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Europe : quand la gauche gouverne avec les nationalistes.

La gauche est-elle natio-compatible ? À première vue, la gauche, dominée par les idées internationalistes du marxisme, ne peut accepter de se retrouver au pouvoir avec des nationalistes. Pourtant, ce qui semble impossible en France, en tout cas pour le moment, constitue une réalité au sein de certains pays d’Europe.

Ainsi, en Slovaquie, les sociaux-démocrates du SMER-sociálna demokracia conduisent un gouvernement de coalition dont les nationalistes du SNS constituent un des éléments, aux côtés d’un autre parti social-démocrate, le Hlas-sociálna demokracia. Au Burgenland, un des neufs États autrichiens, les sociaux-démocrates du SPÖ ont gouverné, de 2015 à 2020, avec les nationalistes du FPÖ. En Grèce, le parti post-communiste Syriza a administré le pays de 2015 à 2019 avec les patriotes d’AN.EL. En Belgique, les socialistes et les nationalistes flamands de la N-VA ont pris part, entre 2009 et 2014, au gouvernement flamand, aux côtés des démocrates-chrétiens. En Estonie, un gouvernement composé d’un parti situé au centre-gauche et dénommé Parti du centre, des conservateurs d’Isamaa (Patrie), ainsi que des nationalistes du Parti populaire conservateur d’Estonie (EKRE), a dirigé le pays de 2019 à 2021.

Dans d’autres pays, le potentiel pour un tel phénomène existe. En Hongrie, le Jobbik, qui a été une formation politique nationaliste très radicale, s’est rapproché, après un recentrage, de divers partis de gauche et du centre en vue de former un front politique d’opposition au Fidesz, le parti du Premier ministre Viktor Orbán. Le Parti socialiste bulgare, s’inspirant du modèle slovaque, a adopté, en 2023, un tournant patriotique et tente un rapprochement avec les partis nationalistes.

Bien que certaines formations patriotiques, comme le Forum voor Democratie (Forum pour la Démocratie) de Thierry Baudet aux Pays-Bas ou l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) lors de ses débuts, développent des thèses libérales d’un point de vue économique et social, les partis nationalistes ont souvent des idées sociales. Par conséquent, les éventuelles alliances entre la gauche et les patriotes ne butent pas sur la question de l’acceptation par ces derniers des idées sociales de la gauche, mais plutôt sur l’incompatibilité entre les positions des nationalistes et les idées libertaires et internationalistes de la gauche.

Les conceptions politiques varient selon les pays et, au sein de certains de ceux-ci, les formations politiques de gauche ont une vision du monde qui est loin d’être hostile à la défense de la patrie, ou en tout cas qui la tolère.

Autriche 

La donne germano-autrichienne aide à éclairer la compréhension de la situation. En effet, au sein du monde germanophone, le nationalisme allemand et la gauche ont fait, dans le passé, bon ménage. Ainsi, au XIXe siècle, les libéraux, situés à gauche sur l’échiquier politique, ont réclamé l’application d’idées libérales (liberté de la presse, de réunion, d’association, …), ainsi que de mesures sociales, tout en désirant unifier l’ensemble des Germanophones au sein d’un seul État. Les catholiques conservateurs ont, en revanche, désiré préserver l’Allemagne morcelée, en de nombreux États, des princes. Ainsi, en 1848, le Parlement de Francfort-sur-le-Main, issu des révolutions libérales de 1848, a désiré la réalisation d’une grande Allemagne, de la Meuse au Memel. Au XXe siècle, la gauche autrichienne a poursuivi sur cette lancée : les socialistes/sociaux-démocrates ont réclamé, à certaines époques, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne et le parti national-libéral FPÖ, héritier des révolutions survenues en 1848 au sein du monde germanophone, a recruté un nombre important de ses cadres et dirigeants dans les milieux nationalistes grand-allemands.

