Pour Jean-Luc Mélenchon, cette affaire d'abaya est « la prise de tête de trop » : « Je ne crois pas qu’on devienne quoi que ce soit du fait de son vêtement, plaide-t-il. D’ailleurs, les motivations du port d’un vêtement choisi sont tellement diverses ! Elles expriment plus qu’elles ne formatent. » En effet, dans un texte poussif et formidablement louvoyant, le leader naturel de la formation d’extrême gauche absout le port de ce vêtement. C’en est donc fini du Mélenchon de 2015 qui s’exclamait, en parlant du voile : « Tu m'offenses par ton comportement. Parce que moi [...] je crois à l'égalité de la femme et de l'homme et je n'ai jamais cru que Dieu veuille rabaisser l'un par rapport à l'autre. Alors, pourquoi tu acceptes un signe de soumission ? » C’était la ligne Mélenchon de 2017, celle de François Cocq et de Georges Kuzmanovic, les cadres tenants de la souveraineté au sein de La France insoumise, remerciés après les élections présidentielles de 2017. Cette déclaration se situait dans la continuité de ce que le Mélenchon de 2010 disait à Marianne : « En ce moment, on a le sentiment que les gens vont au-devant des stigmatisations : ils se stigmatisent eux-mêmes — car qu’est-ce que porter le voile, si ce n’est s’infliger un stigmate — et se plaignent ensuite de la stigmatisation dont ils se sentent victimes. » Le mouvement invitait alors le philosophe très laïc Henri Pena-Ruiz à ses universités. Cela, avant de céder aux sirènes de l’islamo-gauchisme. Car aujourd'hui, toute cette génération insoumise emboîte le pas de Mélenchon dans le sens contraire. En tête, David Guiraud : « Le premier acte du nouveau ministre de l’Éducation nationale n’aura donc pas été d’ouvrir des écoles, ni de revaloriser les salaires des personnels, ni d’ouvrir des postes pour accompagner les élèves en situation de handicap, mais d’interdire un vêtement », tweete le député de Roubaix.
Comme Guiraud, l’élue de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain s’interroge : « Jusqu'où ira la police du vêtement ? »... sans pour autant s’inquiéter de la sanglante répression en Iran au sujet des mêmes vêtements islamiques.
L’électoralisme opportuniste
À gauche, seuls Fabien Roussel (PCF), Jérôme Guedj (PS) et Sophie Binet (CGT) ont semblé garder le nord en approuvant cette interdiction. L’occasion, pour l’éditorialiste d’extrême gauche Nicolas Framont, de monter au créneau : « Le drame de ce pays, c'est qu'il n'y a plus assez d'opposition politique et syndicale. À part La France insoumise et sa gauche qui tiennent les positions justes alors qu'ils ont tout à y perdre. »
LFI ? Tout à perdre sur la défense de l’abaya ? Nicolas Framont ignore donc ou feint de l’ignorer : la Seine-Saint-Denis a voté à presque 50 % des voix pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle. Et dix députés NUPES élus de ce département siègent à l'Assemblée. Nicolas Framont ignore-t-il aussi que, dans les bureaux de vote du quartier Pissevin à Nîmes, où sévit la sanglante guerre de la drogue et où l’on trouve des mosquées clandestines, Jean-Luc Mélenchon a obtenu jusqu'à 80 % des voix au premier tour des élections présidentielles ?
Oui, Jean-Luc Mélenchon mise bien sur le vote musulman, dans ce que l’on nomme pudiquement les « quartiers populaires ». D’ailleurs, une note interne des renseignements affirmait, dès mai 2022, que « ses prises de position ont été saluées et relayées par de nombreux influenceurs et activistes islamistes au cours de la campagne ». Cette note visait à expliquer pourquoi, d’après l’IFOP, 69 % des musulmans de France avaient voté pour lui à la dernière présidentielle.
La gauche s’est empalée sur les revendications islamistes, par un calcul cynique mâtiné d’idéologie indigéniste. On dit qu’il est difficile d’être à la fois un idéologue et un opportuniste. Mélenchon a démontré qu’il pouvait allier les deux dans un costume de tribun reconnu.
Marc Eynaud
https://www.bvoltaire.fr/abaya-lincroyable-tete-a-queue-clienteliste-de-la-gauche-melenchon/
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