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Ce qu’être Européen veut dire

Ce qu’être Européen veut dire

Par Frédéric Eparvier, cadre dirigeant d’un grande entreprise française à caractère stratégique : Qu’est-ce qu’être Européen ? Cela signifie-t-il une sujétion aveugle à l’Union européenne ? Un oubli de ses particularismes nationaux ? Découvrez la réponse de Frédéric Eparvier.

Polémia

Il y a bien des années, (j’habitais alors en Malaisie), j’avais rejoint, pour occuper mes longues soirées sans télévision, le site des cyber-chouants : Vexilla Regis [1]où nous débattions allègrement sur la toile de toutes les questions concernant l’idée royaliste en France.  C’est-à-dire que nos discussions tournaient quand même assez vite à une généreuse foire d’empoigne, notamment quand nous abordions la question dynastique. Avec des adversaires pareil, la République à de beaux jours devant elle.

L’une de nos discussions avait porté sur l’idée d’Europe, et une fois dites toutes les vilenies que l’on peut dire sur la Commission Européenne, d’autant plus facilement que nous ne la connaissions pas, nous sommes rentrés plus calmement sur ce qu’est l’Europe et partant ce que veut dire être Européen.

Le nom propre « Europe » couvre aujourd’hui de nombreuses acceptions qu’il revient de remettre en ordre.

Dans ma jeunesse, je parle des années 70, on nous enseignait encore la géographie physique, le latin, l’histoire avec le Lagarde et Michard, et le français avec le Mallet et Issac – O tempora, o mores-. Nous savions donc que l’Europe était la masse territoriale délimitée par la Méditerranée au Sud, l’Atlantique à l’Ouest et au Nord, l’Oural à l’Est, et pour fermer le tout le Caucase et la mer noire au Sud-Est, mais c’était aussi l’Union Soviétique, et ce n’était donc plus vraiment chez nous.

Nous avions donc un cadre physique, mais le mot continent recouvrait aussi une idée civilisationnelle et humaine. Elle était encore le continent de la race blanche, comme l’Afrique était celui des hommes noirs, et l’Asie celui des hommes jaunes.  Il faut bien reconnaître que le concept est assez simpliste, voire carrément faux, mais pour l’Europe c’était encore très vrai.

Idée humaine et civilisationnelle, disais-je, l’Europe était aussi le nom d’une superbe civilisation, où chaque pays a exprimé son génie dans une forme artistique ou une autre.  Pour marcher dans les pas du héros doublement tragique du Silence de la Mer : Werner von Ebrennac, on pourrait dire que la musique avait trouvé son apogée en l’Allemagne et en Italie, la Littérature avec la France et l’Angleterre, la peinture avec l’Italie ou l’Espagne, la philosophie avec les Grecs et les Allemands etc…
Cette idée n’est d’ailleurs pas étrangère aux discours de ceux que l’on appelle les pères fondateurs de l’Europe : Spaack, Schuman, Adenauer, Gasperi qui parlaient bien d’une Europe civilisationnelle.

Pour revenir à Vexilla Regis, j’avais proposé une définition qui essayait de synthétiser nos débats en écrivant qu’être Européen était être à la fois un Homme de race blanche, de culture Helléno-Chrétienne, parlant une langue indo-européenne, et habitant sur le territoire que Paul Valéry définissait comme un petit cap au bout de l’Asie.

Soucieux de nuances, j’avais rajouté que ces catégories devaient être comprises avec souplesse, et j’avais donné l’exemple des Néo-zélandais ou des Afrikaners qui ne sont plus européens du fait de leur localisation géographique, ou des hongrois et des Basques qui le sont, même si leur langue est finno-ougrienne.

Mais le nom propre « Europe », est aussi devenu le nom de cette organisation politico administrative qui chaque jour d’avantage réglemente nos vies, par l’imposition des normes. Le glissement ayant commencé avec les nocives années mitterrandiennes qui marquent le véritable début de la fin de notre civilisation. Ainsi émettre des critiques sur les normes traitant de la courbure des concombres, ou du volume d’eau des chasses d’eau, c’était être contre l’Europe…

Aujourd’hui, cette dernière acception a gagné la bataille, et quand on parle d’Europe sur les médias de grands chemins, c’est d’abord à l’Europe de Bruxelles que l’on pense. J’en veux pour preuve les sornettes des crétins de plateaux télévisés, qui disaient consternés que le Royaume Uni n’était plus en Europe puisque les « Grands-Bretons » avaient voté en faveur du BREXIT. Et Shakespeare, et Maugham, et Shelley, et Kipling. Ils ne sont plus européens sans doute ? Non, les Anglais avaient simplement choisi de rester souverains chez eux, et de ne plus être soumis à une structure a-démocratique.

Ainsi, pour moi, « Europe » est d’abord un espace territorial, et une civilisation : un peuple et une culture. Dans le langage courant, c’est un « machin » administratif et politique qui ne pourra être remplacé par une véritable « Politeia » européenne, que si et seulement si nous remettons en premier l’aspect civilisationnel de l’Europe.

