Juste quelques jours avant le 6 février 1934, la Gauche socialiste et communiste commençaient à crier au coup d'état contre la République. Dès le 7 février, avec la complicité du ministre de l'intérieur radical-socialiste, cette gauche révolutionnaire et internationaliste commencera à créer le mythe du coup d'état fomenté par l'extrême droite nationaliste.
Tout démontre, que les mois qui ont précédés ce début février a été une période de montée d'un mécontentement généralisé contre les gouvernements radicaux et radicaux-socialistes qui se succédaient rapidement. Le départ du préfet Jean Chiappe fut la goutte qui fit déborder le vase. Les mécontents se rassemblèrent derrière les associations d'anciens combattants qui amenèrent le gros des troupes.
Cette page dresse le tableau des participants à ces manifestations (il y eut plusieurs manifestations à des heures différentes et en des endroits différents) et montre qu'on est loin des fameuses "ligues d'extrême droite" voulant pénétrer dans le parlement, mais plutôt d'un vaste mouvement populaire excédé par la hausse des impôts et l'inefficacité des cabinets radicaux-socialistes.
De nombreux mouvements appellent à manifester le 6 février à commencer par les associations d’anciens combattants. Elles amèneront l’essentiel des troupes des groupes constitués :
- L’Union Nationale des Combattants avec le slogan « Pour ne pas être complice des marchands de bulletins » ;
- Croix de feu : « le but que nous poursuivons est de mettre fin à la dictature de l’influence des socialistes et d’appeler au pouvoir une équipe propre, débarrassée des politiciens quels qu’ils soient et n’ayant que pour objet le rétablissement de l’ordre national dans la sécurité extérieure » ;
- Le parti communiste appelle lui aussi à cette manifestation, par le biais de son organisation d’anciens combattants, l’ARAC : « Aux usines, aux chantiers, dans les gares, manifestez contre les bandes fascistes, contre le gouvernement qui les développe, et contre la social-démocratie qui, par sa division de la classe ouvrière, s’efforce de l’affaiblir »
L'UNC et l'ARAC existent toujours et non jamais été dissoutes, les Croix de feu seront dissoutes seulement en 1936!
Pour en savoir plus sur les associations d'anciens combattants, reportez-vous à l'article suivant:
La Fédération des contribuables, association non politique, s’associe au mouvement. Fondée en 1928 par l’expert-comptable Marcel Large, elle reprend les idées de la droite libérale sans remettre en cause la contribution des citoyens aux dépenses de l’Etat. Les statuts originels de cette fédération résume bien l’action des Contribuables associés : Il s’agit en premier lieu « d’instruire l’opinion », et d’autre part d’ « organiser son action en vue d’introduire dans la gestion des deniers publics [...] toutes les économies, toutes les améliorations, et la suppression des abus existants, avec le souci d’augmenter le rendement des services administratifs ». De plus, elle milite pour une « plus équitable répartition de l’impôt et l’élaboration de textes simplifiés et clairs évitant l’injustice et l’arbitraire ».
Cette association existe toujours et n'a jamais été dissoute !
L’Action Française (AF) : à sa création en 1898 mouvement qui se proclame républicain et athée, Charles Maurras va le transformer en mouvement néo-royaliste (Néo car les maurrassiens se veulent royalistes de raison et non de tradition). Avec la création du quotidien « L’action française » et l’arrivée de nouveaux venus de grands talents, l’AF devient à la fois un mouvement politique et une école de pensée. Dès 1930, paraissent dans l’Action française les premiers articles signalant les dangers du nazisme (le 14 septembre, les élections donnent 6.5 millions de voix au Parti national-socialiste des travailleurs allemands) ; les articles redoubleront avec l’arrivée de Hitler au pouvoir fin janvier 1933. Formidable lucidité de l’Action française qui contraste avec l’angélisme au nom du pacifisme dont feront preuve, durant de nombreuses années encore, à l’égard d’Hitler, les dirigeants français de Gauche !
Le Francisme : créé le 29 septembre 1933 par Bucard, ce mouvement marginal aux effectifs réduits en 1934 est le seul mouvement français a revendiquer, de sa création à sa dissolution le 18 août 1944, le qualificatif de « Fascisme français ». Paul Giraud en sera le doctrinaire. Dissous par le Front Populaire, il continuera son action sous le nom des « Amis du Francisme », puis « Parti unitaire français d’action socialiste nationale ».
Rappelons ce qu’est une ligue. C’est une association en vue de défendre des intérêts communs. Péjorativement, c’est une association en vue de fomenter un complot. C’est dans ce sens péjoratif que la Gauche réunie traitera tous les participants (qui ne sont pas de gauche) à la manifestation du 6 février 1934.
Jeunesses patriotes : Créée par Pierre Taittinger en 1924 alors qu’il était député de la Seine et inscrit au groupe « Union démocratique républicaine », ce mouvement fut une des organisations de l’époque destinées à contrer les communistes auxquels elle s’opposa souvent. Le projet de constitution élaboré par la ligue des jeunesses patriotes prévoit l'élection du Président de la République au suffrage universel, le recours au referendum et la division de la France en provinces. Organisation démocratique, ce groupe de pression (Définition d’une ligue) a toujours milité pour un changement de constitution « légal si possible » (déposition de Pierre Taittinger devant la commission d'enquête sur les événements du 6 février 1934).