Les repères historiques par rapport aux années 1930-40 ne sont pas en Autriche les mêmes qu’ailleurs en Europe occidentale. En effet, les sociaux-chrétiens, qui ont instauré, puis dirigé, entre 1934 et 1938 un régime qualifié à tort ou à raison d’« austrofacisme » et se sont opposés, en tant qu’héritiers politiques des catholiques conservateurs du XIXe siècle, à l’annexion à l’Allemagne, ne peuvent nier leur implication dans les dérives de cette époque et les sociaux-démocrates leur manque de prise de distance par rapport à l’Anschluss en 1938. Ainsi, l’ancien chancelier et ancien président social-démocrate de la Chambre des députés Karl Renner a approuvé, après sa réalisation, le rattachement au IIIe Reich au sein d’un entretien donné au Neues Wiener Tagblatt et a décrit les vingt années d’indépendance de l’Autriche, entre 1918 et 1938, en tant qu’erreur de parcours. Il a appelé le national-socialisme un « socialisme d’État militarisé. » Otto Bauer, un des principaux responsables du parti, a salué, depuis son exil de Prague, l’Anschluss.

De plus, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces deux tendances ont recyclé de nombreux anciens membres du Parti national-socialiste (NSDAP). Le 15 janvier 1996, Jörg Haider (FPÖ) a déclaré au Parlement autrichien en parlant du SPÖ : « Un parti, qui forma en 1971 un gouvernement et à propos duquel un article est paru dans le Furche du 24 avril 1971 sur un scandale aux Pays-Bas car le ministre de l’époque [Leopold] Gratz dut se justifier devant la presse néerlandaise, parce qu’autant d’anciens nazis siégeaient au sein du gouvernement socialiste et qu’un quotidien néerlandais demanda : ‘’Trouvez-vous juste que 25 ans après la fin de la guerre dans un pays libéré, que l’Allemagne a vaincu et occupé, presque un tiers des membres du gouvernement sont d’anciens nationaux-socialistes ? Oskar Weihs, Otto Rösch, Josef Moser, Erwin Frühbauer et le ministre de l’Agriculture Öllinger.’’ Le ministre Gratz dut répondre penaud : ‘’Il n’est pas nécessaire qu’autant d’anciens nazis soient représentés dans un tel gouvernement.’’ ».

En Autriche, les relations entretenues par le SPÖ – parti socialiste devenu social-démocrate en 1991 – avec le FPÖ ne sont pas récentes. En effet, le FPÖ – fondé en 1956 – a soutenu de l’extérieur, entre mars 1970 et octobre 1971 – alors que le FPÖ était dirigé par l’ancien membre du Parti national-socialiste et ex-officier de la Waffen SS Friedrich Peter –, le gouvernement socialiste (SPÖ) du Premier ministre Bruno Kreisky, en contrepartie d’une modification du système électoral favorisant les petits partis comme le FPÖ : le nombre de députés au Parlement national passait de 165 à 183. En 1983, un gouvernement regroupant le SPÖ et le FPÖ – dirigé par le tenant de l’aile libérale du parti Norbert Steger, dont le père et le grand-père sont morts dans un camp de concentration sous le IIIe Reich – a vu le jour sous la direction du chancelier SPÖ Fred Sinowatz et s’est maintenu jusqu’en juin 1986. Le gouvernement suivant, dirigé par le SPÖ Franz Vranitzky et mis en place sans de nouvelles élections, a regroupé les mêmes partis. Le 13 septembre 1986, lors du congrès du FPÖ à Innsbruck, capitale du Tyrol, Jörg Haider, s’appuyant sur l’aile nationaliste du parti, a emporté la direction de ce dernier face au président sortant Norbert Steger. Haider a été porté sur les épaules de deux de ses partisans à travers la salle. Le lundi 15 septembre, le chancelier Vranitzky – celui-ci ne désirant pas gouverner avec un FPÖ contrôlé par l’aile nationaliste allemande – a rompu la coalition et des élections ont été annoncées. Officiellement, le gouvernement SPÖ-FPÖ a été maintenu jusqu’à l’entrée en fonction du gouvernement suivant, en janvier 1987. (1)

Lors des élections législatives de 1999, le FPÖ est arrivé deuxième. Les sociaux-démocrates du SPÖ, premiers, ont tenté de former un gouvernement minoritaire soutenu de l’extérieur, soit par le FPÖ, soit par les sociaux-chrétiens de l’ÖVP. Le SPÖ aurait négocié avec Jörg Haider cette aide en lui proposant de pouvoir désigner en contrepartie deux ou trois spécialistes à des postes de ministre. Haider a exigé un accord écrit sur ces points et la fixation d’un budget commun. Le SPÖ refusant, Jörg Haider a réagi : « Avant que je ne m’entremette avec vous dans une histoire incertaine, je préfère une histoire sûre avec l’ÖVP. » (2)

