Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liddell Hart et la calamiteuse Deuxième Guerre Mondiale

La prestigieuse  histoire de la Seconde Guerre Mondiale (Editions Marabout) de sir Basil Liddell Hart est préfacée par le général Beaufre. Voici ce que cet ancien responsable de l’Otan écrivait :

« Dans le domaine militaire, la vérité, non pas celle du passé mais celle qui se vérifiera dans l’avenir, ne peut pas être généralement trouvée par les voies officielles de la hiérarchie, trop facilement conformiste. Il est donc capital qu’il existe des chercheurs privés, capables de donner libre cours à leur imagination et à leur initiative. »

Le bilan de la Seconde Guerre Mondiale est vénéré aujourd’hui, sous peine de prison. Or voici ce bilan selon Liddell Hart :

« Non seulement les alliés occidentaux ne purent empêcher l’écrasement de la Pologne et son partage entre l’Allemagne et l’URSS, mais, après six ans de guerre apparemment couronnés par la victoire, ils furent contraints d’accepter la domination soviétique en Pologne, en dépit des engagements qu’ils avaient pris envers les Polonais qui avaient combattu à leurs côtés ».

La trahison occidentale de la Pologne-prétexte était ainsi présentée par de Gaulle dans ses Mémoires :

« Il apparaissait qu’à cet égard Moscou ne croyait guère à une opposition déterminée de Washington et de Londres. Enfin,  on discernait que Staline allait tâcher de nous vendre le  pacte contre notre approbation publique de son opération  polonaise. »

De Gaulle parlait du Grand Reich qui se lance régulièrement à la conquête de la France…

Sir Basil ajoute cette audacieuse observation :

« Tous les efforts consacrés à la destruction de l’Allemagne hitlérienne dévastèrent et affaiblirent l’Europe à un tel point que son pouvoir de résistance s’en trouva très réduit face à la montée d’un nouveau et plus grand péril. Et l’Angleterre, tout comme ses voisins européens, se retrouva appauvrie et à la remorque des Etats-Unis ».

Liddell Hart remet en cause l’alliance polono-britannique de mars 1939, sûre de mener à la guerre alors que l’on ne pouvait assister cette imprudente et militariste Pologne qui s’était six mois avant jetée comme une hyène sur la Tchécoslovaquie – dixit Churchill). Il rappelle :

« Seul Lloyd George s’éleva contre ce qu’il appela la folie suicidaire de prendre un engagement d’une telle envergure sans s’assurer auparavant de l’appui de l’URSS. »

Liddell Hart pourfend le démentiel colonel Beck (la Pologne aura six millions de morts en 45, la Tchécoslovaquie cédée à Munich cent mille, cela ne stoppera pas les Polonais), et s’en prend à la doxa antirusse.

« La Russie fut ostensiblement écartée de la conférence de Munich au cours de laquelle fut scellé le sort de la Tchécoslovaquie. Cette attitude hostile eut des conséquences fatales au cours de l’année suivante. »

Lui aussi ne comprendra jamais pourquoi la République dite française décida de soutenir la Pologne après avoir trahi qui il ne fallait pas :

« Après que la France eut facilement abandonné son allié tchécoslovaque qui possédait l’armée la plus efficace de toutes les petites puissances, il ne semblait guère semblable qu’elle se lancerait dans une guerre pour défendre un autre pays de sa chaîne d’alliés… »

Sir Basil évoque le cas Chamberlain. C’est lui qui se lance dans la guerre, et pas Churchill.

«… la pression de l’indignation publique, sa propre indignation, sa colère à se voir dupé par Hitler ou encore son humiliation de s’être fait tourner en dérision aux yeux de ses compatriotes. »

Chamberlain seul responsable ? Hum…

Mon ami Guido Preparata explique que pour les élites anglo-saxonnes tout justifie ce Great Game à soixante millions de morts. Voyez aujourd’hui l’Ukraine, la Syrie, la Libye, etc. On n’est pas sorti de l’auberge anglo-américaine, ni des problèmes de la dominance allemande. Imaginez ce qui se passerait avec les ombrageux cousins germaniques si nous sortions de leur zone euro et leur Lebensraum germano-américain. Imaginons Maginot…

Liddell Hart rappelle que Churchill dénonce aussi le procès de temporisation-précipitation qui selon lui va entraîner des dizaines de millions de morts. » Mais Churchill oublie de dire que Hitler lui propose plusieurs fois la paix, et qu’il n’y aurait donc pas eu lieu de tuer des dizaines de millions de personnes (observation de Pat Buchanan). En réalité Hitler idolâtrait l’Angleterre. Il voulait la paix avec son modèle aryen-impérial. Et Liddell Hart de le reconnaître.

A propos justement du britannique « miracle de Dunkerque », Liddell rappelle qu’Hitler arrête ses armées deux jours durant :

« Son initiative sauva les forces britanniques alors que plus rien d’autre n’aurait pu les sauver. Ce faisant, il fut à l’origine de sa chute et de celle de l’Allemagne ».

