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L’enfumage du salaire brut

Chronique de Paysan Savoyard

(n° 312 – Janvier 2024)

Comme on le sait, la France est depuis une quinzaine d’années dans le trio de tête des pays où les impôts, taxes diverses et cotisations sociales (ce que l’on appelle les « prélèvements obligatoires ») sont les plus élevés au monde : en 2022 elle était en deuxième position, derrière le Danemark, avec un taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB de 45 %.

Ces prélèvements énormes sont illégitimes parce qu’ils alimentent des dépenses publiques qui pour une bonne part sont scandaleuses : l’assistanat ; une sphère publique hypertrophiée ; l’aide aux pays soi-disant en développement ; et surtout, le gouffre principal, le financement de l’invasion migratoire.

Pour faire accepter ce prélèvement confiscatoire le Système utilise plusieurs outils d’enfumage et d’anesthésie. La dissimulation de la TVA dans les prix est l’une de ces techniques. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en est une autre. Nous examinerons aujourd’hui une troisième technique : la manip des cotisations sociales.

  • L’énormité des cotisations sociales

En France, la sécurité sociale est financée par une ponction obligatoire sur les revenus du travail : les cotisations sociales et la CSG. Les cotisations sociales et la CSG viennent alimenter les 3 branches de la sécurité sociale : la branche « retraite », la branche « maladie » et la branche « famille ». Elles alimentent également l’assurance chômage, qui ne relève pas de la sécurité sociale. Chaque branche est indépendante : elle bénéficie de recettes propres, destinées au financement des dépenses dont elle a la charge. Par exemple les cotisations vieillesse constituent les recettes de la branche vieillesse, gérée, pour ce qui concerne les salariés, par la CNAV.

Les cotisations sociales sont la caractéristique du système socialisé qui existe en France et dans les pays social démocrates. Dans les pays libéraux, au contraire, les revenus du travail ne supportent pas ces prélèvements obligatoires : le salarié et le travailleur indépendant perçoivent la totalité de leur revenu et doivent financer eux-mêmes leur protection sociale en s’adressant à un assureur privé.

Il se trouve que les charges sociales et la CSG pèsent d’un poids considérable : elles représentent environ pour l’employeur 50 % du coût total du salarié. Lorsque l’employeur verse 50 à son salarié sur son compte bancaire, il verse également 50 à la sécurité sociale : pour l’employeur, le coût total du salarié est donc de 100. Il en est de même pour les travailleurs indépendants : ils versent environ 50 % de leur résultat à la sécurité sociale (précisons que ce taux est modulé en fonction du niveau de salaire : au niveau du SMIC, par exemple, il est inférieur à 50 %).

Précisons que nous ne voulons pas ici contester la sécurité sociale dans son principe : nous préférons vivre dans un pays socialisé plutôt que dans un pays libéral à l’américaine, impitoyable pour les perdants, les malchanceux et les moins doués. Ce que nous mettons en cause, c’est l’énormité des dépenses sociales et l’énormité des prélèvements qui en découlent.

  • La fallacieuse distinction entre cotisations salariales et patronales dissimule le gigantisme du prélèvement sur le travail

Pour faire passer l’énormité des cotisations sociales, le Système a recours à cette manipulation particulièrement vicieuse : il opère une distinction artificielle entre cotisations dites « salariales » et « patronales ». De ce fait le salarié a le sentiment que pour financer sa protection sociale, il n’acquitte que les cotisations salariales : alors que c’est bien la moitié de son revenu qui lui est retiré à ce titre (le travailleur indépendant, lui, est nécessairement conscient de la réalité du prélèvement puisqu’il n’est pas concerné par la distinction cotisations salariales et patronales).
A l’origine cette distinction entre cotisations salariales et patronales constitue une technique bien techno, bien subtile, bien française. Elle permet aux pouvoirs publics de choisir entre deux scénarios : soit augmenter les cotisations salariales (qui financent en particulier la branche maladie) : dans ce cas le coût total pour l’employeur n’augmente pas et c’est le salaire net versé au salarié qui diminue ; soit augmenter les cotisations patronales (qui financent en particulier la branche retraite) : dans ce cas le salaire net reste inchangé mais le coût salarial total augmente. Ce jeu entre ces deux registres a également pour intérêt d’alimenter des négociations avec les « partenaires sociaux », syndicats de salariés et d’employeurs : le paritarisme de la gestion de la sécurité sociale trouve là l’une de ses justifications.

