Une technostructure aux multiples compétences
Sur le plan interne, le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009, après le rejet par les Français du traité de la Constitution par référendum le 29 mai 2005, suivi par le rejet des Néerlandais, également par référendum. Le traité de Lisbonne est constitué de deux parties, le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le TUE stipule que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres » (article 5). Mais aux termes de l’article 17 du TUE, « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin ». Le TFUE énumère de nombreuses compétences pour l’UE, des compétences exclusives de l’UE et des compétences partagées avec les États de l’Union.
La combinaison de toutes ces dispositions a permis à l’Union d’acquérir de multiples compétences, acquisition avec l’aval des États qui n’ont pas toujours eu conscience qu’ils perdaient ainsi tout pouvoir au profit de la Commission et de l’ensemble de la technostructure, jalouse de ses compétences et avide de les exercer pour justifier son existence.
Chaque année, la Commission et sa technostructure prennent plus de mille décisions, certes de niveau fort inégal, décisions avec le Conseil de l’Union européenne comme les directives et les règlements ; mais à ce dernier titre, il ne faut pas oublier que la Commission détient le monopole de l’initiative. Les États ne peuvent que lui suggérer d’agir, ce qu’ils font au nom de l’approfondissement de l’Union. La Commission donne souvent suite, gagnant alors avec le texte à venir de nouvelles compétences…
Sur le plan externe, aux termes de l’article 17, la Commission « assure la représentation extérieure de l’Union ». Conformément à l’article 218-3 du TFUE, la Commission peut demander au Conseil de l’UE l’ouverture de négociations avec un pays tiers. Le Conseil élabore pour la Commission un mandat de négociations en matière commerciale, cette dernière devant rendre compte au Conseil du déroulé des pourparlers. Cela, c’est la théorie ! La réalité est, en effet, beaucoup plus complexe. La réalité doit prendre en compte les divergences entre les demandes des États membres que la Commission négocie avec le pays tiers.
De plus, les négociations sont très complexes ; elles comportent des milliers de dossiers, certains sont moins géostratégiques que d’autres, moins déterminants dans la conclusion de l’accord final.
Dans ce marchandage global, les maillons faibles sont sacrifiés au profit des industries de l’Union. L’agriculture est ce maillon faible ; la Commission accepte ainsi l’importation de viande argentine à des prix défiant la concurrence des viandes françaises pour exporter les Mercedes… Mais, surtout, la Commission est jalouse de son autonomie et garde un secret total sur l’état des pourparlers, tant vis-à-vis des États membres que des députés européens ou nationaux.
Une opacité constante
Lors des négociations du traité de libre-échange transatlantique entre l’UE, les États-Unis et le Canada, conduites dans la plus complète opacité, les Américains avaient refusé de communiquer le texte du projet en cours aux députés français. Ils voulaient que les députés des États membres puissent consulter le texte… dans les ambassades américaines de chaque État membre. Sic !
Cette demande inacceptable provoqua une vive réaction de ma part : on obtint alors de pouvoir consulter le texte à l’Assemblée nationale avec interdiction de faire des photocopies et sous la surveillance d’un agent que je priai de quitter la salle... Pour citer George Orwell : les agissements de cette Union sont « d’une telle absurdité que seuls les intellectuels peuvent y croire ». À la veille des élections européennes, il est impérieux de prendre conscience que l’Union européenne, boulimique, est à bout de souffle.
Une seule obligation : réformer les traités, rétablir une subsidiarité effective. Les États doivent reprendre le pouvoir, maîtriser la technocratie et, au premier chef, la Commission. L’Union européenne boulimique s’est élargie, elle doit s’amaigrir ! Comme le soulignait Raymond Aron (Le Figaro, 1952) : « Ce n’est pas en fusionnant les souverainetés au bénéfice des technocrates, en prétendant ignorer la réalité séculaire des nations, que l’on peut construire l’Europe. »
Jacques Myard
https://www.bvoltaire.fr/tribune-lunion-europeenne-cette-usine-a-gaz/