Mais Hitler était clairement programmé pour perdre ; il avait une autre mission. Et Preparata ne citait pas pour rien son Veblen. Dès Versailles, Thorstein Veblen ne croit pas au bluff des réparations – que l’Allemagne ne paiera d’ailleurs jamais. Et Preparata rappelle que l’Allemagne sera refinancée et rééquipée par le plan du banquier Dawes en 1923. Veblen souligne la patience diabolique de notre élite anglo-saxonne :

« Comme il aurait semblé tout à fait probable auparavant, les stipulations touchant l’indemnité allemande se sont révélées provisoires et provisoires seulement – si elles ne se sont pas plutôt caractérisées comme un bluff diplomatique, destiné à gagner du temps, à détourner l’attention durant cette période de réhabilitation nécessaire et exigeant une certaine patience pour rétablir un régime réactionnaire en Allemagne et l’ériger en un rempart contre le bolchevisme. »

Relisons l’Autre côté de la colline.

Basil Liddell Hart y a interviewé les généraux teutoniques. Et cela donne ce fameux passage sur l’idolâtrie hitlérienne de l’anglo-saxon. Hitler rappelle son admiration pour l’empire britannique. Comme toujours Hitler multiplie les conversations rêveuses et généralistes – celles qui exaspéraient Albert Speer : il pense même se passer du retour des colonies allemandes volées par les Anglais à Versailles. Toute extension de territoire ne peut se faire qu’au détriment de la Russie, comme il dit au début de Mein Kampf.

Le prix européen à payer, pour la destruction britannique de l’Allemagne nazie, fut exorbitant. Gentleman, Liddell Hart le reconnait :

« Si Hitler fut vaincu, une Europe libre ne fut jamais restaurée… »

Comme on a parlé de Churchill, un petit crochet de la part de Liddell Hart :

« Les châteaux en Espagne de Churchill s’étaient effondrés. Ils avaient été bâtis sur une erreur fondamentale d’appréciation de la situation et des changements de la guerre moderne, en particulier des effets de l’aviation sur la puissance maritime. »

Après sir Basil s’en prend au procès de Nuremberg, ce qui le mènerait en prison ici, avec le général Beaufre (Katyn c’est les Allemands !) :

« L’un des points les plus contestables des procès de Nuremberg fut que l’on fit figurer parmi les principales accusations contre l’Allemagne la préparation et l’exécution de l’agression contre la Norvège… Une telle attitude est l’un des plus beaux cas d’hypocrisie de l’histoire »

Un autre point important. On a déjà évoqué la Russie. Liddell Hart n’est pas hostile à la Russie soviétique, à son intérêt géostratégique. Il remarque à propos de l’opération finlandaise :

« Les exigences soviétiques étaient remarquablement modérées… Elles reposaient sur une base rationnelle. »

Staline voulait la Carélie russe et il était prêt à l’échanger contre une portion plus grande de territoire. Mais la Finlande était dirigée par une dictature militaire comme la Pologne. N’importe, la Russie fut grande et généreuse après sa coûteuse victoire.

Les pays baltes ? Le reste ? Mais lisez donc Murray Rothbard. Lui en a énervé plus d’un avec les lignes suivantes : la Russie voulait retrouver ses frontières d’avant 1914. Point. Les territoires baltes, (aujourd’hui terres promises de l’Otan et de la guerre US), l’Ukraine, l’est polonais. Rothbard ajoute sur la Finlande que la Russie voulait sa Carélie russe ; Liddell Hart confirme. La Finlande préféra la guerre aux cinq mille kilomètres carrés promis par Staline. Elle s’en sortit bien en 45, bien mieux en fait que les « Etats satellites » (notre auteur)  du nazisme qui partirent le 22 juin 1941 à la conquête de l’espace russe.

Tolstoï dit que ce n’est pas Napoléon mais l’Europe qui part à la conquête de la Russie : « les forces réunies des différentes nationalités européennes se jetèrent sur la Russie… »

Rothbard justifie aussi la politique prudente de la Russie (quand on voit ce qui s’est passé depuis les années 90…). De Gaulle fera de même dans ses Mémoires (il rappelle même que la Pologne a conquis deux fois Moscou).

Rothbard donc explique aussi qu’après la guerre Staline voulait prévenir une nouvelle invasion de la Russie par la Pologne. C’est ce qu’il expliquait à de Gaulle.

 Les conclusions ne serviront à rien. Nous aurons la guerre voulue par les militaires et les fonctionnaires, les néocons frankistes et les messianistes, pas la vérité selon Liddell Hart ou selon Rothbard. Machiavel nous prévenait :

« Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper. »

Et le prophète Mohammed : « les hommes dorment ; et quand ils meurent, ils se réveillent. »

Nicolas Bonnal

https://reseauinternational.net/liddell-hart-et-la-calamiteuse-deuxieme-guerre-mondiale/

Les commentaires sont fermés.