Depuis 2019, l’Espagne est gouverné par la gauche, après presque une décennie de règne de Mariano Rajoy (PP, droite libérale). La tête du gouvernement s’incarne en la personne de Pedro Sanchez, premier ministre et figure populaire du PSOE, le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, équivalent local du PS français. Le système électoral espagnol fonctionne de la manière suivante : les élections générales déterminent la composition du Congrès, chambre basse du système parlementaire, où siègent les députés, qui investissent ensuite un Premier Ministre. Cette investiture est un enjeu primordial, puisque l’Espagne, sorti de son bipartidisme depuis l’apparition de Podemos (extrême-gauche) en 2012 (mouvements des Indignés) et de Vox (droite radicale d’inspiration national-libérale) ne peut investir des gouvernements qu’en passant par des coalitions et des alliances. Cette configuration s’est traduite en 2020 par un accès au pouvoir des socialistes en alliance avec l’extrême-gauche espagnole, Podemos et Izquierda Unida (héritier du Parti Communiste). Ces premiers et seconds gouvernements espagnols d’alliance ont déjà clivés la société espagnole en deux pôles, notamment avec l’application d’un agenda ultra-progressiste (Loi Trans, loi mémorielle exhumant Franco de son mausolée) ayant réanimés les fractures sociales et sociétales du pays. En 2023, le PSOE, suite à une défaite de la gauche aux municipales, convoque des élections anticipées : le 23 juillet 2023, les Espagnols retournent aux urnes. Les scores sont les suivants :
– Parti Populaire (33,6%) – droite libérale
– Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (31,68%) – gauche socialiste
– Vox (12,38%) – droite radicale
– Sumar (12,33%) – extrême-gauche, héritière de Podemos
– Gauche Républicaine de Catalogne (1,89%) – gauche indépendantiste catalane
– Junts (1,60%) – droite indépendantiste catalane
– Euskal Herria Bildu (1,36%) – indépendantistes basques
– Parti Nationaliste Basque (1,12%) – indépendantistes basques
Puis plusieurs petites formations en-dessous d’1 %, comme les indépendantistes galiciens, des Canaries, ou encore, les animalistes.
Les résultats sont une reconfiguration du paysage politique du pays. L’effondrement électoral de l’extrême-gauche, perdant 3 % entre 2019 et 2023, oblige la gauche socialiste à chercher de nouveaux alliés. Et il n’y a pas d’autres solutions que d’organiser un pacte pour l’investiture avec les différentes formations indépendantistes.
Or, Puidgemont, l’organisateur du référendum illégal de 2017 sur l’autodétermination de la Catalogne, est en exil politique en Belgique, condamné par la justice espagnole. C’est le cas de nombre d’autres indépendantistes catalans. Logiquement, pour une alliance, la revendication principale des catalans passe par l’obtention de garantis politiques en faveur de l’agenda catalaniste. Garanties que les socialistes vont proposer en échange d’un vote des indépendantistes à l’investiture : l’amnistie des prisonniers et exilés politiques catalans, l’annulation de la dette de l’autonomie catalane, et enfin, la promesse de négociations autour de l’organisation d’un autre référendum.
Ce qui est essentiel dans cette alliance, c’est qu’elle créerait de facto une dépendance du gouvernement espagnol aux indépendantistes, pour maintenir une majorité, notamment au Congrès. C’est-à-dire : l’agenda catalaniste prévaudra. Cette situation ne peut augurer alors qu’une indépendance à moyen ou long terme du pays, ce qui est interprété par la droite unioniste espagnole comme une catastrophe à venir : la Catalogne représentant 20 % du PIB du pays.
L’annonce de cette alliance, alors que l’investiture doit se dérouler jeudi 16 novembre, a fait sortir l’Espagne de droite dans la rue. C’est le début de manifestations massives, notamment à Ferraz, siège du Parti Socialiste à Madrid, mais aussi devant toutes les permanences du PSOE en Espagne. Les responsables politiques des formations de droite soutiennent les manifestants. Pourtant, la configuration est explosive : après une violente répression policière mardi 7 novembre, ayant choqué l’Espagne (personnes âgées gazés, charges, usage excessif de la violence) ; l’Espagne de droite, plutôt habitué à soutenir sa police, change de ton. C’est à partir de là que les manifestations redoublent d’intensité et de participants. Des scènes d’émeutes nous arrivent, avec des affrontements entre le cortège et les policiers. Le mercredi, le cortège, bardé de drapeaux espagnols ou carlistes (symbole de l’Empire) fait reculer le cordon policier.