La Carinthie, un des neufs États autrichiens, a bénéficié, entre 2004 et 2005, au sein de son Parlement – les postes au sein de l’exécutif étant répartis à la proportionnelle en fonction des résultats des partis lors de l’élection du Parlement de Carinthie – , d’une « convention de travail » entre le FPÖ, arrivé sous la conduite de Jörg Haider premier, et le SPÖ ayant terminé deuxième. Cette coalition dénommée « Chianti », car conclue autour d’un verre du célèbre vin toscan, a été rebaptisée « orange-rouge » en 2005 lorsque les élus du FPÖ sont passés au BZÖ, le nouveau parti patriotique, recentré, fondé par Jörg Haider et dont la couleur est l’orange. La coalition a duré jusqu’à la fin février 2006, date à laquelle la nouvelle dirigeante du SPÖ de Carinthie Gaby Schaunig a décidé de rompre la coalition avec le BZÖ. Le BZÖ s’est alors associé avec les sociaux-chrétiens de l’ÖVP.

Le Burgenland, l’État le plus oriental de l’Autriche, a été gouverné de 2015 à 2020 par une coalition réunissant le SPÖ et le FPÖ. Le SPÖ y a détenu 5 postes, parmi lesquels celui de gouverneur, au sein de l’exécutif et le FPÖ 2, dont celui de vice-gouverneur. La formation de cette coalition a suscité des remous au sein du parti social-démocrate autrichien.

Slovaquie 

La participation des sociaux-démocrates du SMER et des nationalistes du SNS, ensemble, à des gouvernements dirigés par un social-démocrate (Fico I, Fico III, Pellegrini, Fico IV) n’apparaît pas, à la population slovaque, comme étant contre nature. En revanche, ces alliances gouvernementales ont engendré des problèmes au SMER dans le cadre de ses relations avec les partis de sa famille politique au niveau européen.

Les sociaux-démocrates slovaques sont parfois qualifiés par la presse de « parti national de gauche » ou de « nationalistes de gauche »voire, désormais, « d’extrême-droite ». Divers analystes ont considéré que le SMER est un « parti populiste de gauche ». Le politologue allemand Klaus Bachmann a estimé que cette formation politique sert des sentiments anti-establishment et du type « Law and Order » (loi et ordre) (3). Le politologue français Jacques Rupnik a vu le SMER en tant que « version assagie, light, d’un national-populisme qui a dominé la scène politique slovaque au cours des années 1990 sous les gouvernements dirigés par Vladimir Meciar. »

En 2016, le Premier ministre social-démocrate Robert Fico a déclaré : « Nous n’accepterons jamais un seul musulman via le système de répartition par quotas. » et « L’islam n’a pas vocation à s’implanter en Europe, car il ne peut s’y intégrer. »

Grèce 

Lors des élections législatives en Grèce en janvier 2015, le parti post-communiste Syriza a obtenu plus de 36 % des voix et 149 sièges de député sur 300. Il s’est allié aux Grecs indépendants (AN.EL), un parti patriotique qui disposait de 13 députés. Le choix de ce dernier comme partenaire était dû au fait que celui-ci était opposé aux mesures d’austérité imposées par les instances internationales. Bien qu’un énorme fossé sépare les positions de Syriza et d’AN.EL sur certains sujets comme l’immigration, cette formation politique est apparue à Syriza comme un partenaire solide en vue d’affronter, sur les questions financières, les instances internationales.

Interrogé en 2015 sur cette alliance, Daniel Cohn-Bendit a déclaré : « Je crois que Tsípras essaie de renouer avec la tradition du papa Papandréou [NDLR : fondateur du parti socialiste PASOK]. C’était une gauche ultranationaliste, anti-impérialiste et anti-américaine. Elle a aussi été, pendant la guerre des Balkans, le cœur orthodoxe du soutien de la grande majorité des Grecs aux Serbes contre les Bosniaques, parce qu’ils étaient musulmans. Cette alliance avec l’AN.EL, c’est vraiment jouer avec le feu. »

Les gouvernements Tsipras I et Tsipras II ont dû avaler des couleuvres et imposer finalement au peuple grec les mesures contre lesquels Syriza et AN.EL s’étaient érigés. En janvier 2019, AN.EL et son dirigeant ont quitté la coalition, en profond désaccord avec l’acceptation par la Grèce d’un changement de nom de la FYROM en « Macédoine du Nord », alors que d’autres membres du gouvernement siégeant sous l’étiquette AN.EL ont rompu avec ce parti afin de conserver leur maroquin. 

