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Deux cents ans de révolution française 3/5

Les deux principes clés de la révolution, égalité et liberté, sont revendiqués par les deux camps du progressisme, mais dans une acception différente. Pour les libéraux, le concept central est la liberté de l’individu. L’égalité dont ils se réclament est l’égalité des droits à la naissance, en rupture avec la société des ordres inégalitaires et héréditaires. Cette égalité des droits ne signifie nullement égalité des conditions. Au contraire la liberté des individus, doués de capacités différentes, peut déboucher, dans le cadre de la compétition sociale, sur des inégalités de condition importantes. C’est ainsi qu’à la fin du XIXe siècle, les inégalités de conditions entre les propriétaires des entreprises et les ouvriers sont considérables, nullement inférieures à ce qu’elles pouvaient être sous l’ancien régime entre les grands aristocrates et leurs valets.

Pour les communistes à l’inverse, l’égalité doit être l’égalité des conditions. Cette recherche de l’égalité des conditions conduit à encadrer la liberté, voire à la supprimer, afin d’empêcher la survenance d’inégalités sociales. On voit que, pour les deux ailes du progressisme, les deux concepts clé de liberté et d’égalité n’ont pas la même acception ni la même hiérarchie : les libéraux font primer la liberté individuelle, les communistes l’égalité. On voit également que ces deux concepts sont l’un par rapport à l’autre dans une situation de tension et de contradiction : poussés à leur extrême, ils sont radicalement antagonistes.

Il faut ici insister sur un point crucial. Les deux courants progressistes ont la même source et la même inspiration : l’Evangile, référence majeure de la civilisation européenne depuis deux mille ans. Toutes les conceptions progressistes sont en effet présentes dans l’Evangile, qui, pris au pied de la lettre, est en tout point révolutionnaire. La liberté individuelle tout d’abord est fortement présente dans l’Evangile, qui s’adresse aux individus et les appelle à croire librement. De même l’Evangile affirme fortement l’égalité de tous les hommes. Il marque même sa préférence pour les pauvres et condamne la richesse et de l’argent : les conceptions communistes se trouvent dans l’Evangile dans toute leur pureté et leur radicalité. Les autres valeurs modernes trouvent également leur source dans l’Evangile : l’idée de progrès découle de l’appel que l’Evangile lance à chacun de progresser moralement, de s’éloigner toujours davantage du péché, de se rapprocher toujours plus des commandements évangéliques. L’idée d’universel est elle-aussi évangélique bien sûr, la religion catholique ayant vocation à s’adresser à tous les hommes. Tous les concepts modernes, on le voit, sont en réalité inspirés de l’Evangile. Et c’est là qu’apparaît le premier paradoxe que la révolution française a fait naître. Les progressistes rejettent l’Eglise et la religion catholique : la révolution française sera violemment anticatholique et se prolongera sur ce terrain pendant tout le XIXe siècle. Anticatholique, la révolution est pourtant profondément religieuse. Les révolutionnaires se réclament de l’Etre suprême. Ils créent bel et bien une nouvelle religion, le progressisme, sur la base même des concepts évangéliques. Cette religion progressiste a deux branches : la religion de l’individu-roi, celle des libéraux, et la religion de l’égalité, celle des communistes. Or, la lecture que font les progressistes de l’Evangile résulte selon-nous d’une erreur fondamentale. L’Evangile est un appel individuel adressé à ceux qui veulent, dans leur vie personnelle, se rendre disciples du Christ : il n’est pas et ne peut être un modèle de société. Le Christ lui-même l’indique sans ambiguïté : « rendez à César ce qui est à César » (car) « mon royaume n’est pas de ce monde ». Saint-Augustin insistera sur la nécessité de distinguer cité de Dieu et cité des hommes. Chesterton au début du XXe siècle exprime de façon géniale la situation créée par les progressistes : « L’Europe est pleine d’idées chrétiennes devenues folles ». C’est dans ce contexte que l’on aboutit à ce second paradoxe. On peut dire que c’est par l’Eglise que l’Europe a été construite : se gardant bien de considérer le texte évangélique comme un mode de gouvernement, l’Eglise a été jusqu’à la révolution un pilier majeur et le principal cadre structurant de la civilisation européenne. Et c’est la mauvaise lecture de l’Evangile, pris au pied de la lettre par les progressistes, qui va la détruire.

Les deux camps progressistes ont évolué, à la faveur de l’évolution de la société, notamment après la révolution industrielle. Il existe désormais des nuances importantes au sein du camp des libéraux, par exemple. On peut ainsi distinguer les libéraux ultra et autres libertaires et anarchistes, refusant toute contrainte sur les individus. Les libéraux modérés veulent, eux, un Etat qui se limite au régalien afin de laisser s’exprimer la liberté économique. Enfin les libéraux sociaux (ou socio-démocrates, ou socialistes) veulent un Etat interventionniste qui vienne encadrer le libre-jeu du marché afin de limiter les inégalités (mise en place de services publics, d’une sécurité sociale, du droit du travail, de mécanismes de redistribution).

Le camp communiste, a évolué lui-aussi. Les questions de justice économique et sociale ont désormais tendance à passer au second plan : au nom de la religion progressiste de l’égalité universelle, le camp communiste est devenu islamo-gauchiste, avant tout préoccupé de soutenir l’immigration. Nous y reviendrons.

  • Le camp réactionnaire malheureusement à l’état résiduel

Face aux deux ailes du progressisme, il existe un troisième camp politique, celui de la réaction. A partir de 1789, ce camp est celui qui veut réagir, s’opposer à la vague révolutionnaire et progressiste et défendre la société traditionnelle. Ce courant n’a pas disparu mais il est en constant recul. Au XIXe siècle il est encore puissant et l’emporte même à divers moments (les Restaurations). Son principal cheval de bataille est la défense de la religion catholique. Au XXe siècle, dans l’entre-deux guerres, les ligues d’anciens combattants de la guerre de 14 représentent le courant réactionnaire. En 1940, l’Etat français n’est pas seulement un régime né de la défaite : il constitue également un projet de réaction contre le progressisme. Discrédité par son choix de la collaboration avec l’occupant, l’Etat français entraînera le courant réactionnaire avec lui dans l’opprobre.

À suivre

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