Car si les élections municipales de 2020 leur ont été singulièrement favorables, de grandes villes telles que Bordeaux, Grenoble, Lyon, Poitiers, Tours et Strasbourg battant désormais pavillon vert, ils sont manifestement revenus bredouilles de la chasse aux agglomérations de moindre importance.
D’où cette interrogation existentielle de Kattalin Fortuné, députée écologiste de l’Aude : « Il y a un phénomène de rejet du citadin dans les campagnes. […] Malheureusement, EELV parle comme les citadins et a une vision idéalisée de la campagne. » À peine moins lucide, Marie Pochon, sa collègue de la Drôme, jette un froid en rappelant : « En 2022, 69 circonscriptions rurales ont été remportées par le Rassemblement national, 23 par le Parti socialiste et entre trois et cinq par les écologistes [alors qu’ils alignent 23 députés à l’Assemblée, NDLR]. On a une sociologie plutôt urbaine, diplômée, aisée. On en oublie parfois ceux qui souffrent de l’absence d’alternative à la voiture individuelle, au moment où le prix des carburants explose. » Remarquons, néanmoins, qu’il n’est jamais trop tard pour découvrir que l’eau est humide, que les vaches ont des cornes et que les poules sont bizarrement dépourvues de dents.
Et la même Kattalin Fortuné de poursuivre : « Ce qu’on n’a pas assez dit, c’est qu’il y a un phénomène de rejet du citadin dans les campagnes. Ceux qui sont "d’ici" en ont ras le bol que les urbains leur expliquent ce qu’ils doivent faire, car ils ont cette "vision idéalisée" des campagnes. Ce clivage contribue à donner beaucoup de voix au RN. Il faut donner la voix à ceux qui savent de quoi ils parlent. » Ce qui devrait, de fait, empêcher cette chère Sandrine Rousseau de discourir à propos de ses amis chasseurs. Notre héroïne préférée s'est persuadée que, chaque dimanche, ces monstres sanguinaires s’en vont tirer la mère de Bambi à bout portant, entre deux féminicides.
Comme souvent, le seul à faire preuve du strict minimum syndical de sens commun demeure l’élu mélenchoniste François Ruffin, venu discourir à cette fête de l’esprit sur le thème « NUPES des villes, RN des champs »… Le constat n’est évidemment pas faux. En revanche, la reconquête ne devrait pas être pour demain. La nature est décidément chose par trop sérieuse pour être abandonnée à des écologistes manifestement incapables de faire la différence entre un radis et un topinambour, un rumsteck et un ragoût de tofu, un tracteur et une mandoline.
En décembre prochain, le parti écologiste tiendra son congrès sous le signe de la « refondation ». Voilà qui s’annonce croquignolet. Car le temps presse, à en juger par les réactions sur Twitter aux articles de Mediapart qui ont complaisamment couvert ce pince-fesses estival. Pour Cédric Viallemonteil, paysan du Cantal très présent sur Twitter, la réponse est sans équivoque : « On va leur botter le cul ! » Joint au téléphone par Boulevard Voltaire, cet éleveur à bout craque : « Les paysans, tout le monde s’en fout, nous dit-il. Nous sommes devenus une minorité en France, alors que nous nourrissons la majorité des Français. Les écologistes saccagent désormais nos réserves d’eau, celles des gros industriels mais aussi celles des petits paysans comme nous. Ils viennent la nuit, mais n’oseraient pas nous affronter de jour. Tout cela risque de finir mal. »
On peut s’en inquiéter. Il ne faudra pas non plus, un jour, s’étonner que le ton monte.
Nicolas Gauthier