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[EDITO] Derrière la date de libération fiscale, une question taboue…

On a les fêtes votives que l'on mérite : le 17 juillet, c'est la sainte libération fiscale ! On a aussi les réussites que l'on peut : il est courant d’entendre dire que la France s’effondre. Dans tous les domaines. Les commentateurs se creusent la tête pour trouver un secteur d’excellence. Il y a pourtant un domaine dans lequel la France se maintient très bien, elle est même sacrée championne d’Europe par l’Institut économique Molinari (IEM)… c’est la pression fiscale ! Cocorico (ou pas), nos impôts sont les plus forts. La France retrouve, cette année, la première marche du podium après l’avoir cédée, un court instant, l’an passé, à l’Autriche. La France ceint officiellement, ce 17 juillet, son diadème de Miss Impôts.

À compter du 17 juillet, le salarié moyen célibataire et sans enfants travaille pour ses dépenses (ou son épargne) personnelles. L’État descend de son dos et sort (enfin) les mains de ses poches, pour reprendre la célèbre formule de feu le président des États-Unis Ronald Reagan. À l’échelon européen, cette date est donc la plus tardive. Rappelons que le mois de juillet est quand même le septième mois de l’année. Le concept de Jour de libération fiscale est une projection calendaire du poids des impôts, convenons que l’image est très parlante. Il a été inventé en 1948 par l’homme d’affaires américain Dallas Hostetler (Tax Freedom Day) et remis à la mode en 1980 par l’économiste Milton Friedman, qui proposait même d’en faire… une fête nationale.

À l’instar de beaucoup d’indicateurs économiques, il fait l'objet de critiques car il comporte des biais : notamment parce que les comparaisons internationales sont toujours sujettes à caution, au prétexte que l'on mélange des pommes et des poires, parce qu’il s'agit là d'un « salarié moyen », pas de tous les Français. Surtout - et c’est le point intéressant - cet indicateur ne prend pas en compte, dans chaque pays, le niveau des services publics à impôts constants. Ainsi, l’économiste Jacques Le Cacheux explique que si vous ne payez pas l’école par vos impôts, c’est-à-dire en amont, vous devrez bien la payer à un moment pour vos enfants. Donc en aval.

Et le consentement à l'impôt, dans tout ça ? 

Mais c'est bien là que le bât blesse, dans un État-providence qui commence à rimer sérieusement avec déchéance. Pour ne garder que l'exemple choisi plus haut, quand le niveau de l’école publique s’effondre, qu’entre drogue, harcèlement et montée de l’islamisme, l’école de son quartier est devenue un lieu dangereux, le contribuable n'a d’autre choix que de mettre ses enfants dans le privé, voire (encore moins subventionné par l’État) dans le privé hors contrat ; c'est double peine pour lui : en amont et en aval. Se pose alors la question prégnante, taboue, explosive... du consentement à l’impôt. Ce consentement à l'impôt affirmé dans les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La concomitance entre ce jour de libération fiscale et les émeutes tombe très mal. Le coût de ces dernières est encore difficile à chiffrer, mais évalué entre 650 millions d'euros et un milliard, et ne saurait reposer sur les seules assurances qui, in fine, pèseront sur les Français (mais c'est un autre sujet).

L’État et, donc, le contribuable vont évidemment mettre la main au portefeuille. D’ores et déjà, Valérie Pécresse a promis 20 millions d’euros, débloqués par le conseil régional d'Île-de-France. Et le mardi 4 juillet, devant les 400 maires des villes touchées par les émeutes, le Président Emmanuel Macron a annoncé une « loi d’urgence » pour accélérer la reconstruction, ainsi que des aides financières aux villes pour la réparation, dont on ne connaît pas encore le montant. Mais que pense le contribuable français, en son for intérieur ? Depuis 1977, douze plans à destination de banlieues se sont succédé, avec près de 100 milliards d’euros investis, si tant est que le mot investi, qui implique un retour, soit juste.

Le gouvernement le sait, ou devrait le savoir, la situation est périlleuse. L'impôt, dans l'Histoire de France, est souvent l'étincelle qui met le feu aux poudres. C'est vrai de la grande jacquerie de la guerre de Cent Ans à la révolte des croquants au XVIIe siècle en passant par la Révolution elle-même, puisque nous venons de fêter le 14 Juillet. On peut même citer le poujadisme qui a mis en selle Jean-Marie Le Pen, le grand satan de la gauche, dans les années 1980.

Très près de nous, les gilets jaunes avec les taxes sur les carburants et même la gronde contre la réforme des retraites manifestent aussi un non-consentement à la pression fiscale et sociale, car la retraite par répartition est un mécanisme de redistribution solidaire.

Le Danemark n'est pas l'archipel français...

Pour se rassurer, on cite souvent le Danemark, dont la pression fiscale est forte. Mais son système de redistribution n’est pas la fable, comme en France, de la vache (à lait) et du dindon (de la farce). Nous donnons-nous les moyens de mettre sur pied la même politique migratoire drastique ? Un mécanisme de solidarité repose sur une société homogène et en vase clos, le gâteau social français n’est pas les pains et les poissons de l’Évangile : démultipliables par miracle. À l'inverse, dans la très multiculturelle Grande-Bretagne, la date de « libération » est plus précoce car la pression fiscale est à l'image du filet social : bien moindre qu'en France.

La question du consentement à la solidarité sociale se pose d’ailleurs aussi bien pour les Français que pour les immigrés fraîchement arrivés : les transferts de fonds - la France est le pays d’Europe qui envoie le plus d’argent vers l’étranger, pas moins de 11,2 milliards d’euros, en 2020, à destination prioritairement de l’Afrique du Nord et subsaharienne - sont déjà une forme de retraite par capitalisation et de redistribution vers les plus pauvres... à l'étranger. Ils pensent à leurs vieux jours ou à leur famille restée là-bas. Leur réflexe de solidarité est naturel, comment le leur reprocher ? Mais le système de redistribution, de ce fait, n'est donc pas une économie circulaire fermée où rien ne se perd et tout se transforme, dans laquelle le contribuable français se retrouve. Nos mécanismes, dans une société « archipel » où chacun pense d'abord à son île, sont voués à disparaître.

Gabrielle Cluzel
https://www.bvoltaire.fr/edito-derriere-la-date-de-liberation-fiscale-une-question-taboue/https://www.bvoltaire.fr/edito-derriere-la-date-de-liberation-fiscale-une-question-taboue/

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