Belgique 

La Belgique a connu deux nationalismes : le nationalisme belge, ayant existé dans l’ensemble du pays et qui a quasiment disparu, et, dans sa partie néerlandophone, un nationalisme flamand né du combat linguistique et social conduit par le peuple flamand contre la bourgeoisie francophone des Flandres.

Né au XIXsiècle, le mouvement nationaliste flamand a une longue histoire. De nos jours, il est représenté par deux partis politiques : le Vlaams Belang (VB – Intérêt flamand) et la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA – Nouvelle Alliance flamande). Le Vlaams Blok, ancêtre du Vlaams Belang, étant placé sous « cordon sanitaire » par les autres partis politiques depuis 1992 – après une première tentative en 1989 –, n’a pu accéder à aucun niveau de pouvoir, puisque les autres partis refusent de s’associer avec lui.

La N-VA a tiré les conséquences de cet échec et a décidé de se positionner plus vers le centre de l’échiquier politique. Le parti a pu ainsi conclure des alliances avec divers partis politiques et gouverner, entre 2009 et 2014, la Flandre en formant une coalition avec les socialistes et les démocrates-chrétiens. La N-VA s’est également associée à divers endroits avec les socialistes, tant au niveau communal que provincial, et gouverne actuellement la province de Flandre orientale avec les démocrates-chrétiens et les écologistes et, par exemple, la commune de Turnhout avec les démocrates-chrétiens, les socialistes et les écologistes.

La N-VA n’adhère pas au « cordon sanitaire » érigé à l’encontre du Vlaams Belang, mais ne s’est pas associée avec ce parti à quelque niveau de pouvoir que ce soit. Elle a, en revanche, siphonné des cadres du Vlaams Belang. L’entrée en fonction en 2012 de Karim Van Overmeire, ancien personnage important du Vlaams Belang, en tant qu’adjoint N-VA au maire d’Alost (Aalst), aux côtés des démocrates-chrétiens et des socialistes, a conduit à des réactions hostiles au sein de la direction du parti socialiste.

Estonie 

Afin de placer hors-jeu le parti de centre-droit portant le nom Parti de la réforme d’Estonie, le parti de centre-gauche dénommé Parti du centre a mis en place, à l’issue des élections législatives de mars 2019, une coalition avec les conservateurs d’Isamaa ainsi que les nationalistes du Parti populaire conservateur d’Estonie (EKRE). Cette alliance, qui s’est maintenue jusqu’en 2021, semble relever avant tout de l’opportunisme politique du Parti du centre, car ce dernier a des points de vue si différents de ceux de l’EKRE que de nombreuses concessions ont dû être faites, surtout par rapport à la question de la minorité russophone qui vote en partie pour le Parti du centre alors que l’EKRE désire voir ces gens pratiquer plus la langue estonienne.

Hongrie 

Le Jobbik a fait parler de lui, au cours de la seconde moitié de la décennie 2.000, dans toute l’Europe en tant que parti nationaliste hongrois radical disposant d’une milice : la Garde hongroise. Désormais, les temps ont changé. Le Jobbik est devenu une formation politique modérée et s’est rapproché d’autres partis politiques d’opposition au Fidesz, la formation du Premier ministre Viktor Orbán. Le but du Jobbik est d’apparaître comme étant l’adversaire le plus déterminé du Fidesz, cela en vue de prendre des voix aux autres partis d’opposition.

Le 15 mars 2019, jour férié qui marque l’anniversaire du début de la révolution de 1848, les principaux partis d’opposition ont rassemblé leurs partisans en vue de mettre en place un large front anti-Fidesz. Parmi les partis présents, ont figuré le Jobbik, la Demokratikus Koalíció (dirigée par l’ancien Premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsány), le parti socialiste MSZP, le parti écologiste-libéral LMP et la formation politique centriste Momentum.

