Dominique de Villepin est peut-être l'homme d'une victoire, mais pas n'importe laquelle. Lorsqu'en 2003, il a déployé sa haute taille à la tribune des Nations unies pour s'opposer à la stupide et - on le sait désormais - mensongère guerre en Irak des États-Unis, il a ressuscité, pour un instant, la voix unique de la France, singulière, martiale, historique. Dans un discours objectivement superbe, dont la BD Quai d'Orsay a, depuis, dévoilé avec humour les conditions d'écriture, il a su incarner la voix de ce « vieux pays » qui est le nôtre. On peut trouver Villepin grandiloquent, narcissique et pointer ses échecs en politique intérieure, comme les émeutes de 2005 ou le CPE. Tous ces défauts, à l'heure de Macron, nous semblent aujourd'hui bien excusables.
Évidemment, on lui demande pourquoi il n'a pas partagé ces conseils avec Macron. Dominique de Villepin révèle alors qu'il attend depuis un an que le président de la République lui donne audience. Pas le temps, sans doute : quand on reçoit McFly et Carlito ou qu'on décore Zelensky (en survêt') de la grand-croix de la Légion d'honneur, on a un agenda un peu full, bien sûr. On n'a pas de temps pour tout le monde. Or, on l'a dit, si le bilan de Villepin en politique générale peut être remis en question, on ne peut pas lui enlever son professionnalisme en politique étrangère. Mais bon... il doit y avoir des conseillers quelque part pour faire le job.
La « discrétion » de Macron en dit long. L'accaparement des affaires régaliennes par le président lui-même est révélateur de deux choses qui devraient nous inquiéter. La première, qui ne surprendra personne, est son narcissisme infantile, en quoi il est encouragé par la guerre de la communication qui a remplacé le sérieux politique. Cette communication quotidienne exige, chaque jour, ses 280 signes sur Twitter et ses annonces fracassantes. Qu'il s'agisse de la gratuité des préservatifs ou de la négociation avec Poutine, au fond, peu importe. Macron ne fait confiance à personne d'autre qu'à lui et à une poignée de fidèles.
L'autre motif d'inquiétude, corollaire du premier, est la nullité intellectuelle crasse du personnel politique macronesque. Charles Gave avait bien dit, il y a quelques années déjà, qu'il n'y avait rien de bon à attendre d'un homme politique qui s'entourait de gens moins intelligents que lui. Un bon chef ne choisit que des gens plus brillants que lui. Or, autour de Macron, il n'y a que des ternes : vieux chevaux de retour des LR ou du PS, jeunes ambitieux qui ne connaissent rien d'autre que la politique politicienne, arrivistes vénaux et seconds couteaux vaniteux venus du privé. Il dit qu'il doit tout faire lui-même, mais il en a crée les conditions et cela le ravit. Il n'y a malheureusement pas grand-chose à attendre d'une telle configuration.
Dominique de Villepin est-il venu tenter un come-back diplomatique ? Peut-être. La soupe est bonne et la politique est un virus. Ou alors, peut-être le discours de 2003 était-il comme la scène de fin du Guépard (le livre, pas le film). À la fin du roman, quand les filles de feu le prince Salina jettent par la fenêtre du palais le corps empaillé de Bendico, le chien de chasse favori, l'animal semble se dresser une dernière fois pendant sa chute, comme s'il était vivant, dans la force de l'âge, au temps de la splendeur, puis s'écrase par terre dans « un petit tas de poussière livide ». Et puis, il ne reste plus rien. L'avenir nous dira si Villepin était de Gaulle ou Bendico, mais on ne peut s'empêcher d'avoir déjà sa petite idée.
Arnaud Florac