui en jette, élégante, brillante (elle a fait HEC, et a fini deuxième à l’ENA, ce qui n’est pas rien, elle fut auditrice puis maîtres des requêtes au conseil d’Etat, ministre, elle a conquis en 2015 la présidence de la région francilienne face à la gauche qui l’occupait solidement avec un certain panache et une réelle efficacité, réussissant en juin 2021 à se faire réélire et surtout à obtenir au second tour des soutiens allant du socialiste Valls jusqu’au souverainiste Dupont-Aignan, signe de son savoir-faire), distinguée, très bien vêtue, portant de magnifiques tailleurs, ayant une compétence technique incontestable (ce n’est pas elle qui se tromperait entre SFR et Alstom, entre l’euro et l’écu comme Marine Le Pen en 2017 (…)
Pécresse a également une expérience ministérielle (elle fut ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a conduit à son terme l’autonomie des universités malgré de sérieuses difficultés, preuve de sa ténacité et de sa détermination, puis fut ministre du Budget et porte-parole du gouvernement sous Sarkozy). Bref, elle a de quoi rassurer (et hélas leurrer) une partie non négligeable de l’électorat conservateur et peut s’avérer d’ici la fin de la campagne présidentielle redoutable tant pour Zemmour et Le Pen que pour Emmanuel Macron auquel elle peut retrancher de son électoral la bourgeoisie de droite, capitalisant sur l’usure du président sortant (depuis l’instauration du quinquennat, aucun président n’a réussi à se faire réélire, ni Sarkozy en 2012, ni en 2017 Hollande qui fut même obligé de renoncer (…). Il est tout à fait possible que, gardant un mauvais souvenir de ce quinquennat, si noir, si déprimant, les Français aient envie d’essayer quelque chose de nouveau (…) Et qui mieux que Valérie Pécresse pourrait apparaître alors comme une alternative auprès d’un public qui, pour une bonne part, souhaite au fond que tout change pour que rien ne change ?
Il ne faut pas non plus négliger le fameux vote utile qui peut jouer un rôle dévastateur à droite, et même à droite de la droite. Nous connaissons ainsi des personnes sincèrement de droite nationale, conscientes du positionnement centriste, européiste et modéré de Pécresse, sans grande illusion sur sa personne et son programme, mais qui détestent tellement Macron, qui font de sa défaite en 2022 la priorité des priorités, qu’elles se disent prêtes à voter pour Pécresse dès le premier tour du scrutin car, argumentent-elles, seule la candidate des Républicains peut l’emporter face à Macron au second tour, ce qui est impossible, disent-elles, tant pour Marine Le Pen que pour Eric Zemmour du fait de leur diabolisation, du fait qu’ils sont considérés à l’extrême droite sur l’échiquier politique, ce qui effraie et tétanise une majorité des électeurs (…). Du point de vue strictement arithmétique, le raisonnement se tient (…)
Le raisonnement du vote utile (…) a en revanche l’inconvénient majeur de sacrifier les convictions, les idées à l’efficacité électorale. A quoi sert-il en effet que Pécresse succède à Macron si c’est au final pour qu’elle conduise la même politique ? Or il est évident que sur l’essentiel elle fera la même chose que l’actuel président. Hormis quelques mesurettes en matière d’immigration, qui agiront comme un cataplasme sur une jambe de bois (elle est contre le retour au droit du sang, contre la préférence nationale, contre l’immigration zéro et contre la réémigration), elle ne changera rien. Ce sera encore cinq ans de perdu pour la France (…)”