Le 2 juillet 2020, Jean-Yves Le Gallou proposait, lors d’un jeudi de l’Iliade à La Nouvelle Librairie, une causerie où il évoquait la figure de Konrad Lorenz et son œuvre majeure : Les Huit Péchés capitaux de notre civilisation. À l’occasion de son 10e colloque qui portera sur le déclin anthropologique, l’Institut Iliade laisse la parole à Yves Christen, biologiste et spécialiste de la maladie d’Alzheimer, pour évoquer Konrad Lorenz, cet immense savant et grand vulgarisateur, qui fonda en son temps l’éthologie.
Dans un premier temps, l’auteur nous rappelle quelle fut la formation de celui que l’on peut considérer, avec Nikolaas Tinbergen, comme le père de l’éthologie. Fils de médecin, philosophe, ornithologue, le jeune Konrad Lorenz, né à Vienne à l’aube du XXe siècle, est passionné par la nature. Il consacre ses travaux à l’anatomie comparée et la psychologie animale. Reconnu pour ses travaux, il obtient le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1973, après une aventure scientifique extraordinaire que l’auteur s’emploie à développer au fil des pages. Aux côtés de Nikolaas Tinbergen, il poursuivit ses travaux de fin observateur de la nature, en dépit des attaques répétées de certains détracteurs ne lui pardonnant pas son passage dans la Wehrmacht au moment de la Deuxième Guerre Mondiale.
Dans un deuxième temps, Yves Christen rappelle les fondamentaux de l’éthologie, cette science fondée sur l’étude comparée du comportement, qui permet à Lorenz de proposer une réflexion sur ce qui, dans le comportement animal, relève de l’inné ou de l’acquis. La notion d’instinct, comme le rappelle justement l’auteur, est à la genèse de l’éthologie qui s’oppose en cela aux thèses proposées par les vitalistes qui « réduisaient l’instinct à une force supranaturelle » qu’un animal dirigerait vers un but inconnu. L’auteur montre comment la notion-même d’instinct put provoquer une sorte de panique chez certains intellectuels à l’horizon des années 80. Ces derniers voyaient dans le nouveau-né une tabula rasa qui ne pouvait souffrir d’aucun conditionnement génétique…
L’étude du comportement animal poussa tout naturellement Lorenz à s’intéresser à l’homme, ses instincts et son agressivité naturelle auxquels il consacra un certains nombres d’ouvrages. Ce philosophe kantien a porté sur son temps un regard inquiet. Si, comme le rappelle l’auteur, les poissons, les oies ou les corneilles furent son champ d’étude, la pensée de l’humain ne le quitta jamais. Les questionnements de cet immense scientifique disparu en 1989 conservent encore toute leur actualité. C’est dans ce sens qu’Yves Christen clôt son ouvrage en rappelant les bien connus huit péchés capitaux de notre civilisation : surpeuplement, dévastation de l’environnement, course contre soi-même, tiédeur mortelle, dégradation génétique, rupture de la tradition, contagion de l’endoctrinement et enfin élaboration des armes nucléaires.
Comme le conclut l’auteur lui-même : « N’est-il pas riche d’enseignement que ce regard si pertinent sur l’humaine nature et ses dérives ne soit pas celui d’un sociologue, d’un politicien, d’un économiste ou d’un quelconque professionnel officiel chargé de l’étude de notre espèce, mais d’un naturaliste ayant passé sa vie dans l’amicale proximité des animaux ? »
Informations techniques
Konrad Lorenz. Un biologiste au chevet de la civilisation, par Yves Christen, La Nouvelle Librairie éditions, 2023, 78 pages. Prix : 9 €. ISBN : 978-2-493898-65-4
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