La situation est explosive. Nous avons donc tenus à nous rendre sur place.
Dans le feu de l’action
Notre avion atterri à Madrid le Dimanche 12, tôt dans la matinée. Notre logement se situe à Chamberi, un quartier du nord de la capitale, celui des ambassades internationales. Plutôt bourgeois, il est représentatif d’une partie conséquente de la sociologie madrilène, que l’on retrouve dans les rangs de la droite espagnole : catholique, conservateur, unioniste, déjà dans les rues, on peut observer que l’espace public a muté. Les traditionnels drapeaux rouge et or, frappés de l’écusson monarchiste, que les unionistes déploient sur leurs balcons depuis la crise de 2017 semblent s’être multipliés aux fenêtres, et ci et là apparaissent des affiches : « Amnistie, NON » ; « Vive l’unité de l’Espagne ! » (une référence à un drapeau signé de ce slogan brandi par les phalangistes en 1936). Au sol, on aperçoit même un graffiti : deux NN frappés d’une croix catholique, symbole du « Noviembre Nacional », un mot d’ordre particulièrement reprit par les manifestants, qui veulent mettre les manifestations sur un plan similaire à celle que la gauche a connu en 2012, pendant un mois (voir mouvement des Indignés).
L’ambiance est donnée. Après un bref passage pour poser nos affaires, nous nous rendons au centre de Madrid.
Direction Sol : le PP, droite libérale espagnole, vestige du bipartidisme qui a gouverné le pays depuis la transition démocratique de 78, a convoqué à midi un rassemblement en face de la mairie. Prise de température téléphonique auprès d’un contact chez les jeunes de Vox : « Tu vas au rassemblement de Sol ? » « Non, hors de question de me mélanger avec les peperos (une expression péjorative pour désigner un électeur du PP, un « droitard ») ».
A peine descendu du métro que nous apercevons déjà des groupes d’espagnols, plutôt âgés, drapeaux de la monarchie sur les épaules, se diriger vers la place principale de la capitale. Quelques policiers, aussi. Commence à se dessiner devant nous, au fur et à mesure que nous nous approchons de la place, une véritable marée humaine. Notre contact chez Vox avait prévenu « Le PP utilise la mobilisation contre l’amnistie comme un meeting, attention ». Et en effet, l’ambiance est au meeting : marée de drapeaux espagnols, quelques drapeaux du PP, au centre de la place, une estrade. Plus de 35.000 personnes sont réunis. Plus étonnant, au milieu des rojigualdas, des drapeaux de l’Union Européenne sont frénétiquement distribués par de jeunes militants du PP. Et pour cause : la rumeur vient d’arriver aux oreilles des organisateurs du rassemblement. Santiago Abascal, le candidat-vedette de Vox, a prévu de se rendre à la manifestation après les discours pour faire bifurquer une partie des auditeurs du meeting (les deux partis se disputant le monopole de la droite espagnole) à la concentration que son parti a prévu à 13h devant la permanence madrilène du PSOE, Ferraz.
Les discours ici sont modérés. Pas chez les manifestants, mais chez les personnalités politiques qui prennent la parole : Feijoo, le dernier candidat du PP aux élections, condamne les violences des manifestations de Ferraz et appelle au respect de la Constitution (critiqué par une partie des manifestants, car sanctifiant le statut des autonomies). Comme annoncé, Santiago Abascal apparaît avec une escorte juste après la fin des prises de paroles. Une partie conséquente de la manifestation abandonne ses drapeaux européens et commence à suivre le candidat de Vox, qui descend la Gran Via (artère principale de Madrid, comparable aux Champs-Elysées) vers le local du parti socialiste. Quasiment 20 minutes à pied de marche triomphante, où le candidat de Vox, entouré par des partisans survoltés, se dirige d’un pas ferme vers sa propre manifestation. Piratage réussi.
Nous arrivons à Ferraz. Ici, pas de musique ni de DJ, comme c’était le cas à Sol. En lieu et place, un cordon policier qui barre l’entrée de la rue menant jusqu’au local du Parti Socialiste, cantonnant les manifestants devant le parvis d’une église : Église du Cœur Immaculée de Marie. Symbolique.
