Par Nikolay STARIKOV – Oriental Review
Il y a 70 ans le plus grand massacre de l’histoire a commencé par un financement de la part de la banque d’Angleterre et du système de réserve fédéral des Etats-Unis.
Une résolution récente par l’assemblée parlementaire de l’OSCE a déclaré que l’Union Soviétique et l’Allemagne nazi ont joué un rôle égal dans le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale. En outre, la résolution a pour objectif purement pragmatique de pomper l’argent russe pour renflouer quelques économies en faillite tout en cherchant à diaboliser la Russie comme successeur de l’Union Soviétique et préparer le fondement juridique pour empêcher Moscou de s’opposer à cette vision révisionniste de la guerre. Mais si nous devons débattre des responsabilités dans le déclenchement de la guerre, nous devons tout d’abord commencer par répondre aux questions suivantes : qui a arrangé l’arrivée des nazis au pouvoir ? Qui les a conduits vers une catastrophe mondiale ? Toute l’histoire de l’Allemagne d’avant-guerre montre que les politiques “nécessaires” ont toutes été mises en œuvre par des turbulences financières guidées – la même situation, soit dit en passant, que celle dans laquelle le monde se trouve aujourd’hui.
Les principales structures de la stratégie d’après-guerre de l’Occident étaient les institutions financières centrales des EU et de la Grande Bretagne, la banque d’Angleterre et le système de la réserve fédérale, couplées à des organisations financières et industrielles, qui ont entrepris d’établir un contrôle absolu sur le système financier en Allemagne pour gérer la politique de l’Europe centrale. La mise en œuvre de cette stratégie comprend les étapes suivantes :
- 1919-1924: préparer les terrains pour les énormes investissements financiers américains dans l’économie allemande.
- 1924-1929 : mise en place du contrôle du système financier et financement du mouvement national-socialiste.
- 1929-1933 : inciter et déclencher une profonde crise économique pour que les nazis prennent le pouvoir.
- 1933-1939 : coopération financière avec le gouvernement nazi et soutien de sa politique étrangère, visant à préparer et déclencher la nouvelle guerre mondiale.
Dans un premier temps, le principal levier de la pénétration du capital américain en Europe est venu des dettes de guerre et de la question étroitement liée des réparations allemandes. Après l’entrée officielle des États-Unis dans la Première Guerre Mondiale, les États-Unis ont accordé à leurs alliés (principalement l’Angleterre et la France) des prêts totalisant 8,8 milliards de dollars. La somme totale de la dette de guerre due aux États-Unis, y compris les prêts accordés entre 1919 et 1921, s’élevait à 11 milliards de dollars. Pour résoudre leurs propres problèmes financiers, les pays débiteurs se sont attaqués à l’Allemagne, l’obligeant à payer une somme énorme en réparations dans des conditions extrêmement difficiles. La fuite des capitaux allemands à l’étranger qui en a résulté et le refus des entreprises de payer leurs impôts se sont traduits par un tel déficit de l’État que le gouvernement n’a pu que produire en masse des marks allemands qui ne reposaient sur rien. En conséquence, la monnaie allemande s’est effondrée. Pendant l’hyperinflation de 1923, le taux d’inflation avait atteint 578,512% et un dollar valait 4,2 trillions de marks allemands. Les industriels allemands commencèrent à saboter ouvertement toute tentative de dédommagement, ce qui déclencha la fameuse “crise de la Ruhr”, une occupation franco-belge de la vallée de la Ruhr en 1923.
C’est exactement ce que l’élite dirigeante britannique et américaine attendait. Après avoir laissé la France s’enliser dans les aventures de la Ruhrland et montrer son incapacité à résoudre le problème, ils prirent la situation en main. Le secrétaire d’État américain Charles Evans Hughes déclare:” Nous devons attendre jusqu’à ce que l’Europe soit prête à accepter la proposition américaine”.
Un nouveau projet avait été mis au point dans les entrailles de J. P. Morgan and Co. à la demande de Montague Norman, directrice de la Banque d’Angleterre. Au cœur du projet se trouvaient les propositions du représentant de la banque Dresdner, Hjalmar Schacht, formulées en mars 1922 à la demande de John Foster Dulles, futur secrétaire d’État d’Eisenhower, et conseiller juridique du président Woodrow Wilson à la Conférence de paix de Paris. Dulles transmet les propositions à l’administrateur en chef de J. P. Morgan and Co. qui fait ensuite des recommandations à Schacht, Norman et – enfin – aux responsables de Weimar. En décembre 1923, Schacht devient directeur de la Reichbank et joue un rôle déterminant dans le rapprochement des milieux financiers anglo-américains et allemands.
