Marié à Constance d'Arles, qui assure la gestion des deniers publics, Robert II fait contre mauvaise fortune bon coeur. Bravant les terreurs de l'an Mil, guerroyant contre des féodaux souvent sans foi ni loi, il en impose à plus d'un par son sens de la dignité royale, par sa justice et sa loyauté.
Cette année-là, la neuvième de son règne effectif, Robert II, trente et un ans, ayant non sans déchirements surmonté les tumultes de son coeur trop tendre, venait de contracter un mariage parfaitement légitime mais, nous l'avons laissé entendre, la jolie fille de Guillaume Taillefer comte de Provence, Constance d'Arles, dix-sept ans, allait être le purgatoire de son mari.
Épouse extravagante
Figurons-nous la situation. Alors qu'à Paris, les Capétiens menaient une vie humble et pieuse, voilà que cette extravagante laissait arriver dans son sillage des hommes du Midi. Ils étaient « remplis de légèreté et de vanité, mettant un luxe extrême dans leurs armes et dans les harnais de leurs chevaux, avec des cheveux coupés à mi hauteur de la tête, la barbe rasée comme des histrions, portant des chausses inconvenantes, privés de bonne foi et du respect de la foi jurée »... Du moins selon le moine chroniqueur Raoul Glaber !
Il fallait toutefois que Robert fît contre mauvaise fortune bon coeur, effort d'autant plus méritoire que, cousine germaine de Foulque Nera, le terrible et pourtant pieux comte d'Anjou, Constance imposait à la cour l'influence angevine, au détriment du comte de Blois, Eudes II, fils de Berthe, l'épouse congédiée !
Un mendiant sous la table du roi
Robert allait alors être un modèle de charité. Car autant son ancien maître, le pape Sylvestre II, était un politique, le roi de France apparaissait à tous comme un saint. Richer, autre moine chroniqueur, le décrivait comme grand, possédant une belle chevelure, un regard modeste, une barbe imposante et toujours bien peignée, « une bouche suave et douce pour donner le baiser de la sainte paix ». On lui doit les paroles et la musique de nombreux hymnes liturgiques, qu'il chantait lui-même dans le choeur, manière sans doute d'invoquer Dieu pour qu'Il l'aidât à supporter sa femme. On connaît maint récit de ses actes de charité, comme le dîner d'un soir à Étampes où il nourrissait un mendiant sous la table en cachette de Constance... tandis que le pauvre homme, tout en mangeant, découpait un ornement d'or qui pendait du vêtement royal, avant de s'esbigner sans être inquiété...
Robert n'en devait pas moins confier à Constance la gestion des deniers publics, en somme la direction d'un ménage qui s'étendait au royaume entier. La monarchie capétienne ne fut jamais misogyne...
Prestige
Ce roi resté pour toujours "Le Pieux", fut aussi, dit Frank Funck- Brentano « toujours en guerre, assiégeant les châteaux, s'efforçant, la lance au poing, de faire régner la paix et la justice », car il devait guerroyer contre des féodaux souvent sans foi ni loi qui, pour certains, avaient servi les Carolingiens quelques années plus tôt et se croyaient autorisés à manquer de respect au fils d'Hugues Capet. Les maisons rivales, déjà citées, d'Anjou et de Blois commençaient à agrandir leurs domaines dangereusement. Toutefois Robert par son sens de la dignité royale, par sa justice et sa loyauté, en imposait à plus d'un. Dans ces années où les légendaires terreurs de l'an Mil mettaient le peuple en ébullition de ci de là, s'imposa déjà, grâce au soutien du roi, la "paix de Dieu", qu'on allait appeler plus tard la "trêve de Dieu", qui permit aux évêques de moraliser l'exercice de la guerre.
En même temps, Robert accrut le prestige français sur le plan européen, s'entretenant en 1023 avec l'empereur romain germanique Henri II, qui, lui, allait être canonisé, des réformes nécessaires à l'Église en crise.
En dépit de la venimeuse Constance, qui allait vers 1030 tenter de dresser ses fils contre lui, Robert II fit grandir en prestige la jeune monarchie capétienne. Il devait mourir le 20 juillet 1031 à Melun, à soixante et un an. Comme le dit le duc de Levis-Mirepoix, « dès sa génération, la dynastie n'est plus contestée dans sa légitimité de principe. Les plus humbles s'y reconnaissent. Une espèce de candeur évangélique en dépit des troubles du temps plane sur elle. » L'aventure entamée à Senlis en 987 aurait un avenir.
Constance, quant à elle, allait survivre deux ans à Robert, trouvant encore le moyen d'attiser la jalousie de ses fils cadets contre l'aîné et successeur Henri 1er (que Robert avait eu la sagesse de faire sacrer en 1027, à dix-neuf ans). Sans doute a-telle sauvé son âme en construisant un oratoire à Étampes et en faisant édifier un monastère de chanoines à Poissy...
Nous avons déjà conté la manière dont Henri 1er échapperait aux difficultés de son père avec les femmes en allant prendre la sienne... en Ukraine (L'AF 2000 du 18 septembre 2008).
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 juin 2009