Double satisfaction le 14 avril au soir pour Emmanuel Macron : lancement réussi, à partir de Kourou, de la fusée française Ariane porteuse de la sonde européenne Juice partie pour explorer les lunes de Jupiter, et validation par le Conseil constitutionnel du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale reportant l’âge de la retraire, adopté grâce au 49-3 et dont seuls deux « cavaliers budgétaires », en particulier l’«index seniors » imposé par le Sénat afin d’améliorer l’accès des anciens à l’emploi, ont été censurés par les (supposés) Sages du Palais-Royal qui, en revanche, ont rejeté la première mouture référendum d’initiative partagée (RIP) proposée par la Nupes et renvoyé au 3 mai leur décision sur un second projet.
Vers un 1er mai très chaud
Sauf incident technique, l’interminable mission de Juice (qui n’atteindra Jupiter qu’en juillet 2031 !) devrait se dérouler sans encombre. En ira-t-il de même pour la loi retraites qu’Emmanuel Macron a promulguée dans la nuit de vendredi à samedi, prenant de court tous ses opposants ? « Quel que soit son verdict, le Conseil constitutionnel ne nous sortira pas de la crise politique que nous vivons. Car l’enjeu n’est pas d’abord constitutionnel, il est démocratique », avait averti le constitutionnaliste Bastien François, professeur de Sciences Politiques à la Sorbonne. De fait, à peine le verdict connu, les syndicats unanimes, de Sud à la CFTC, estimaient que si le projet de loi était légal, il était illégitime, et annonçaient une mobilisation monstre pour le 1er mai. Sans attendre, des manifestants se sont d’ailleurs retrouvés par milliers à Paris et dans plusieurs villes de France, où les déprédations habituelles ont été commises par les plus enragés, visiblement peu convaincus par l’appel au « respect d’une période de convalescence » qu’avait lancé le 7 avril une Elisabeth Borne aux abois.
Pour désarmer les oppositions, Emmanuel Macron avait certes confié son intention de recevoir les syndicats « dans quelques semaines ». N’était-ce pas un peu tard ? Le 7 avril, il se trouvait il est vrai en visite d’État en Chine, avant d’enchaîner avec une autre visite d’État, cette fois aux Pays-Bas. Sans doute ces voyages avaient-ils été programmés de longue date et, en les accomplissant une semaine après la visite d’État prévue (puis annulée pour cause de situation quasi insurrectionnelle en France) du roi Charles III, l’Élyséen voulait-il faire oublier cette humiliation et démontrer que sur le plan international, son aura était au contraire intacte. Et c’est aussi pour renforcer cette impression et séduire les souverainistes hexagonaux que, d’Amsterdam le 12 avril, il s’est inscrit dans les pas de De Gaulle qui, en 1966, avait quitté avec fracas le commandement intégré de l’OTAN, et de Jacques Chirac qui, en février 2003, et par la voix de son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, avait critiqué l’imminente agression de l’Irak par les Etats-Unis et annoncé que la France n’y participerait pas (1). A l’indignation feinte ou réelle des atlantistes, Macron a ainsi proclamé qu’« être allié des Etats-Unis ne voulait pas pour autant dire être vassal », précisant que « ce n’est pas parce qu’on est allié, qu’on fait des choses ensemble […], qu’on n’a plus le droit de penser tout seul ».
Parangon de la vassalité au mondialisme et bradeur en chef
Bien dit mais outre que sur l’Ukraine et pas seulement sur Taïwan, on pourrait « penser tout seul », cette posture aurait été plus crédible si le banquier Macron n’avait pas intrigué pour être admis en 2012 dans le cercle très fermé des Young Leaders of the French-American Foundation créée par l’ambassade US à Paris en vue justement de disposer de « vassaux » puis, en 2016, alors ministre de l’Économie, été sacré au Forum économique de Davos Young Global Leader, jeune leader mondial appelé à « façonner la politique, la société et le monde qui l’entourent » en parfaite concordance avec l’Empire arc-en-ciel.
Ce qu’il s’évertue à faire depuis son arrivée à l’Élysée en américanisant à outrance le cher et vieux pays avec l’aide des consultants si richement payés — à concurrence de un milliard d’euros en 2021 selon une enquête du Sénat —, notamment ceux du cabinet McKinsey (exonéré de tout impôt en France), en le wokisant, en le communautarisant et en l’ubérisant à marches forcées. Quelle que soit la casse sociétale et sociale dans une nation déjà affaiblie par le bradage — que, parvenu à Bercy puis à l’Élysée, Macron n’a cessé d’accélérer — des fleurons de notre industrie. Le dernier en date étant l’entreprise Segault, PME aussi performante qu’innovante et travaillant du reste pour les secteurs de la défense et de l’énergie, donc stratégique, mais menacée de rachat par le fonds d’investissement états-unien Flowserve Corporation. Une opération que, prédécesseur de Macron au ministère de l’Économie et du Redressement productif, l’ancien socialiste Arnaud Montebourg a vigoureusement attaquée le 31 mars, l’estimant à juste titre « lourdement préjudiciable aux intérêts de notre nation » puisque Ségault fournit des robinets, des vannes et des soupapes à Naval Group pour la chaufferie des sous-marins nucléaires français et du porte-avions Charles-de-Gaulle, ainsi qu’à EdF pour ses centrales nucléaires.
Au-delà de la crise des retraites, symptôme d’un mécontentement général, comme les radars et la réduction de la vitesse à 80 km/h avaient été en 2018 le détonateur de la révolte bien plus profonde des Gilets jaunes, c’est cette entreprise systématique de démolition que reprochent à l’actuel président une majorité de Français, ceux qui croient au Ciel et ceux qui n’y croient pas. Et leur fureur n’est pas près de s’apaiser.
1. Mais, ce que tout le monde a oublié, la France envoya simultanément un important contingent militaire en Afghanistan, ce qui soulagea d’autant l’effort de guerre américain en Irak.
Camille Galic
Tribune reprise de Nouveaupresent.fr
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