Au cours de l’été 1924, le projet, connu sous le nom de “Plan Dawes” (nommé ainsi d’après un certain Charles G. Dawes, directeur américain de l’une des banques de Morgan, qui présidait le comité d’experts chargé de préparer les propositions), fut adopté à la Conférence de Londres. Il appelait à ce que les réparations soient réduites de moitié, et il précisait également les modalités d’indemnisation de l’Allemagne. Toutefois, l’objectif premier était de créer des conditions favorables à l’investissement américain, ce qui ne pouvait être rendu possible qu’en stabilisant le mark allemand.
Pour ce faire, l’Allemagne obtient 200 millions de dollars en prêts, dont la moitié sont accordés par les banques de Morgan. Ce faisant, les banques anglo-américaines prennent le contrôle non seulement des paiements de l’Allemagne, mais aussi celui de son budget, de son système monétaire et, dans une large mesure, de son système de crédit. En août 1924, l’ancien mark allemand est remis à neuf, la situation financière de l’Allemagne est stabilisée et, comme l’a écrit le chercheur G. D. Preparta, la République de Weimar a été préparée pour “l’aide économique la plus spectaculaire de l’histoire, suivie par la récolte la plus amère de l’histoire du monde”. […] L’incontrôlable bouillonnement du sang américain inondait le noyau financier de l’Allemagne.”
Les conséquences de tout cela se sont rapidement fait remarquer
Tout d’abord, étant donné que les indemnisations annuelles devaient couvrir la dette totale des alliés, le “cycle absurde de Weimar” s’est développé. L’or que l’Allemagne utilisait pour payer les réparations de guerre était ramassé et vendu aux États-Unis, où il disparut. Depuis les États-Unis, selon le plan, l’or revenait en Allemagne sous forme d'”aide”, qui était ensuite remboursée à l’Angleterre et à la France, qui l’envoyaient ensuite aux États-Unis pour rembourser leurs dettes de guerre. Les États-Unis lui appliquaient ensuite un taux d’intérêt élevé et le renvoyaient en Allemagne. En fin de compte, l’Allemagne a vécu de la dette, et il était clair que si Wall Street retirait ses prêts, alors le pays subirait un effondrement complet.
Deuxièmement, bien que les prêts aient été officiellement accordés à l’Allemagne pour assurer le paiement des réparations, ils étaient en réalité destinés à restaurer le potentiel militaro-industriel du pays. En fait, les Allemands ont remboursé les prêts avec des actions de sociétés allemandes, ce qui a permis au capital américain de s’intégrer activement dans l’économie allemande. Le montant total des investissements étrangers dans l’industrie allemande entre 1924 et 1929 s’élevait à près de 63 milliards de marks or (dont 30 milliards sous forme de prêts) et 10 milliards sous forme de réparations. Les banquiers américains – principalement J. P. Morgan, a fourni soixante-dix pour cent du revenu financier de l’Allemagne. En conséquence, dès 1929, l’industrie allemande se classait au deuxième rang mondial, mais elle était en grande partie entre les mains des plus grands groupes financiers et industriels américains.
Donc, I. G. Farben, l’entreprise qui est devenue la pièce maîtresse de la machine de guerre allemande, était sous le contrôle de Rockefeller Standard Oil à l’époque où elle a financé 45 pour cent de la campagne électorale d’Hitler en 1930. Par l’intermédiaire de General Electric, J. P. Morgan contrôlait l’industrie radiophonique et électrique allemande sous la forme d’AEG et de Siemens (en 1933, General Electric possédait une participation de 30 % dans AEG). Par l’intermédiaire de la société de télécommunications ITT, il contrôlait 40 % du réseau téléphonique allemand et 30 % de l’avionneur Focke-Wulf. Opel avait été racheté par General Motors de la famille Dupont. Henry Ford détenait une participation de 100 % dans Volkswagen. En 1926, avec la participation de la Rockefeller bank, Dillon Reed and Co, le deuxième plus grand monopole industriel voit le jour avec : la société métallurgique Vereinigte Stahlwerke (Unified Steel Trusts) de Thyssen, Flick, Wolf, Fegler, etc.
La coopération américaine avec le complexe militaro-industriel allemand devint si intense et omniprésente qu’en 1933, le capital américain atteignit des secteurs clés de l’industrie allemande et même de grandes banques comme la Deutsche Bank, la Dresdner Bank, la Donat Bank, etc.
Simultanément, une force politique était financée, appelée à jouer un rôle crucial dans les plans anglo-américains – le parti nazi et Adolf Hitler lui-même.
Le chancelier allemand Brüning écrit dans ses mémoires qu’à partir de 1923, Hitler recevait d’importantes sommes d’argent de l’étranger – l’origine exacte était inconnue, mais elles passaient par des banques suisses et suédoises. Il est également connu qu’en 1922, Hitler avait rencontré le Capitaine Truman Smith, attaché militaire américain à Munich – une rencontre que Smith raconta dans un rapport détaillé présenté à ses supérieurs de Washington (dans le Bureau des renseignements militaires) – et que celui-ci lui disait apprécier Hitler.
