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Jeanne de Navarre, duchesse de Bretagne & reine d’Angleterre.

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Destin d’une grande reine méconnue : Jeanne de Navarre, duchesse de Bretagne & reine d’Angleterre.

Auteur : Pierre Scordia

Jeanne de Navarre (née à Pampelune en juillet 1370 – fille du roi de Navarre Charles le Mauvais et de Jeanne de France) troisième femme de Jean IV, mère de Jean V et d’Arthur de Richemont devient régente de Bretagne à la mort de son mari en 1399, elle se révèle fine diplomate, fort prudente et habile dans sa politique. Elle participe activement à la politique de conciliation entre les nobles du duché (notamment entre les Clisson et les Penthièvre). Elle contribue à l’émancipation des ducs de Bretagne, dans des formes symboliques certes, mais hautement importantes politiquement. Elle organise et des funérailles royales à son feu mari et une entrée glorieuse à Rennes de son fils Jean, héritier de la couronne ducale.

Femme ambitieuse, elle choisit l’alliance avec l’Angleterre bien qu’elle soit Valois par sa mère. En 1402, elle accepte d’épouser Henry IV, premier roi de la dynastie des Lancastre, surnommé « l’usurpateur » par ses détracteurs. Celui-ci aurait pu épouser une princesse de l’Empire, d’Italie ou de Castille mais il juge que la Bretagne a un intérêt stratégique prépondérant. Cette alliance matrimoniale permet au nouveau roi de consolider ses liens non seulement avec les Montfort mais aussi avec les Navarre, maison puissante dans le sud de la France ; il sécurise ainsi un peu mieux la Guyenne. Déjà, sous le règne de Richard II, les Montfort et les Plantagenêt négociaient un mariage princier entre les deux maisons et ce depuis le début des années 1390. Marie, fille de Jean IV et de Jeanne de Navarre, avait été proposée à Henry de Monmouth (futur Henry V) en 1393.

Le mariage entre le roi d’Angleterre et la Régente ne fait pas l’unanimité en Bretagne et de nombreux nobles le désapprouvent. Il est hors de question pour eux que Jeanne, une fois reine, puisse continuer la régence ou même emmener ses fils avec elle à la cour des Lancastre. Elle le comprend, aussi s’assure-t-elle, avant son départ, de confier la tutelle de Jean V à un homme qui lui est acquis : le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi qui la comble de somptueux cadeaux auxquels il ajoute de l’argent. Cet allié se charge d’acheter l’aristocratie bretonne ; ainsi, Jeanne écarte les Clisson et le parti français et elle marque le début de liens solides noués entre les maisons de Bretagne et de Bourgogne. Néanmoins, de nombreux Bretons ne font guère la différence entre Français et Bourguignons et restent méfiants envers Philippe qu’ils considèrent comme un Valois. L’influence bourguignonne est de courte durée et peu significative à cette époque puisque Jean V atteint sa majorité en 1404.

Jeanne de Navarre, en tant qu’épouse d’Henry IV et mère du duc de Bretagne, joue un rôle clef dans le maintien d’une coopération entre les deux pays. Elle gagne et conserve une grande influence sur son mari qu’elle incite dans un premier temps à conclure une trêve avec la Bretagne en 1406, trêve qui débouche sur une alliance en 1413. Le but de la reine d’Angleterre est sans aucun doute de protéger les intérêts de son fils car Jeanne, femme circonspecte et réfléchie, craint une reprise de la guerre contre la France, pays qui soutient l’Écosse et encourage la rébellion de Glyndwr au Pays de Galles.

Fine diplomate, elle entretient des relations avec les cours de France et d’Espagne et s’en sert pour conclure une trêve entre le roi de France et le duc de Bretagne en 1407 ; elle déconseille à son mari d’intervenir dans la querelle entre les Armagnacs et les Bourguignons en France déclenchée par l’incapacité du roi Charles VI à gouverner. De son côté, Henry IV s’emploie à ménager la Bretagne et met ainsi le douaire de Jeanne, l’important comté de Nantes, à la disposition de Jean V. En réalité, Jeanne ne s’est jamais dessaisie de ses revenus, ce qui crée un différend de courte durée, entre son fils et elle en 1414. Jeanne renonce uniquement aux 120.000 livres acquises lors de son premier mariage. La reine conserve des relations étroites avec ses fils avec qui elle correspond régulièrement, elle les reçoit à sa cour d’Angleterre.1

Son ascendant sur la politique anglaise disparaît avec la mort de son mari. Elle échoue notamment dans son projet de marier une de ses filles bretonnes à l’héritier du trône, Henry V. Il faut dire que celui-ci aspirait à de plus hautes ambitions. Même si elle réussit à garder de bonnes relations avec ses beaux-fils, elle a quelques soucis avec le nouveau roi Henry V qui veut mettre la main sur son douaire ; il la fait arrêter pour sorcellerie, l’affaire n’est finalement jamais portée en justice à cause de fausses allégations. Même avant que le roi ne lui restitue ses biens (en juillet 1422), elle a pu jouir de certaines libertés et d’un train de vie confortable pendant sa réclusion. D’ailleurs, elle a continué de recevoir les grands du royaume, entre autres, le duc de Gloucester, le Cardinal Beaufort et lord Camoys. A sa mort, à l’âge exceptionnel de 68 ou 69 ans, la cour Lancastre organise un deuil ostentatoire.

1 Arthur lui rendit visite en 1404 et Gilles en 1409 et 1412. Elle vit Arthur une nouvelle fois quand celui-ci fut prisonnier en Angleterre. Enfin, elle profita de la présence de son petit fils Gilles de Bretagne, élevé à la cour de Londres.

Crédit photos : DR
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