« Ville cherche médecin à tout prix. Installation facilitée. » Depuis plusieurs années, les avis de recherche de médecins fleurissent sur... le bord des routes. Malgré les promesses de François Braun, nouveau ministre de la Santé, de trouver un médecin traitant pour chacun, de nombreux Français continuent d’être privés de soins, mettant alors leur santé en danger.
5 millions de Français sans médecin traitant
Code rouge. Des Ardennes à l’Allier en passant par la Mayenne, le monde médical manque cruellement de bras et de moyens. Des services et cabinets ferment les uns après les autres sur l’ensemble du territoire. Dans l’Allier, la situation devient critique. À Montluçon, la dernière pédiatre du centre hospitalier a décidé de jeter l’éponge. En cause, une charge de travail devenue intenable pour la jeune médecin. « Maintenant, pour la pédiatrie, on va devoir aller à l’autre bout du département ou à Clermont », déplore, auprès de Boulevard Voltaire, Clélia Touzéry, une habitante du bassin montluçonnais qui a manifesté ce week-end pour réclamer le maintien du service pédiatrique. « Nous ne manquons pas seulement de pédiatres, ajoute Clélia, engagée dans l’Association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM). Pour tout le bassin, nous n’avons par exemple qu’un seul endocrinologue-diabétologue. » Elle confie : « Étant diabétique, je ne suis pas suivie à Montluçon mais à La Châtre, à près d’une heure de route. » Clélia se résigne désormais à parcourir plus de 100 kilomètres pour se faire soigner. Autre département, même détresse. Dans les Ardennes, les patients s’inquiètent de la possible fermeture de la maternité de Sedan. « À cause des restrictions budgétaires et de la volonté de fusionner les hôpitaux, certaines femmes devront faire plus de 50 minutes de route pour accoucher », s’inquiète Michèle Leflon, médecin généraliste, membre du Comité de défense des hôpitaux des Ardennes. Le cas de Sedan est loin d’être isolé. En France, ce sont près de 10 % des maternités qui sont d’ores et déjà en situation de « fermeture partielle », souligne le syndicat des sages-femmes ONSSF.
La médecine de ville n’est pas non plus épargnée. « Même Paris est concerné », nous rappelle un membre de l’ACCDM. Avec la baisse constante du nombre de généralistes – moins 11 % entre 2010 et 2022, selon le Conseil national de l’ordre des médecins – et le vieillissement des professionnels, de plus en plus de cabinets ferment leurs portes, faute de remplaçants. Plus de cinq millions de Français n’auraient pas de médecin traitant. Ainsi à Evron (Mayenne), début septembre, après le départ de trois médecins, une centaine de personnes ont patienté pendant plusieurs heures en espérant pouvoir être inscrits auprès du nouveau médecin généraliste de la ville. « Ce n’est pas normal que des Français soient obligés de faire la queue pendant plusieurs heures pour avoir un médecin », réagit Michel Carreric, le responsable de l'ACCDM que nous avons interrogé.
Des Français privés de soins
Les conséquences peuvent être désastreuses. « Des Français qui vivent en zone de désert médical ne peuvent plus être soignés et vont donc avoir une vie moins longue », s'insurge Michel Carreric, très engagé dans la lutte contre les déserts médicaux auprès des parlementaires. « Pour un rendez-vous d’ophtalmologue d’urgence, j’ai dû faire près de 400 kilomètres en une journée », témoigne Clélia. Un trajet loin d’être accessible à tout le monde. « Mon drame, c’est de voir des patients en défaut de soins parce qu’ils n’ont plus de médecin », nous dit Laure Atru, médecin spécialiste de la Sarthe, contrainte de se substituer aux généralistes de son département.
Plusieurs médecins et patients demandent aux pouvoirs publics de se saisir de ce sujet. Auprès des parlementaires, ils réclament notamment une meilleure régulation de la profession médicale et un conventionnement sélectif. « Mais il faut du courage politique pour agir contre la désertification médicale », glisse un médecin joint par Boulevard Voltaire. Pas sûr que ce soit le fort du gouvernement en place…