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Cette guerre qui profite aux Américains

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Point de vue

Six mois après leur piteuse retraite d’Afghanistan où ils furent la risée du monde, les Américains semblent tenir leur revanche. L’invasion russe de l’Ukraine, qu’ils ont annoncée si fort qu’ils semblaient bien la désirer, n’a, pour l’instant, pour eux, que des avantages.

Tout d’abord, les sanctions prises dans la précipitation par les Européens vont permettre aux États-Unis de vendre à l'Europe du gaz naturel liquéfié (GNL) au prix fort. Jusqu’à présent, l’écart de prix était tel avec le gaz russe que les achats européens étaient marginaux. Les présidents américains n’avaient pourtant pas ménagé leurs efforts pour inciter les Européens à être plus compréhensifs, mais sans grand succès. Grâce, notamment, aux Allemands qui préféraient traiter avec les Russes. Le fameux gazoduc Nord Stream II avait pu s’achever dans la douleur malgré les menaces et les sanctions des États-Unis.

Cet échec américain n’aura pas duré longtemps et, dès l’invasion de l'Ukraine, la pression fut mise sur l’Allemagne qui, cette fois, céda. Nord Stream II est fermé avant même d’avoir commencé à fonctionner, provisoirement il est vrai, mais c’est la première reculade allemande sur le sujet. Elle est facilitée par la présence des Verts au gouvernement, pour qui l’idéologie russophobe passe avant l’intérêt national. Les Allemands réfléchissent, maintenant, à de gigantesques investissements permettant d’être approvisionnés en GNL. Ils dépenseront donc beaucoup pour acheter plus cher : à Washington, on doit sourire quelquefois.

Les autres pays européens sont également sommés de s’orienter vers d’autres sources d’énergie. Ce ne sera pas simple : l’Algérie et la Norvège ont fait savoir qu’ils ne pouvaient produire plus et (pas de chance !) l’Iran et le Venezuela sont sous sanctions. L’ en a décidé ainsi et l’Europe a obéi, bien sûr. Seule la courageuse Hongrie résiste. En attendant, l’Ukraine continue d’être approvisionnée en gaz russe. Au bal des hypocrites…

Autre satisfaction américaine, le gigantesque pont aérien destiné à approvisionner l’Ukraine en armes. Cela réjouit, bien sûr, le complexe militaro-industriel pour qui les bonnes affaires vont reprendre. Ces armes sont données et non vendues, dit-on parfois. En réalité, beaucoup seront payées par l’Ukraine qui sera, pour cela, soutenue financièrement par les États-Unis mais aussi par l’Europe. Belle opération.

De plus, le réarmement annoncé de nombreux pays occidentaux permettra à l’Oncle Sam de rentrer largement dans ses frais. Gageons, ainsi, que beaucoup, comme l’Allemagne, sauront par exemple choisir des F-35 américains et non des Rafale français. Mais nous continuerons à faire comme si de rien n’était.

Troisième satisfaction américaine : la presque unanimité européenne contre la Russie. Ce ne fut pas toujours le cas : ainsi, en 2003, lorsque l’ attaqua l’ sous les motifs les plus mensongers, Paris, Berlin et Moscou s’étaient rapprochés pour condamner cette guerre. Washington en avait été profondément irrité et inquiet. Presque vingt ans après, la revanche semble totale.

Mais nous ne sommes qu’au début de cette histoire et les Américains feraient bien de ne pas crier victoire si vite. Ils en font déjà trop, comme souvent. Biden a appelé à un changement de régime à Moscou et plusieurs journaux américains affirment que ce serait grâce aux renseignements américains que le croiseur russe Moskva a été coulé et que plusieurs généraux russes ont été abattus. Le Pentagone a démenti mais ces affirmations sont crédibles. La frontière entre soutien et cobelligérance devient ténue.

Plusieurs responsables américains, comme Lloyd Austin, ne cachent pas leur volonté d’affaiblir durablement la Russie. C’est la ligne des faucons qui l’a emportée et c’est une pente bien incertaine, car il est peu probable que ces menaces fassent reculer Poutine, dont rien ne prouve à cette heure que la popularité a été entamée.

Antoine de Lacoste

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