Mais le principal intérêt de cette distinction est aujourd’hui ailleurs : il est pour les pouvoirs publics de brouiller la réalité et de fausser la perception qu’ont les salariés de leur situation véritable.

La distinction entre cotisations salariales et patronales est entrée dans les mœurs et a modelé les mentalités en profondeur : la notion de « salaire brut », c’est-à-dire l’addition du salaire net et des cotisations salariales, occupe aujourd’hui une place centrale. Les embauches et les négociations salariales se font sur cette base. Les rémunérations fixées par les conventions collectives correspondent au salaire brut. Quant aux cotisations dites patronales, les salariés considèrent qu’elles ne les concernent pas. Mieux, dans l’état d’esprit de lutte des classes qui caractérise spécialement la France, les syndicats, et les salariés eux-mêmes sans doute, ont tendance à se réjouir lorsque les cotisations employeurs augmentent.

Or cette distinction entre les deux types de cotisations constitue une construction artificielle : salariales ou patronales, les cotisations constituent en réalité un seul et même ensemble. Elles sont toutes deux payées par la même personne, l’employeur (qui, au demeurant, paie également le salaire). Elles sont versées au même bénéficiaire, la sécurité sociale. Elles sont destinées au même objet, la protection sociale du salarié. Elles sont déclenchées par le même événement, l’embauche du salarié : pas d’embauche, pas de cotisations.

Grâce à cette technique, les salariés sont abusés. Ils n’ont pas conscience de ce que la ponction qu’ils subissent ne se limite pas aux cotisations dites salariales : c’est en réalité la moitié de leur revenu qui est prélevé pour financer la sécurité sociale.

  • L’énormité du prélèvement ne garantit en rien la pérennité de la protection sociale

Ajoutons que les partisans du Système ne sont généralement pas choqués par l’ampleur de ce prélèvement : ils considèrent que ces cotisations sont la garantie de leur protection sociale, le prix à payer pour être soignés et percevoir une retraite.

Or cette façon de voir est, elle aussi, pour partie illusoire. La réalité est que l’assuré social ne sera pris en charge pour sa santé et ne percevra sa retraite que si les pouvoirs publics y consentent. Si au contraire, pour tel ou tel motif, les pouvoirs publics en question décident le moment venu de diminuer les remboursements de santé, de dérembourser purement et simplement une partie des soins, de diminuer fortement les pensions de retraite ou de repousser de dix ans l’âge de la retraite, les assurés sociaux n’y pourront rien et toutes les cotisations qu’ils auront pu verser jusque-là n’entreront pas en ligne de compte. Dit autrement, les cotisations versées aujourd’hui ne garantissent en rien l’effectivité et le montant des versements futurs.

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Terminons en soulignant que les prélèvements de cette ampleur sont d’autant plus choquants qu’ils pèsent pour l’essentiel sur les revenus du travail : les revenus du capital, eux, cotisent peu ; et les assistés pas du tout. Pourtant une grande part des prestations sociales sont versées à tous, que le bénéficiaire ait cotisé ou pas : par exemple les remboursements de santé ; par exemple les allocations familiales et de logement sous condition de revenu.

Bref, il faut cesser d’acquiescer passivement à ce système inique. Vouloir la pérennité d’un système de sécurité sociale ne signifie pas qu’il faille considérer comme normale une situation aussi malsaine, injuste et confiscatoire. Dénoncer l’ampleur du prélèvement sur le travail et refuser la fiction des cotisations salariales et patronales : sur cette question de la protection sociale également, il faut un discours de rupture.

Voir également ces chroniques :

La France, tout à la fois socialiste, ultralibérale et totalitaire

Un pays abîmé

Et le pays le plus taxé du monde est… la France !

https://leblogdepaysansavoyard.wordpress.com/2024/01/15/lenfumage-du-salaire-brut/#more-12674

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