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Pour les banlieues, on parle en milliards, pour la ruralité, en millions…

C’était le 15 juin dernier. Autant dire avant. Avant les émeutes. Élisabeth Borne, en déplacement dans la Vienne où elle fut jadis préfète, assistée de pas moins de trois ministres, venait présenter son plan France Ruralités. Tout ce beau monde, devant un parterre d’élus locaux (Région, département, intercommunalités, communes) s’était même dépaysé à Montmorillon, charmante petite ville du Poitou de 6.000 habitants. Un remake du sous-préfet aux champs.

Le Premier ministre se voulait presque bucolique. Jugez plutôt : « Quitter les rives de la Vienne, longer la Gartempe [la transcription officielle du site gouvernemental mentionne la « Gare Tempe »…] pour atteindre Montmorillon, c'est comprendre un peu de l'âme des ruralités de la France. Ici, c'est l'histoire de notre pays qui résonne. Ici, on retrouve la beauté de notre patrimoine naturel, la force de notre agriculture, et cet esprit de solidarité, de fraternité si propre à nos villages ». Cela aurait presque pu être beau si elle avait évoqué, par exemple, « nos campagnes françaises » au lieu « des ruralités de France ». Mais bon, on ne peut pas trop en demander à une technocrate pure sucre. Un petit effort, et elle nous faisait le coup de la terre qui ne ment pas…

Mais la réalité de la ruralité n’est pas qu’idyllique. Le chef du gouvernement le reconnaissait elle-même : «  Aujourd'hui, bien trop souvent, nos compatriotes ont le sentiment que les services reculent, que la vie de tous les jours devient un défi ». On notera tout de même qu’elle évoque « le sentiment ». On dirait qu’elle nous fait le même coup que pour l’insécurité...

D’où le plan France Ruralités. On ne va pas détailler ici ce plan, qui, selon un député ni RN, ni LR, ni socialiste, mais apparenté Horizons, le député de Mayenne Yannick Favennec, représente certes « une avancée intéressante » mais « manque cruellement d’ambition pour lutter contre la désertification médicale », ou plutôt contre le « sentiment de désertification médicale », si l’on voulait rester dans le ton gouvernemental. Nous avons fait le calcul : si on additionne les chiffres lâchés par Élisabeth Borne dans son ode aux ruralités, on compte 217 millions d’euros, sauf erreur de notre part. Sans parler du déploiement des « 100 médicos bus », sans doute une adaptation à nos ruralités de la vieille médecine de brousse, pour les nostalgiques du temps des colonies. Une mesure phare dont le Premier ministre semble d'ailleurs très fier. Pour les 22 millions de Français qui habitent les campagnes (chiffres donnés par le Premier ministre), n’est-ce pas trop ?

C’était donc le 15 juin. Il y a une éternité. Entre temps « les ruralités de France » ne se sont pas embrasées, même si, pour la première fois, notre pays a connu des scènes d’émeutes dans des petites villes où, de chez soi, la campagne est à quelques coups de pédale, quand on veut bien s’extraire de son canapé.

Mais quittons les rives de la Gartempe et remontons vite à Paris en faisant un petit crochet par les fameuses banlieues. On dit que les différents plans banlieues enquillés depuis une trentaine d’années, auraient coûté plusieurs centaines de milliards d’euros pour le succès que l’on sait. Vous noterez que là, on parle en milliards. Chacun son échelle de valeur. On n’est pas chez les pousse-mégots. D’ailleurs, les festivités de la semaine dernière auraient provoqué au bas mot un milliard de dégâts, selon l’ancien patron des patrons Geoffroy Roux de Bézieux. Et on ne compte pas les faux frais ! Du genre, frais de déplacements des policiers et gendarmes. Tant qu’à faire les choses, autant les faire en grand. On dit aussi que cette fois-ci, il n’y aura pas de nouveau « plan banlieues », si l’on en croit l'hebdomadaire Marianne qui rapporte que « dans le camp d’Emmanuel Macron s’esquisse l’idée que la réponse aux émeutes ne saurait être économique, mais axée sur l’autorité et l’éducation ». On attend de voir…

On attend aussi de voir si la gare de Tempe va rouvrir…

Georges Michel

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