La démocratie française est fragile. Or la guerre en Ukraine accentue son mal-être. Le chef de l’État s’abrite derrière le conflit pour refuser de débattre, sinon avec des interlocuteurs choisis. La stratégie de la peur produit les effets anesthésiants escomptés, avec un ralliement des uns derrière l’homme en place et un renoncement des autres à aller voter.
Les sondages évaluent à 30 % l’abstention pour la présidentielle. Dans sa conférence de presse, Emmanuel Macron a critiqué Gérard Larcher (LR) qui s’inquiétait (Le Figaro, 15 mars) : « S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera. » « Un président du Sénat ne devrait pas dire ça », a répondu Macron. Pourtant, Larcher a raison d’évoquer le risque d’une frustration démocratique, à l’issue d’un cérémonial électoral vidé des grands enjeux. La violence est prête à bondir.
Gérald Darmanin a cru malicieux de rappeler (RTL, lundi) que Valérie Pécresse avait été désignée à la tête de la région Île-de-France, en 2021, par « 15 % des Franciliens », à cause d’une forte abstention. Mais c’est précisément cette assise ténue qui fait vaciller les pouvoirs mal élus. En 2017, Macron n’avait récolté au premier tour que 18 % des inscrits (24 % des suffrages exprimés). Sa victoire au second tour avec 66,06 % des exprimés (mais 43,63 % des inscrits) avait surtout tenu au rejet de Marine Le Pen. Un même scénario peut se profiler en avril, aggravé par une accumulation de ressentiments au cœur d’une société qui ne joue plus le jeu électoral. Comme le remarque André Bercoff (1) : « Plus la sécession entre élites et peuples (…) demeurera, plus la non-participation au destin collectif deviendra la norme ». Cela s’appelle une crise de confiance.
La lassitude démocratique a gagné cette partie de la France qui a disparu du champ de vision des décideurs. Pour 57 %, la démocratie ne fonctionne pas bien. (La suite du bloc-notes sur Le Figaro)
(1) « Abstention piège à cons », avec également Stéphane Guyot et Philippe Pascot, Éditions Max Milo
https://blogrioufol.com/la-fragile-legitimite-des-dirigeant-mal-elus/