Même si l’objectif principal de cette nouvelle proximité est de briser l’hégémonie du Fidesz, le Jobbik s’est tellement recentré – ses opinions pouvant être désormais considérées comme étant de centre-droit – que sa ligne idéologique n’est plus très différente de celles de certains autres partis de l’opposition au Fidesz. Ajoutons qu’en Hongrie, le nationalisme, sur lequel surfe désormais le Fidesz, n’est pas une idée stigmatisée.

Lors des élections législatives de 2022, le Jobbik s’est présenté au sein d’une coalition regroupant ce parti, la Demokratikus Koalíció, le parti socialiste MSZP, le parti écologiste-libéral LMP, la formation politique centriste Momentum et les écologistes de Párbeszéd.

Bulgarie

Fin novembre 2023, la presse a annoncé que le Parti socialiste bulgare, ayant adopté un tournant patriotique, a décidé de former une large coalition avec des partis politiques pro-russes et nationalistes. Parmi les alliés de ces socialistes figurent le parti nationaliste bulgare Ataka de Volen Siderov. Par contre, les nationalistes de la formation politique Vazrazhdane (Renaissance) de Kostadin Kostadinov n’ont pas franchi ce pas et seront des concurrents du Parti socialiste bulgare lors des élections européennes de juin 2024. Le Parti socialiste européen (PSE) déclare être prêt à prendre des mesures, face à l’évolution des socialistes bulgares.

Autres 

D’autres pays ont connu ou connaissent une situation semblable. Ainsi, le Parti des socialistes de la République de Moldavie n’hésite pas à entretenir des contacts avec des partis patriotiques du continent européen et, en Allemagne, le parti de gauche anti-immigration de Sahra Wagenknecht voit le jour et pourrait se retrouver face à l’éventualité de la formation d’un futur front transversal avec les nationalistes de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) dans des États de l’Est du pays. En Italie, au début de la décennie 1990, la série d’enquêtes judiciaires Mani pulite (Mains propres), visant le monde politique et économique, a conduit à l’effondrement des partis politiques du système. Le gouvernement Berlusconi I a vu le jour et n’a pas duré longtemps, car la Ligue du Nord l’a quitté. Le dirigeant de cette formation, Umberto Bossi, a alors regardé vers la gauche afin d’obtenir, au moins en partie, la réalisation de son programme visant à l’autonomie/l’indépendance du nord de l’ItalieMais cette alliance n’a pas vu le jour. Le parti social-démocrate roumain (PSD) a connu une période souverainiste au cours de la seconde moitié de la décennie 2010, avant que son dirigeant de l’époque, Liviu Dragnea, tombe judiciairement. Au Danemark, les sociaux-démocrates ont fleurté avec les patriotes du Parti du Peuple danois, avant de récupérer, en partie, leurs idées.

Conclusion 

Les repères idéologiques varient selon les pays et, parfois, à l’intérieur même de ceux-ci. Les positions des partis relevant des différentes gauches par rapport au nationalisme, ainsi que les idées des nationalistes, diffèrent selon les endroits. L’opportunisme, voir le manque d’autres possibilités d’alliance, joue également un rôle dans le fait que la gauche accepte ou pas de gouverner avec les nationalistes. Le poids du passé peut également peser dans la balance.

Les idées patriotiques connaissant un fort développement en Europe, celles-ci pénètrent différentes tendances du spectre politique et rendent les alliances entre les patriotes et les autres partis politiques – conservateurs, libéraux, sociaux-démocrates/socialistes, post-communistes, écologistes ou autres comme le Mouvement 5 Étoiles en Italie – de plus en plus possibles. Pendant ce temps, en France, les formations politiques, non-seulement de gauche, mais également de droite, refusent toujours de s’allier au Rassemblement National de Marine Le Pen ou à Reconquête d’Éric Zemmour. L’avenir nous dira si la digue finira par céder.

Lionel Baland 

Références :

(1) BALAND Lionel, Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012.

(2) STEININGER Gerhard, Das dritte Lager. Aufstieg nach dem Fall?, Edition Steinbauer, Vienne, 2007, p. 165.

(3) BACHMANN Klaus, „Populistische Parteien und Bewegungen in Mittelosteuropa“, in: Frank Decker (Hrsg.): Populismus. Gefahr für die Demokratie oder nützliches Korrektiv?, VS Verlag für Sozialwissenschaften, Wiesbaden, 2006.

https://www.breizh-info.com/2024/01/08/228676/europe-quand-la-gauche-gouverne-avec-les-nationalistes/

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