Ici aussi, on est dans des beaux quartiers, même si la sociologie des manifestants est plus hétérogène : aux fenêtres, des soutiens agitent des drapeaux rouge et or. Parmi les manifestants, nous remarquons un drapeau français qui s’agite. C’est des militants identitaires d’Argos, venus de l’autre côté des Pyrénées (Toulouse et Albi, en voiture) pour soutenir les démonstrations.
Au milieu de la place, une jeune militante s’agite au haut-parleur, croix autour du cou et robe de Printemps. Elle chante : « Novembre national, révolte nationale ! », slogans repris en cœur par ses camarades. Au-dessus d’eux, le drapeau violet de Revuelta, une structure juvénile gravitant dans l’orbite de Vox, qui a connu une percée en popularité fulgurante pendant les manifestations, étant la principale à convoquer les rassemblements. Vox est habitué à fonctionner ainsi, avec des « paravents » politiques : des structures comme Solidaridad (son « syndicat ») qui ne sont pas officiellement pilotés par elles mais qui agissent comme des plateformes pour s’aventurer sur des terrains où le parti ne peut pas nécessairement s’aventurer.
Le ton est bon enfant, même si le cordon policier se dresse froidement entre les manifestants et le local de Ferraz. La manifestation se vide vers 15h/16h, horaire espagnol pour le déjeuner « le temps de reprendre des forces pour ce soir » nous souffle un jeune aux cheveux gominés avec un drapeau carliste sur les épaules. Il reste effectivement une troisième manifestation, celle qui dure depuis déjà une dizaine de jours : à 20h, les manifestants se rassemblement de nouveau devant le parvis de l’Église. C’est celle où ont lieu la quasi-totalité des débordements.
Quelques raciones plus tard, dans un restaurant assailli par des manifestants en rouge et or, nous revenons sur la place de l’Église. La nuit est tombée. Nous sommes accueillis par un groupe de fidèles, sortant de la messe (nous sommes un dimanche), et qui organisent un rosaire sur les escaliers de l’Église. La sociologie de l’après-midi est restée : jeunes bourgeois, personnes âgés, mais de nouveaux personnages viennent de faire leur apparition. En noir, dénotant avec le reste du cortège, des militants identitaires et nationalistes, de la droite « hors les murs » espagnole. Un requete (traditionalistes espagnols) a fait son apparition, un béret rouge sur la tête, porté par les troupes carlistes lors de la guerre civile contre les isabelistes (monarchie traditionnelle vs monarchie libérale, essentielle dans le processus d’entrée dans la modernité de l’Espagne). Un manifestant porte un pull « Europa Patria Nostra », frappé d’un lambda, symbole des identitaires européens. Il accompagne un petit groupe qui brandit un drapeau de l’Union Européenne barré de rouge : ce sont des militants d’Hacer Nacion, un mouvement social-patriote s’envisageant comme une alternative populiste à Vox, plutôt sur une ligne national-libérale.
Les militants en noirs froncent les sourcils. Nous les interrogeons. Ils ne sont pas contents de voir que certains groupes de « cayetanos » (expression péjorative désignant des bourgeois de droite) prennent la manifestation pour une fête. Ils font référence à quelques groupes de jeunes, les hommes en barbour, les femmes en robes, propres sur eux, qui ont achetés quelques bouteilles d’alcool et boivent entre deux slogans. Témoin d’un clivage classique au sein de la droite espagnole entre les héritiers du national-syndicalisme, doctrine ouvriériste et en faveur d’une république sociale, et la droite bourgeoise traditionnelle national-catholique. Une cohabitation que l’on voit d’ailleurs dans les drapeaux utilisés au sein de la manif’ : d’un côté, des drapeaux avec l’écusson monarchiste (constitutionnels) et d’autres sans, ou carrément avec le blason découpé, anti ou préconstitutionnels. Mais tout cet écosystème fait face au cordon policier ensemble, quoique, pas en accord sur les slogans : on alterne entre ceux plutôt amicaux « Policier, rejoins-nous ! » et franchement hostile « Si tu as un fils trisomique, fais le policier » ; « Policier, qu’est-ce que ta femme fait ce soir ? »
Mais l’avancée de la soirée va changer la donne. Toutes les composantes du cortège le savent : aux alentours de dix heures, la police a pour ordre d’évacuer la place. Et c’est en général là que les disturbios commencent. Des cayetanos commentent : « Les ultras de l’Atletico sont là ? ». Un militant d’Hacer Nacion nous renseigne : « Sans les ultras du foot, aucun d’entre nous n’aurait osé montar jaleo (= foutre le bordel) avec la police ».