Solidarité française : Fondé en juin 1933 par le richissime parfumeur Corse et « Père de la parfumerie moderne », François Coty. Ce magnat de la presse, commença par créer le journal l’Ami du peuple (dont le premier numéro sort le 2 mai 1928), avant de fonder un éphémère parti politique clairement antisémite en juin 1933 (après l’accession au pouvoir d’Hitler) : Solidarité nationale.
Qualifier ce parti de fasciste n’est pas vraiment fondé ! Certainement François Coty a-t-il nourri quelque vague rêve de dictature. Mais, de caractère faible, atteint de paranoïa et de mégalomanie, l’homme n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Les royalistes de l’action française ricaneront de cet apprenti dictateur posant en uniforme dans son journal et le traiteront avec mépris ("Un crétin juché sur un tas d’or", écrira Lucien Daudet).
Certes, le journal l’Ami du peuple est le plus xénophobe des journaux (400 articles sur les étrangers publiés entre 1928 et 1937) et il est le premier à relancer l’antisémitisme qui avait disparu de l’ensemble de la presse depuis la fin de l’affaire Dreyfus (En 1931-1932, il n’existe pratiquement plus aucun mouvement ou journal spécifiquement antisémite en France). En février 1932, l’Ami du peuple lancera la campagne contre Jacob Schiff et la « Finance judéo-germano-américaine, complice des soviets » et ouvrira la porte à l’antisémitisme des années 1930. Une cinquantaine de journaux de province aux mains de François Coty reprendront cette affaire. C’est par l’emprise sur la presse de François Coty qu’il faut voir un réel groupe de pression très influant jusqu’au élections de 1932.
Après les élections d’avril – mai 1932, François Coty se ralliera à Edouard Herriot (Président du Conseil Radical-socialiste à partir du 2 juin), contre toute attente… avant de fonder Solidarité française en juin 1933, amputé de l’Ami du peuple que François Coty a dû cédé en janvier 1934.
Solidarité française participera aux manifestations du 6 février 1934 et sera dissout en 1936.
« Le 6 février, place de la Concorde, il y avait des réactionnaires, des fascistes, des petites troupes organisées et courageuses, oui ; mais il y avait aussi une foule énorme de braves gens qui n’avaient pas d’opinion politique mais qui, par contre, avaient des sujets de mécontentement et de colère. Il y avait même des radicaux et des socialistes et s’ils manifestaient c’était contre les saligauds qui déshonorent la République. » Ce témoignage émane de M. Marcel Déat et concorde décidément assez mal avec la version officielle que l’immense majorité des gens de gauche a tenté d’imposer à l’histoire. Une agitation, une effervescence, un mécontentement, une colère. (Paragraphe tiré du livre de Philippe Henriot « 6 février »)
Philippe Henriot dans son livre « 6 février » cite deux organisations étudiantes : les Phalanges universitaires et le Front universitaire.
Dans un appel diffusé par voie d’affiche, le Front universitaire appel à manifester boulevard Saint-Michel, mardi 6 Février, à 18 heures 30. On peut lire sur son affiche :
« Étudiants, en dehors et au-dessus des partis, indépendants de toutes les organisations de droite ou de gauche, nous venons faire appel à ceux de nos camarades qui se sont toujours refusés, comme nous-mêmes à faire de la politique. La France est en péril. Demain, les organisations révolutionnaires essaieront de s’emparer du pouvoir et livreront sans défense notre pays à l’envahisseur. »
De son côté, les Phalanges universitaires placardent les murs de Paris de ces termes :
« Étudiants ! C’est le coup d’État de gauche... Pour demain, la dictature la plus odieuse qui soit : la dictature des politiciens ! La dictature des francs-maçons ! Au moment où les révolutionnaires communistes décident de « tenter le coup », on leur prépare les complaisances policières... Le gouvernement sectaire se moque du pays... Gouvernement de voleurs, de traîtres ! La France ne veut plus de ces hommes qui la trompent, qui l’exploitent, qui la vendent ! »
N'oublions pas que la révolution bolchevique de 1917, en instituant comme mode de gouvernement la guerre civile prôné par Lénine, a marqué les esprits de tout ceux qui ne partagent pas les idées socialistes internationalistes !
Les journaux de gauche n’ont pas été en reste. Tout le mois de janvier, ils ne cesseront de publier des appels à la révolte. Philippe Henriot dans son livre « 6 février » écrit : « Ah ! Si l’affaire n’eût fini tragiquement, comme on rirait ! Eh quoi ! Ces Messieurs de l’Humanité, ces Messieurs du Populaire, ces Messieurs de la République, ont donc oublié leur propre littérature ? »
Le populaire est l’organe officiel du parti socialiste SFIO. L’Humanité est l’organe central du Parti communiste.
Philippe Henriot rapporte que le Populaire lança sa « fameuse » édition spéciale dont un paragraphe avait un titre très éloquent : « Les ordres de mobilisation ».
Avant de conclure : « Doucement, ô ineffable Populaire ! Des ordres de mobilisation, combien en avez- vous publiés ? Des appels à l’insurrection, combien en avez-vous lancés ? Et vos syndicats de fonctionnaires, et vos ligues des droits de l’homme, et vos objecteurs de conscience ! »
Le numéro spécial du Populaire a disparu des archives… le numéro de l’Humanité appelant son organisation d’anciens combattants à participer à la manifestation aussi !
Participeront également un certain nombre de conseillers municipaux de Paris ceints de leur écharpe.