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L'héritage indo-européen en Iran 3/4

persepolis

La réforme zoroastrienne

Nous allons maintenant aborder quatre points essentiels de la réforme zoroastrienne.

• 1) Elle se signale par une forte tendance monothéiste. Ahura Mazda est un dieu créateur et omniscient. Les autres divinités n'existent que par lui.

• 2) Le dualisme. Au-dessous d'Ahura Mazda deux esprits jumeaux s'affrontent. L'un est Spenta Mainyu, c'est-à-dire “Saint Esprit” ; l'autre Ahra Mainyu, c'est-à-dire “Mauvais Esprit”, par la suite il sera appelé Ahriman. Tout deux se combattent pour la domination du monde, tandis qu'Ahura Mazda demeure au-delà de notre monde dans le Garotman, la “Maison des chants”, aussi appelé “Lumière infinie”, paradis où se rendent les âmes des justes après leur mort terrestre. Les mazdéens désignent souvent notre monde par l'expression “monde du mélange”.

En effet, il est situé à mi-chemin de la “Ténèbre infinie” d'une part et de la “Lumière infinie” de l'autre. La lutte entre les deux esprits a commencé avec la création. C'est pourquoi la vie est conçue comme un choix, entre la lumière et les ténèbres, et comme un combat. Il y a les divinités lumineuses d'un côté, les démons issus des ténèbres de l'autre. Le zoroastrisme a éliminé les dieux qui, comme Vayu dans le panthéon indo-iranien, possèdent une double personnalité, constructrice et destructrice, lumineuse et démoniaque. Toutefois, répétons-le, dans le zoroastrisme, Ahura Mazda est au-dessus de ce dualisme [5], ce qui n'est pas le cas dans le manichéisme [6].

• 3) Six divinités [parfois appelés “archanges”, auxquels se rajoute l'Esprit Saint, Spenta Mainyu] accompagnent Ahura Mazda. Ce sont les Amesha Spenta, ce que l'on traduit par “Saints Immortels” ou par “Immortels Bienfaisants” [7]. Georges Dumézil a montré que ces six divinités sont issues de l'idéologie tripartie car on peut les classer selon la tripartition propre aux Indo-Européens. Les Saints Immortels sont autant d'aspects d’Ahura Mazda. Zarathushtra et ses continuateurs ont donc intégré la tripartition dans un monothéisme. Le mazdéisme zoroastrien évolua vers un compromis entre le polythéisme, qui demeure vivace, et le monothéisme. On peut parler, à son égard, d'hénothéisme, c'est-à-dire que les différentes divinités sont autant d'aspects d'un dieu suprême et absolu et qu'au-delà de la multiplicité propre à notre monde, il existe une unité surtout supra-terrestre. En effet, ainsi que nous l'avons remarqué, Ahura Mazda n'intervient pas lui-même dans notre monde, mais, en quelque sorte, il délègue des entités divines pour ce combat.

Moralisation de la religion et eschatologie

• 4) La moralisation de la religion et l'affirmation d'une eschatologie (ce qui se rapporte aux fins dernières : la fin de la vie humaine, la fin des temps) concernant l'homme et le monde. Dans notre monde, et dans l'homme, s'affrontent, selon le zoroastrisme, des dieux bons et d'autres mauvais qui sont souvent les correspondants négatifs des bons. Dès lors, il existe, selon une expression typiquement mazdéenne, des “bonnes paroles”, des “bonnes actions” ; mais aussi, à l'inverse, des “mauvaises pensées”, des “mauvaises paroles”, des “mauvaises actions”. Entre elles, l'homme choisit son camp. Il acquiert ainsi, par la liberté de son choix, une importance qu'il n'avait sans doute pas auparavant. Il se trouve en position centrale dans le “combat cosmique”. Ainsi que le dit un texte mazdéen : « Le chef du combat, c'est l'homme ». Conséquence logique de cette “humanisation” de la religion : le zoroastrisme insiste sur le destin de l'homme après la mort. Cette lutte gigantesque entre la lumière et les ténèbres a une fin : la rénovation du monde, aussi appelée transfiguration. Zarathushtra annonce la venue d'un sauveur qui sera nommé par la suite Saoshyant, ce qui signifie “prospérera”. Notons qu'un autre de ses noms veut dire “Ordre incarné”. Ce thème, qui se développera beaucoup après Zarathushtra, est comparable à celui relatif à Kalki, dans la tradition hindoue, dixième avatâra de Vishnou, qui doit restaurer l'ordre et la loi traditionnels à la fin de notre cycle.

De Zarathushtra à l'iranisation de l'islam

La postérité de Zarathushtra a largement dépassé le zoroastrisme. Ainsi, si le mazdéisme a reculé devant l'islam, il a, dans le même temps, influencé l'islam iranien. Cette question a été magistralement étudiée par Henry Corbin et nous ne pouvons que recommander son œuvre admirable à ceux qui désirent l'approfondir. C'est dans le shi'îsme que les convergences sont les plus nombreuses. Par ex., le thème du Saoshyant, descendant de Zarathushtra, se retrouve dans les croyances relatives au XIIe Imâm, l'Imâm caché, descendant de Mahomet, qui doit revenir à la fin des temps pour restaurer la loi. La meilleure illustration d'une iranisation d'une partie de la communauté islamique est donnée par Shihâboddîn Yahyâ Sohravardî, mystique musulman iranien du XIIe siècle. On l'appela, à juste titre, le “résurrecteur de la théosophie de l'ancienne Perse”. En effet, il se voulait héritier de la sagesse de l'ancien Iran, de Zarathushtra et de Platon, tout en restant au sein de l'islam. Entendons-nous bien, il évoque un héritage métaphysique et non culturel ou social. Son œuvre est une véritable métaphysique de la lumière. Elle témoigne d'une quête intérieure poussée très loin. Sohravardî estimait que les sages de l'ancien Iran avait mené la même quête et que certains étaient parvenus à l'illumination. Il se proclamait leur successeur. Il est le chef de file d'un courant qui s'est perpétué jusqu'à nos jours.

L'idéologie tripartite en Iran

La tripartition est présente dans les textes sacrés. L'Avesta indique que la société est divisée en trois castes, les prêtres, les guerriers, les paysans, auxquelles s'ajoute parfois une quatrième caste : les artisans.

Voyons maintenant deux manifestations singulières de l'idéologie tripartite en Iran.

L'historien grec Hérodote (Histoires, VII, 54) signale un sacrifice tripartite accompli par Xerxès, roi achéménide du début du Ve siècle avant notre ère. Celui-ci, après des prières et des libations, jeta dans la mer trois objets : une coupe, symbole de la première fonction ; un cratère en or, vase de grande contenance, qui figure sans doute la prospérité et la richesse matérielle, donc la troisième fonction, et un glaive, objet représentatif de la deuxième fonction.

Une autre manifestation singulière de l'idéologie tripartite en Iran est fournie par trois feux particuliers : un est réservé aux prêtres, un aux guerriers, l'autre aux paysans. Ils étaient situés dans différents temples. Les rois parthes et sassanides, après leur couronnement, se rendaient en pèlerinage au feu des guerriers situé en Azerbaïdjan.

À suivre

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