Au fur et à mesure que la perspective de la charge policière pour dégager la place se dessine, les slogans changent et se font homogènement anti-police. Les garçons de bonnes familles s’encanaillent même, passant devant leurs homologues féminines, barbour autour de la taille. Une manifestante brandit un chapelet face à la police. Soudain, un chant « Il est dix heures, c’est l’heure de nous gazer ! ». Les policiers enfilent leurs casques anti-émeutes et sortent l’équivalent espagnol des LBD. L’un d’entre eux prend la parole à un mégaphone : à peine un mot sorti de sa bouche pour annoncer l’évacuation, qu’il est immédiatement couvert par le cortège vociférant d’une seule voix. Puis viennent les premiers projectiles. Les bières et bouteilles bu plus tôt (peut-être pour se donner du courage) éclatent sur les boucliers et casques des anti-émeutes. Les visages se masquent. Les dissensions entre les différentes écoles de la droite espagnole cités plus haut n’ont plus vraiment d’importance : un bourgeois, un hooligan et un militant identitaire partagent la même ligne, bras sous bras. « Ni un paso atras ! » : « Pas un pas en arrière ! ». Un drapeau de Vox, encore en première ligne, fait presque tâche au milieu de ce mélange hétérogène de manifestants remontés.
La soirée se termine avec quelques affrontements, mais la police finit par avoir gain de cause et évacuer la place. Vers une heure du matin, nous rentrons à nos quartiers. La journée a été chargée.
Portraits d’une jeunesse nationale espagnole
Le lendemain matin, nous nous rendons à Moncloa, quartier universitaire. Notre prise de contact de la veille avec les identitaires de Hacer Nacion nous a permit d’obtenir un entretien avec leur porte-parole local, Fede Campanero. Doudoune pour résister à l’hiver madrilène et moustache, ce brun est coach sportif dans le civil. Il nous présente Hacer Nacion : un mouvement nationaliste, « qui défend principalement les droits sociaux et l’identité ». Une alternative illibérale à Vox, donc. Ils ont plusieurs locaux dans toutes l’Espagne, qu’ils appellent des « Casernes ». Ils participent depuis le début au « Noviembre Nacional ». Fede enchaîne, « il faut participer ! Ils sont entrain de vendre l’Espagne ! ».
Nous l’interrogeons sur la constitution de la Nation espagnole : il nous explique que la décentralisation avancée de l’Espagne est un résultat direct de la Reconquista, complexe. C’est historiquement vrai : l’Espagne porte en elle d’être une nation constituée de deux couronnes, l’Aragon et la Castille, déjà une racine des séparatismes que la péninsule porte en elle : « […] nous n’avons pas eu un processus de centralisation similaire à la Révolution Française »
Il fustige le système d’autonomies espagnol, qui lègue des pouvoirs importants aux communautés autonomes. Il y perçoit une racine de l’indépendantisme catalan. Sur ce thème, il attaque les manifestants constitutionnalistes : « […] l’article de la Constitution espagnole décrit l’Espagne comme une Nation de nationalités. La constitution n’est pas la solution, c’est la cause. »
Une franche démarcation avec le reste de la droite institutionnelle. Sur ce point, il décrit le PP comme « […] une patte de plus du système. ». Sur Vox, il est plus nuancé, mais il leur reproche de ne pas remettre en question de la constitution. Cette fracture divise la droite institutionnelle de sa périphérie : l’acceptation du statu-quo établi après le franquisme, avec la constitution de 78, séparant les militants entre préconstitutionnalistes et constitutionnalistes.
Mais Fede n’est pas hostile aux sympathisants de Vox et du PP, marqués sociologiquement, dans les manifestations : « Nous sommes pour l’unité dans les manifestations. La droite sociologique, c’est beaucoup de jeunes qui se trompent. On doit les attirer à nous. Faire nation (le nom de leur mouvement). »
Fede est donc un bon représentant de cette partie là des manifestants, sa frange la plus radicale, mais que l’on ne saurait caricaturer. Hacer Nacion possède d’ailleurs une représentation municipale, avec des conseillers municipaux dans la ville de 40.000 habitants de San Fernando de Henares, où leur mouvement est particulièrement implanté.
