En ce jour anniversaire de la mort de Dominique Venner, nous reproduisons ici, presque dans son intégralité, l’éditorial qu’il a écrit pour le premier numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire en 2002. Cet éditorial, repris dans le recueil Grandeur et décadences de l’Europe (Éd. Via Romana, 300 p.), nous rappelle que chaque européen est dépositaire d’un héritage caché, qu’il doit découvrir et défendre.
Parmi tous les exploits prêtés à Thésée, héros légendaire des Athéniens, le plus célèbre est la mise à mort du Minotaure, monstre crétois à qui les anciennes populations de l’Attique payaient un tribut sanglant. Le récit mythique de la découverte de son héritage, transmis par Pindare et Plutarque, ne peut nous laisser indifférents. Thésée était le fils d’Égée, roi d’Athènes. N’ayant pu avoir un fils de son épouse légitime, Égée écouta le conseil des dieux et engrossa Æthra, fille du roi de Trézène. De cette façon naquit Thésée.
Élevé dans la famille de sa mère, l’enfant ignorait tout de son père. Celui-ci avait ordonné de ne rien lui révéler de ses origines tant qu’il ne serait pas capable de soulever un rocher sous lequel Égée dissimula son épée avant de repartir. Et ainsi fut fait.
Quand Thésée eut seize ans, sa mère le conduisit au rocher. Le jeune homme souleva la pierre sans effort et s’empara de l’épée. Le secret de sa naissance lui fut alors révélé. Derechef, il décida de rejoindre son père, accomplissant durant le voyage une série d’exploits prouvant qu’il était véritablement fils de roi.
Athènes était toujours gouvernée par Égée. Cependant, celui-ci était tombé au pouvoir de la magicienne Médée. Cette dernière comprit qui était Thésée et résolut de l’empoisonner. Pourtant, au cours d’un banquet organisé dans cette intention, Thésée tira son épée pour découper un quartier de viande. Aussitôt son père le reconnut et le sauva. Puis, assuré de la pérennité de son pouvoir, il reprit ses droits et chassa Médée.
À la façon de Thésée, les Français et les Européens sont les dépositaires d’un héritage tout aussi royal, celui de leurs origines et de leur histoire, mais ils ne le savent pas. Cet héritage leur a été celé. Ils ne le retrouveront qu’à la condition de s’en montrer dignes dans les épreuves. Tel est le sens du mythe de l’épée cachée sous la pierre.
Sous des formes voisines, ce mythe de la mémoire retrouvée est présent au cœur des légendes fondatrices des autres grandes cultures européennes, dans les pays celtiques avec l’épée d’Arthur, dans les pays nordiques avec celle de Sigurd. L’une et l’autre de ces épées leur viennent de leurs pères sans qu’ils le sachent. Excalibur a été plantée dans une pierre par le roi Uther avant de mourir. Celle de Sigurd lui vient secrètement de son père Sigmund, via le forgeron Regin qui en a réuni les tronçons brisés.
Une telle similitude ne peut être fortuite. Avec tant d’autres signes, elle manifeste la parenté unissant les peuples européens à travers leurs mythes fondateurs. Le mythe de l’héritage caché nous dit aussi que, sans le savoir, nous mettons nos pas dans ceux de nos pères souvent ignorés.
Métaphore de la royauté, de la droiture et de la vaillance, l’épée désigne un héritage spirituel. Celui-ci ne devient conscient que par un effort de connaissance, fonction par excellence de l’histoire, avec l’enseignement du réel et le rappel de la mémoire collective.
Dominique Venner
Source : dominiquevenner.fr, 21/05/2022