Et puis il y a deux ans, avec un groupe d’amis nous sommes partis à la découverte de la Russie profonde, en prenant le transsibérien de Moscou à Oulan-Oude.  Anne-Laure Blanc a fait une relation de notre périple dans le numéro 181de l’excellente revue Éléments.

Pour moi il n’y a pas de doute que la Russie est en Europe. Au moins jusqu’à l’Oural.  Population majoritairement blanche, de langue slave, de religion chrétienne et de confession orthodoxe dont le passé païen[2] émerge encore, de Culture grecque par Byzance, et bordée à l’Est par l’Oural, et au Sud par le Caucase…. Tout colle. En tout cas à Moscou.

Et puis un soir de juillet, nous sommes partis vers l’Est à partir de la gare de Iaroslav Pour être très franc, cette gare tenait déjà un peu des grands caravansérails orientaux, que j’ai bien connu au Moyen Orient et en Asie.

Chaque jour nous entraînait un peu plus vers l’Est : Moscou, Kazan le lendemain, puis Iekaterinbourg deux jours plus tard, alors qu’il ne faut qu’une demi-journée de train pour aller de Paris à Berlin.  C’est déjà une grande différence, l’immensité des distances et de l’espace. Et puis ensuite, Novossibirsk, Krasnoïarsk, et enfin Irkoutsk sur le Baïkal qui est à la fois, un dieu, une personne et un lac…

Une première chose m’a frappé, c’est la prégnance du souvenir historique. Pas une ville, pas un village où l’on ne trouve un monument aux morts de la grande guerre patriotique qui a quand même couté entre vingt-cinq et trente millions d’hommes aux peuples de l’Union Soviétique. Et très souvent, comme à Iekaterinbourg un groupe de jeune qui monte la garde en uniforme de la guerre 40. Des jeunes de 16 à 20 ans, pas des vieux.

Mais presque par contraste avec cette volonté de faire vivre le passé, j’ai ressenti ce que j’avais aussi ressenti aux États-Unis, et encore plus en Afrique du Sud, en Australie ou en Nouvelle Zélande, où rien n’a plus de deux cent ou deux cent cinquante ans, c’est la rareté et même l’absence de ce qui est vieux et qui protège, de ce qui est beau qui forge l’âme… Comparez donc Cambridge et Nanterre…

Moscou a été reconstruite après l’incendie de 1814 et le passage des troupes de Napoléon (heureusement les Russes ne nous en tiennent pas rigueur), mais le Kremlin, l’architecture classique, la grandeur des sept tours staliniennes, l’étendue de la ville, et le merveilleux métro en font une ville européenne où l’on se sent bien. En revanche, le lendemain (sept cents kilomètres séparent Moscou de Kazan) c’est déjà un autre sentiment qui naît. Certes la Cathédrale de l’Annonciation a été construite au XIV ème siècle, mais la forteresse est bien petite (plus petite que Carcassonne pour vous donner une idée) et la mosquée n’a que quelques années. En plus il faisait un froid de gueux, même en juillet.

Le surlendemain, et oui, il faut une journée complete pour aller de Kazan à Iekaterinbourg (1006 kilomètres exactement) ce sentiment est encore plus fort.  La ville minière du sud de l’Oural a été fondé en 1723 soit au début du règne de Louis XV en France. C’était hier, et le pavillon de chasse du palais de Versailles existait déjà depuis un siècle (1623).  Le centre-ville de Iekaterinbourg se visite en une heure de temps, quant au reste de la ville, tout est récent, y compris la Cathédrale de tous les Saints, construite sur les ruines de la maison Ipatiev.

Après, plus à l’Est c’est l’Asie.

C’est donc en cheminant doucement à Kazan, et Iekaterinbourg, puis en allant vers Novossibirsk par le mythique Transsibérien, que j’ai réalisé qu’en plus de la Géographie, de la Race, de la Culture et de la Langue, il convient de rajouter un cinquième caractère constitutif de notre caractère européen : la profondeur historique. Certes elle existe ailleurs (pour avoir vécu sept ans en Inde, je ne pourrais sérieusement soutenir le contraire), mais l’Europe civilisationnelle ne peut se concevoir que parce qu’elle est vieille, et que parce que l’on en voit les témoignages absolument partout autour de nous, et pas reconstituée dans un Disney Land francilien ou un Vilage Espanol barcelonais…

Ainsi je crois profondément que l’Europe politique ne pourra se construire qu’en regardant fièrement son passé, et non en poursuivant les chimères de la sorcière Ursula… Mais pour cela, encore faudrait-il que le « machin » bruxellois soit démocratique, ce dont je vous parlerai dans un prochain article.

Frédéric Eparvier 10/12/2023

[1] Du chant des régiments du roi : Vexilla Regis prodeunt…. Les étendards du roi s’avancent…

[2] Le lecteur se référera avec bonheur à l’ouvrage de Patrice Lajoye : Mythologie et religion des Slaves païens, publié en 2022 aux Belles Lettres. Un chef d’œuvre sur les dieux oubliés.

https://www.polemia.com/ce-quetre-europeen-veut-dire/

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