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Complications du scénario électoral

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Ce 21 mars 2022, dans son éditorial quotidien pour Europe n° 1, Nicolas Beytout s'inquiète que "pour la première fois, les partis contestataires sont majoritaires en France". Le directeur de L'Opinion revient en effet sur le rassemblement autour de Jean-Luc Mélenchon dans les rues de Paris la veille. Plus de 100 000 personnes y "auraient" participé… Le chiffrage, évidemment surestimé, a été communiqué par les organisateurs de cette manifestation.

Dans un article intitulé "De Bastille à République, Mélenchon et la tentation du vote utile à gauche", Valeurs Actuelles observe : "La réalité doit se situer autour des 30 000 participants. Partie de la place de Bastille, la démonstration de force se veut tout de même réussie. 'C’est le plus grand rassemblement organisé par un candidat lors de cette campagne présidentielle', rappellent les journalistes présents sur place. Loin devant les 13 000 sympathisants rassemblés au premier meeting d’Eric Zemmour, à Villepinte, le 5 décembre."

Intitulée Marche pour une Sixième république, son thème flirte, une fois de plus, d'une façon à peine subtile, avec une logique insurrectionnelle qui n'annonce rien de bon. Cette opération de ratissage des Insoumis en direction de l'extrême gauche est confirmée par la promesse d'amnistie pour les gilets jaunes condamnés. Elle bénéficierait en fait essentiellement aux black blocs qui s'étaient employés à dénaturer très vite le mouvement de protestation des classes moyennes. En ce sens, le refus de la candidate du RN de s'associer à cette proposition démagogique prend tout son sens et mérite d'être saluée.

L'hypothèse que nous osions avancer dans notre chronique du 10 février, celle de la présence possible au second tour de Mélenchon [cf. L'Insolent du 10.2 "Mélenchon n'a pas dit son dernier mot"], non seulement prend de la crédibilité. Elle semble en fait une des perspectives les plus favorablement envisagées par les stratèges macroniens. Elle assurerait en effet le succès du président sortant, plus probablement encore que la répétition de 2017. Rappelons à cet égard que l'une des clefs de la poussée éventuelle du candidat de la soi-disant France insoumise, repose aussi sur la montée en participation d'électeurs encadrés par les Frères musulmans.

Auprès des réseaux proches de la confrérie le personnage est présenté de façon systématique comme un rempart contre l'islamophobie. Cet argument peut se révéler susceptible de lui apporter quelques centaines de milliers de voix au premier tour, le hissant à la deuxième place avec le concours des petits courants d'extrême gauche désespérant de leurs candidats respectifs. Il se retournerait en revanche complètement contre lui au second tour quand on sait l'état de l'opinion française sur cette question.

Certes, à Manhattan ce 15 mars, le délégué du Pakistan, soutenu par celui de l'Arabie saoudite, est parvenu à faire entériner par un consensus, aussi poli que scandaleux, de l'Assemblée générale des Nations Unies, le principe d'une journée annuelle non contraignante contre l'islamophobie. Mais, plus ce sujet sera agité, plus une majorité de Français tendra plutôt à se braquer contre son écœurant principe, le concept lui-même restant dépourvu de sens et indéfinissable.

Deuxième avantage de cette hypothèse - aux yeux des macroniens : elle leur permettrait de justifier tous les ralliements opportunistes en provenance de la droite classique dont ils deviendraient alors le dernier rempart. Pour les rédacteurs du Figaro, dans un duel avec Zemmour, et plus encore avec Valérie Pécresse, difficile, pour nos centristes, d'alerter la bourgeoisie. Si Mélenchon agite le chiffon rouge de son origine trotskiste et l'ombre du voile islamiste, la cause peut sembler entendue.

La campagne électorale gagnerait sans doute en qualité à porter sur d'autres thèmes, puisque les Français en sont encore à identifier leur destin à la présence de tel ou tel personnage à l'Élysée. Cette illusion de souveraineté accompagne tragiquement le caractère subreptice de la construction européenne. On refuse d'admettre, et on s'ingénie à ne jamais dire à nos concitoyens, que les véritables décisions ne peuvent plus être prises que par un accord au sein de l'Union européenne. La crise ukrainienne nous le confirme. On oublie également que les lois et la survie des gouvernements dépendent de la majorité de l'Assemblée nationale, elle-même élue au scrutin de circonscription. Or, les médias se focalisent sur l'élection présidentielle, les élections législatives et celles du Parlement européen étant reléguées au second rang, voire tout simplement méprisées.

Cette contradiction, sourdement ressentie par l'électorat, n'est pas étrangère aux progrès constants des taux d'abstention et aussi de la part des intentions de votes protestataires. Quand les élus ne disposent, en fait, et chacun le sent plus ou moins, d'aucun pouvoir, aucune promesse ne peut sérieusement être prise au sérieux, on ne doit donc pas s'étonner du discrédit de la parole publique.

Voilà qui complique singulièrement les scénarios électoraux.

https://www.insolent.fr/

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