Nous avons parlé déjà de la mort annoncée de notre modèle social devenu insoutenable par insuffisance de valeur ajoutée produite par le travail des Français, il en est une autre : la mondialisation. Enfin, peut-être est-ce présomptueux d'enterrer la mondialisation des mœurs, des envies et des goûts sous la férule des GAFAM, mais il est un paradigme formidable qui maintenant pue la gangrène gazeuse, c'est la division internationale du travail (DIT). Depuis que la mine du monde (FDR) et l'usine du monde RPC) se sont déclarées ouvertement hostiles au monde libre qui les menace par le poison de la démocratie (plus simplement par la promotion des libertés individuelles), nous devons ramener leurs contributions essentielles aux économies clientes (nous) à la proportion de nuisance opposable dans une économie de guerre affrontant une rupture des flux. En trois mots : diminuer nos dépendances !
Certes dans le monde entrelacé d'aujourd'hui, l'indépendance est un horizon qui recule à mesure qu'on l'approche, mais cette quête du nouveau graal n'est pas stérile. Nous pouvons vivre mieux en rapatriant du travail chez nous et en augmentant notre sûreté.
Petite incidente philosophique : La mondialisation fut promue et acceptée par la terre entière parce qu'elle était une promesse d'entropie entre des mondes trop inégaux, le tiers et le nôtre. Nous perdions un peu au bénéfice de peuples nombreux que le principe de la DIT allait développer afin qu'ils ne nous fassent pas la guerre. Cela marcha à fond avec les pays d'Asie du sud-est hébergeant des nations industrieuses. Moins en Afrique, chez les contemplatifs de leurs droits. Mais dès lors que l'entropie nourrit une hostilité non feinte contre le monde donneur, il n'y a pas de raison de continuer le transfert. Nous venons d'atteindre ce point d'interrogation. Un grand pays mondialisé comme la Chine populaire va commencer à phosphorer sur les brisants de sa diplomatie de loups combattants.
A cause de la rupture d'harmonie provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine et le chaos énergétique mondial qu'elle engendre, tous les pays, y compris d'ailleurs les deux précités, vont faire l'inventaire de leurs dépendances, exercice toujours repoussé chez nous au nom du libéralisme, seul moyeu de développement de l'économie mondiale dans l'esprit de Davos. Dans le même mouvement, une seconde équipe lancera les recherches de dépendances alternatives pour les biens et denrées d'importation ; une troisième s'attellera au rapatriement de productions stratégiques sur le sol national, voire en zone de proximité sûre. Je mise vingt patacas que M. Macron passera commande des trois études chez McKinsey, chez Deloitte et chez Arthur D.Little, tant notre technocratie est encrassée de suffisance et d'insuffisances. C'est neuronal. Mais parlons un peu de notre cher vieux pays dont les dépendances multiples sont anciennes, n'en déplaise aux souverainistes. Quelques idées :
Si le Royaume-uni fut dans le passé notre allié obligé à la guerre, après avoir été l'ennemi héréditaire, c'est d'abord pour l'essence. De ce côté, nous prenons la trajectoire d'une quasi-indépendance énergétique en relançant les centrales nucléaires et en continuant à développer les énergies alternatives aux énergies fossiles d'importation. Il y faudra du temps mais avant dix ans nous en verrons les effets. Qui dit hydrocarbures, dit aussi chimie organique et plastiques, mais en quantités bien moindres.
Ni fer, ni charbon cokéfiable en France = pas d'acier. Mais il y en a partout ailleurs dans le monde, faut-il encore savoir placer des contrats d'approvisionnement dispersé, sans laisser les prix s'enchérir. Et pour la première fois dans ce billet : être capables d'assurer la sécurité des convois. Dans un monde hostile, cette précaution va s'imposer à tous les flux, nous n'y reviendrons pas. On a le même problème avec l'aluminium et tous les métaux à transformer. Les solutions sont les mêmes : disperser, sécuriser.
Tant pour l'énergie que pour les matières premières de base, il serait avisé de former un Lloyd's énergie et un Lloyd's matières entre acteurs du segment économique, qui veilleraient à maintenir la dispersion des approvisionnements et la tenue des cours dans une optique de sécurité. Ce serait plus efficace et moins cher qu'une nouvelle agence de planification. S'il est très difficile, sauf au tableau noir, de rapatrier les filières de production de biens de consommation, les industries ancillaires d'amont et d'aval des secteurs précédents sont identifiables facilement et peuvent être reconstruites sur les moignons subsistants qu'il faudra recapitaliser. La tache d'encre peut s'étendre à partir d'elles.
Pour la masse des industries de transformation, peut-être suffira-t-il de libérer les entrepreneurs des entraves grotesques qui les lient et accepter qu'ils y fassent fortune pour voir revenir un tissu industriel digne de nos souvenirs. C'est la seule voie aussi pour aborder aux rivages des nouvelles technologies. Sera-ce le plus difficile à imposer aux censeurs politiques de la république de gauche ? Peut-être, avant incinération du lest socialiste.
La question agricole est moins prégnante en termes de souveraineté. On fait des kiwis à Sumène. Pour huiler la circulation générale et la consommation des denrées, sans doute faudra-t-il clouer à la porte de la grange certains patrons de centrales d'achat, comme ça, juste pour le fun. Et ça calmera tout le monde sur l'empilage de marges et la paupérisation éhontée des exploitants. Nous avons un secteur agro-alimentaire puissant, sachons le protéger de la technocratie bruxelloise et de la prédation écologiste. Ce secteur n'a besoin de personne pour conquérir des marchés.
Il est d'autres secteurs que nous avons développés dans Les Sept Atouts qui n'ont pas besoin de secours d'urgence, même si nous devons veiller à leur bonne santé surtout dans le domaine militaro-industriel. La France en outre participe de l'inventivité génétique occidentale et y prend plus que sa part. Un avantage de l'Occident, même désindustrialisé, est qu'on y sait tout faire et que nous sommes encore à la source des inventions fondamentales. Le reste du monde suit, améliore, déploie, mais l'étincelle originelle vient de nous. Ne nous décourageons pas !
Une question qui revient souvent, grâce ou à cause de M. Macron, c'est l'européanisation des solutions de cette remontada. Sans être dirimant, confier notre survie aux institutions européennes est dangereux, surtout à vingt-sept ; d'abord par le temps interminable qu'il y faudra investir. Sans couper aucun pont, il ne faut pas attendre l'Europe, pas plus qu'il ne faille attendre l'Allemagne dans la mise en production des armes indispensables à notre sécurité (par exemple). Il y a deux pays qui dans l'ensemble des coopérations d'armement ont toujours répondu présents, ce sont l'Espagne et l'Italie quand le "plan de charge" était honnêtement distribué. Travaillons avec eux déjà et mesurons nos ambitions à l'aune de nos capacités. Nous saurons un jour ou bientôt si charbonnier est à nouveau maître chez lui !
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