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Derrière la défaite de Prigojine, l’échec du journalisme militant

Qui a perdu ? « Poutine ! », répond l’analyse automatique après le « putsch » manqué d’Evgueni Prigojine, le patron des milices Wagner. Dans les médias français, le discours anti-russe relève, il est vrai, de la pensée obligée. Malheur à qui ose émettre le doute ou l’objection. Sur la plupart des télévisions d’informations, Les généraux de plateaux et les experts à cartes de presse ont succédé aux médecins et aux commentateurs « anti-complotistes » de la guerre contre le Covid.

Tous s’attribuent le même monopole du discours unique, ne souffrant pas la contradiction. Je laisserai, pour ma part, aux historiens le soin de trancher la question du vaincu. Ce que j’observe, dans l’immédiat, est la défaite du journalisme militant, aveuglé par ses convictions. LCI et BFMTV ont ainsi rivalisé, samedi, dans les annonces solennelles d’une chute de Poutine accompagnée de sa fuite et d’un effondrement de la Russie, ou du moins du régime. C’est tout juste si Prigojine, voyou affairiste et maître chanteur, ne fut pas présenté comme le porte-parole d’un peuple maltraité et de l’Occident agressé. En réalité, la mascarade n’aura pas duré 24 heures. Prigojine, sans soutien manifeste de l’armée ni de l’opinion, s’est vite rendu au maître du Kremlin en acceptant, contre sa vie sauve, un exil en Biélorussie et, semble-t-il, une incorporation de ses mercenaires, vainqueurs de Bakhmout, dans l’armée nationale. Ce lundi, la bête noire de Prigojine, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, que des spécialistes disaient sur la sellette, est réapparu publiquement.

La guerre-spectacle est devenue une aubaine pour certains médias audiovisuels en recherche d’audiences. LCI a ainsi fait le choix, audacieux mais payant, de feuilletonner chaque jour le conflit, en appuyant notamment la récente contre-offensive ukrainienne. Prigojine est de ce point de vue apparu, au-delà de son profil sulfureux, comme un expert en communication, à l’instar du président ukrainien Volodymyr Zelinsky. Reste que cette guerre-spectacle montre les mêmes travers que la politique-spectacle : elle fait prendre des vessies pour des lanternes. Le simple bon sens aurait dû suffire à douter du sérieux du coup d’Etat du « cuisinier de Poutine » dont les troupes représentent 3% de l’ensemble de l’effectif militaire russe. Son coup de sang contre l’état-major s’est contenté d’être une mutinerie vite matée, même si elle semble néanmoins avoir effrayé Poutine, à entendre samedi matin la teneur de son discours dénonçant une « trahison ». Revient en mémoire cette réflexion de Karl Marx : « L’histoire se répète souvent deux fois : une première fois comme un grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide ». Dans cette farce, dans ce simulacre de coup de force, bien rares auront été les esprits avisés qui, comme les journalistes Pierre Lorrain ou Régis Le Sommier ce week-end sur CNews, auront pris la distance nécessaire face à ces événements. Aux dernières nouvelles, Poutine-le-looser est toujours là…

Ivan Rioufol

Texte daté du 26 juin 2023 et repris du blog d’Ivan Rioufol

https://fr.novopress.info/231504/derriere-la-defaite-de-prigojine-lechec-du-journalisme-militant/

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