Ce 5 septembre pourrait avoir marqué une date dans les relations entre l'Europe et la Chine communiste. Ce jour-là en effet, le ministre des Affaires étrangères italien Antonio Tajani s'est rendu à Pékin afin d'y préparer, en douceur bien sûr, la sortie de son pays du fameux projet mondialiste de Xi Jinping.(1)⇓
En 2019, en effet, le gouvernement de Giuseppe Conte avait accepté d'être le premier pays du G7 à accepter d'adhérer à ce gigantesque plan d'infrastructures de transport tendant à relier l'Asie, le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique, – écartant de la coopération l'Amérique et l'Australie.
Commercialement on doit observer que les échanges italo-chinois ont fait en moins de 5 ans, malgré les difficultés de la pandémie, un bond considérable, atteignant désormais 80 milliards de dollars.
Pourtant, alors même que Mme Meloni préside le G7, le retrait de son pays, bien sûr "en douceur", marquera bien le recul d'un tel partenariat. Certes les industries en voie de délocalisation déploraient ces accords depuis le commencement. Mais les groupes transalpins de la distribution s'en félicitaient, et les bons esprits y voyaient le signe positif d'une avancée de la "globalisation".
Or, aujourd'hui la crise financière de l'immobilier chinois n'en finit plus de tourmenter les bourses de nos pays. À ce sujet, nous signalions déjà en 2021, que "la planète finance s'inquiète".(2)⇓
On parlait alors surtout d'Evergrande, géant immobilier déjà au bord de la faillite, faisant trembler l’économie de la Chine. Et l'on contemplait le désastre de Jurong, ville fantôme, où "le promoteur immobilier chinois Evergrande avait promis un mégacomplexe avec immeubles, commerces et parc d’attraction. Un projet à l’abandon, qui illustre les raisons qui l’ont mené – ainsi qu’une partie du secteur immobilier – au bord du gouffre".(3)⇓
Le millésime 2021 était pourtant présenté aussi comme devant être encore une grande année de croissance ; calculée au taux de 8,1 %, au-dessus de prévisions annoncées à 6 % celle-ci devait rattraper une partie des dégâts occasionnés par la gestion aussi autoritaire qu'opaque de la pandémie de 2020...
Deux ans plus tard, c'est tout le secteur immobilier, dans lequel les classes moyennes du pays ont investi leur épargne, qui menace d'effondrement, entraînant les perspectives les plus sombres pour la deuxième économie de la Planète. Quant à Evergrande cet été 2023 l'aura vu se placer sous la protection de l'article 15 de la loi américaine (!) sur la faillite.(4)⇓
Cette belle réussite de l'application à l'économie de la pensée Xi Jinping, - enseignée aux élèves des écoles primaires et du collège depuis la rentrée scolaire de septembre 2021 – ne manque pas de contribuer à faire douter du partenaire.
Or, l'interdépendance sino-américaine a pris une telle importance économique que tout recul peut sembler catastrophique pour les perspectives "globales" du mondialisme.
Après quelque 20 ans de règne de Deng Xiaoping, disparu en 1997, les énormes réserves accumulées au gré des exportations, ont permis, depuis, de développer de manière prodigieuse les investissements extérieurs. Ceux-ci sont passés de presque rien en 2001 à plus de 2 000 milliards de dollars en 2019. Parallèlement, les réserves de change, même en très léger recul en cette année 2023, dépassent durablement les 3 100 milliards de dollars.
C'est seulement à partir de 2019 que l'on a commencé à s'inquiéter. Jusque-là, la relation entre la Chine et l'occident semblait durablement entrée dans un temps de compréhension et de profit réciproque. Dans l'esprit des dirigeants occidentaux le régime de Pékin avait cessé peu ou prou d'être envisagé sous l'angle de son caractère marxiste-léniniste. Il était devenu un interlocuteur apprécié du capitalisme mondial, et même un partenaire fondamental. On le caractérisait comme l'usine du monde.
Hong Kong, colonie de la couronne britannique depuis le XIXe siècle, avait été rétrocédée en cette année 1997 au gouvernement de Pékin qui s'engageait à y respecter les libertés politiques et religieuses. On a compris seulement beaucoup plus tard la part mensongère du slogan "un pays deux systèmes" que Deng proposait d'appliquer à Taïwan. L'île refuge des nationalistes vaincus en 1949 a élu un gouvernement qui aujourd'hui refuse le rapprochement.
Au début des années 2000, l'impression dominante incitait à la confiance. Ce régime, pensait-on n'avait plus de marxiste qu'une appellation formelle du parti dirigeant. Cette organisation qui comptait plus de 80 millions de membres en 2011, plus de 87 millions en 2015, dépassant les 95 millions en 2021 semblait rassurer les plus méfiants de par sa force même. Quelque 7 % de la population était organisée et pouvait défendre l'ordre dans les usines.
Un pouvoir fort était supposé indispensable pour gouverner un pays aussi immense. Dans la capitale, où l'automobile ne faisait encore que de timides progrès, les chantiers de construction travaillaient jour et nuit. L'immense portrait de Mao surplombait certes toujours la place Tian Anmen, mais la rumeur circulait selon laquelle on en diminuait subtilement la taille, d'année en année, centimètre par centimètre. Bientôt il ne resterait plus dans les campagnes, pensait-on que quelques icônes jaunies, supposées tutélaires, représentant le Grand Timonier, devenu l'équivalent d'une divinité taoïste siégeant dans les salons familiaux, entre l'Empereur de Jade et la Reine-Mère de l'Ouest.
Aujourd'hui la confiance s'est évaporée. On mesure où mène un pouvoir aussi concentré que celui de Xi et du PCC à Pékin. Le partenaire a cessé de paraître solide et stable, d'autant plus qu'il se pose lui-même en adversaire. Qu'on puisse juger de plus en plus risqué de recourir à cet interlocuteur fragilisé, chéri du public des conférences de Davos et du Dr Schwab, voilà qui devrait inciter à remettre en cause en Europe les mots d'ordre du mondialisme.
JG Malliarakis
Apostilles
- Nous acceptons de l'appeler un peu poétiquement, mais très faussement, "nouvelle route de la soie". Son nom officiel chinois se traduit par Initiative la Ceinture et la Route ; le sigle international anglais qui les désigne est OBOR One Belt One Road.⇑
- cf. L'Insolent du 24 septembre 2021 "La planète finance s'inquiète".⇑
- cf. Simon Le Plâtre "Personne n’habite ici" in Le Monde du 24 octobre 2021 ⇑
- cf. "Aux Etats-Unis, le géant immobilier chinois Evergrande se place sous la loi sur les faillites" in La Tribune du 18 août 2023⇑
https://www.insolent.fr/2023/09/un-partenariat-en-crise.html