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Dupond-Moretti dans le collimateur des juges de la CJR : ministre ou erreur de casting ?

 
 Marc Baudriller 11 mai 2022

Les relations du garde des Sceaux  avec les magistrats étaient notoirement mauvaises. 

De là à ce que l’ancien « as » du barreau se retrouve devant des juges, il y avait un pas.

 Un pas franchi mardi. Le ministère public de la Cour de justice de la République, la fameuse CJR, demande le renvoi de Dupond-Moretti : il est mis en examen pour prise illégale d’intérêts. L’ancien avocat pénaliste est soupçonné d’avoir profité de sa fonction de garde des Sceaux pour régler ses comptes avec trois magistrats. Que s’est-il passé ?

Ces trois magistrats avaient ordonné qu’on épluche les factures téléphoniques détaillées (les fadettes) de celui qui était encore l’un des avocats les plus célèbres de France. Dupond-Moretti n’avait pas aimé, mais alors pas du tout : c’est ce que soupçonne la CJR. Au point qu’en septembre 2020, il a ordonné contre ces trois juges une enquête administrative. Le ministre a-t-il voulu se venger ? En tout cas, la CJR (la seule juridiction qui peut juger des ministres pour des infractions commises pendant leur mandat) lui a demandé de s’expliquer en mars et en avril derniers : Dupond-Moretti a refusé de répondre aux questions. Ça n’aura évidemment pas arrangé son dossier… Car le garde des Sceaux a une autre affaire sur le dos. Elle a, elle aussi, un mauvais parfum de vengeance… Il a aussi diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction qui avait eu le culot de mettre en examen l’un de ses clients. Dupond-Moretti avait tancé « les méthodes de cow-boy » de ce juge. Bref, il ne s’est pas fait que des amis…

Le ministre n’est pas encore formellement mis en cause : la commission d’instruction de la CJR décidera ou non de le renvoyer devant la cour, mais cette CJR ne se lance pas contre un garde des Sceaux à la légère. Les magistrats ont des biscuits. Dupond-Moretti s’attendait à traiter de droit au ministère de la Justice, mais peut-être pas comme ca…

Sur le plan politique, l’enjeu de cette procédure dépasse la personne du garde des Sceaux. À son arrivée au gouvernement à l’été 2020, la presse avait largement salué un coup de maître d’Emmanuel Macron. Dupond-Moretti était populaire, il incarnait la figure de l’avocat rude, indomptable et incorruptible auprès des Français. Il avait fait l’acteur, joué dans deux films, il avait même fait l’objet d’un film, Une intime conviction d’Antoine Raimbault. Dupond-Moretti, c’était une belle prise de  dans la société civile pour le Président, une prise saluée par tous les  à son arrivée à la chancellerie à l’été 2020 pour remplacer Nicole Beloubet. Mais, dès le départ, Dupond-Moretti avait essuyé une fronde des magistrats et des professionnels de la Justice.

Il n’a jamais été vraiment accepté, il reste très contesté. Le garde des Sceaux fêtera, cet été, ses deux ans au gouvernement et l’ambiance n’est pas à la fête… On ne prend pas beaucoup de risques à parier qu’il ne sera pas prioritaire pour intégrer le prochain gouvernement. Au passage, les affaires de Dupond-Moretti sonnent aussi comme un échec, une erreur de casting, pour Emmanuel Macron, à un moment sensible, à la veille de l'annonce d'un nouveau gouvernement. Le chef de l'État s’en serait bien passé...

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