Après l’entretien avec Fede, direction la faculté de droit de Madrid. Un ensemble d’associations estudiantines ont convoqués un rassemblement devant le parvis de celle-ci. L’initiative est soutenu par l’équivalent local de l’UNI, mais aussi par des initiatives associatives unionistes et même des BDE. Une vingtaine de groupes en tout ont convoqués au rassemblement. En arrivant, nous tombons sur des députés et cadres de Vox venus soutenir la manifestation. Trois cent jeunes bloquent l’entrée de la fac, appelant à la « grève étudiante ». Sur place, nous rencontrons notre premier contact : Diego Fernandez, le président d’Alternativa Estudiantil (un jeune syndicat allié à la Cocarde Étudiante française).
Diego se présente d’abord comme « essentiellement espagnol » et décrit son militantisme comme une opposition à « la légende noire espagnole, culpabilisatrice » et au discours « mondialiste dans les universités ». Comme la Cocarde Étudiante en France, il rajoute à son discours un ton illibéral. Il nous explique que le système universitaire espagnol et la sociologie bourgeoise de la droite locale sont des obstacles à la mobilisation des jeunes, mais nuance en nous disant que les étudiants ont un rôle clé dans les manifestations anti-gouvernementales. « A Ferraz, c’est des jeunes de 16 à 24 ans en première ligne face à la police ! Les manifestations sont un point de rupture avec notre histoire politique. C’est la première fois qu’on fait sortir autant de jeunes […] »
Il décrit 2017, les émeutes suivant le référendum d’indépendance sur la Catalogne, comme un « choc » pour la jeunesse espagnole, qui a vu Barcelone prendre feu pendant trois jours consécutifs. « (Sanchez) pardonne tout (aux indépendantistes), et ça, on peut pas laisser passer. Nous sommes incapables de concevoir qu’un président vende l’unité d’un pays pour un mandat de plus. »
Ses propos rejoignent ceux de Fatima Gredilla, la présidente de l’association Adelante (d’apparence moins politisé que d’autres organisations), implanté à la faculté de droit de Madrid. C’est elle qui a organisée le rassemblement étudiant et prononcé la majorité des discours, ce qui lui a valu d’être assailli par la télévision espagnole à la fin de la manifestation. Assaut auquel nous nous sommes joins aussi : « L’idée de la manif’ est venue d’un ami, votant du PSOE en plus ! Il me disait : il faut ABSOLUMENT qu’on organise une manifestation. ». Elle rajoute : « […] le mouvement étudiant a toujours été le monopole d’adversaires idéologiques. » puis elle charge « […] l’indifférence qui laisse au gouvernement les mains libres », justifiant l’organisation de sa manifestation. Nous lui demandons ce qu’elle pense de l’action des partis institutionnels : « Vox et le PP travaille dans les institutions. Mais c’est la mobilisation de la société civile qui a fait bouger les lignes. »
Un propos qui revenait souvent était par rapport à l’apathie politique du peuple espagnol. Ce « complexe » politique semble brisé depuis peu, signant ce que nous disions déjà dans notre précédent article : la jeunesse nationale d’Espagne fait mentir la malédiction de la sortie de l’Histoire.
Perspectives en Espagne
La venue du journaliste vedette de la Fox soutien de Donald Trump et impliqué dans les événements de la prise du Capitole auprès de Santiago Abascal à la dernière manifestation de Ferraz a résonné comme un écho d’une Amérique lointaine mais qui s’identifie à la crise politique que traverse l’Espagne. Une nation polarisée, tiraillée entre deux jeunesses, deux capitales, deux bourgeoisies et deux visions du monde antagonistes s’apprête à livrer bataille dans les chemins de l’Histoire pour savoir quel sera son avenir. Nos considérations personnelles sur l’indépendantisme catalan ne sommes en réalité, pas vraiment le centre du débat ici. Les manifestations ont servis de plateformes à un antagonisme idéologique, sur une fracture sur la vision du futur de l’Espagne. A l’heure où nous écrivons, les députés espagnols s’apprêtent à voter l’investiture de Pedro Sanchez, alors même que l’opposition a convoqué des manifestations autour du Congrès, dont le mot d’ordre est d’aller « dormir sur les bancs » des députés.
Il faudra suivre avec assiduité la suite des événements.
Quel que soit l’issue, l’Espagne aura décidé d’emprunter un ou un autre chemin de l’Histoire.
Raphaël Ayma (https://twitter.com/raphael_ayma)
Crédit photo : Breizh-info.com (TDR)
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