C’est à travers le cercle de connaissances de Smith que Hitler est entré en contact avec “Putzi” (Ernst Franz Sedgwick Hanfstaengl), un diplômé de l’Université de Harvard qui a joué un rôle important pour faire de Hitler un politicien à succès, lui donnant un soutien financier substantiel et des liens entre les personnalités britanniques de haut rang. Hitler se préparait pour la grande politique, mais tant que la prospérité régnait en Allemagne, son parti restait à la périphérie de la vie publique. Cette situation changera radicalement avec le début de la crise. Après l’effondrement du marché boursier provoqué par la Réserve fédérale américaine à l’automne 1929, la troisième phase de la stratégie anglo-américaine commença.
La Fed et J. P. Morgan décident de cesser leurs prêts à l’Allemagne, provoquant une crise bancaire et une dépression économique en Europe centrale. En septembre 1931, l’Angleterre abandonne l’étalon-or, détruisant délibérément le système de paiement international et coupant complètement l’oxygène financier de la République de Weimar.
Mais le parti nazi connaît un essor miraculeux: en septembre 1930, grâce aux dons généreux de Thyssen, I. G. Farben, et Kirdorf, le parti recueille 6,4 millions de voix, ce qui le place en deuxième position au Reichstag. Peu après, une généreuse injection de fonds de l’étranger apparaît. Hjalmar Schacht était devenu le lien clé entre les grands industriels allemands et les financiers étrangers.
Le 4 janvier 1932, lors d’une réunion entre Adolf Hitler, le chancelier allemand Franz von Papen et Montague Norman, un accord secret est conclu pour assurer le financement du parti nazi. Le politicien américain Dulles était également présent à cette réunion, ce que ses biographes n’aiment pas mentionner. Le 14 janvier 1933, Hitler tient une réunion avec Kurt von Schroeder, un banquier sympathisant nazi, von Papen et Kepler, au cours de laquelle le programme d’Hitler est entièrement approuvé. C’est là que fut tracée la voie finale de la montée au pouvoir des nazis, et le 30 janvier, Hitler devint chancelier. Ensuite a commencé la quatrième étape de la stratégie.
Les relations entre le nouveau gouvernement et les cercles dirigeants anglo-américains étaient devenues extrêmement bienveillantes. Lorsque Hitler refuse de continuer à payer les réparations, ce qui soulève naturellement des questions sur le paiement des dettes de guerre, ni la Grande-Bretagne ni la France ne l’obligent à payer. En outre, après le voyage aux États-Unis du président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, en mai 1933, pour rencontrer le président et les principaux banquiers de Wall Street, les États-Unis accordèrent à l’Allemagne de nouveaux prêts totalisant 1 milliard de dollars. Et en juin, lors d’une visite chez Norman à Londres, Schacht demande un montant supplémentaire de 2 milliards de dollars en prêts ainsi qu’une réduction et éventuellement la cessation de paiement sur les anciens prêts. Ainsi, les nazis avaient quelque chose que le gouvernement précédent ne pouvait pas obtenir.
Au cours de l’été 1934, la Grande-Bretagne signe l’Accord de transfert anglo-allemand, qui devient l’un des fondements de la politique britannique à l’égard du Troisième Reich, et à la fin des années 1930, l’Allemagne devient le principal partenaire commercial de la Grande-Bretagne. En 1936, sa succursale de New York fusionne avec un holding Rockefeller pour créer la banque d’investissement “Schroeder, Rockefeller and Co.”, que le New York Times qualifie d'”axe économico-propagandiste de Berlin-Rome”. Comme il l’a admis lui-même, Hitler considérait le crédit étranger comme la base financière de son plan quadriennal, cela n’a donc éveillé aucune inquiétude.
En août 1934, le géant pétrolier américain Standard Oil acheta 730 000 acres de terrain en Allemagne (environ 300 000 ha) et construisit de grandes raffineries de pétrole qui approvisionnaient les Nazis en pétrole. En même temps, les Etats-Unis fournissaient secrètement à l’Allemagne les équipements les plus modernes pour les usines d’avions, qui allaient bientôt produire des avions allemands. L’Allemagne reçut un grand nombre de brevets des firmes américaines Pratt and Whitney, Douglas et Bendix Corporation, et le bombardier en piqué “Junker-87” fut construit en utilisant une technologie purement américaine. En 1941, au moment où la Seconde Guerre Mondiale était en plein essor, les investissements américains dans l’économie allemande totalisaient 475 millions de dollars, 120 millions de dollars rien que pour Standard Oil, 35 millions pour General Motors, 30 millions pour ITT et 17,5 millions pour Ford.
La collusion financière et économique intime entre les hommes d’affaires anglo-américains et nazis a servi de toile de fond dans laquelle s’est déroulée la politique d’apaisement vis-à-vis de l’agresseur, menant directement à la Seconde Guerre Mondiale.
Aujourd’hui, alors que l’élite financière mondiale s’est lancée dans un plan de “Grande Dépression 2.0” avec, en corollaire, la transition vers un “nouvel ordre mondial”, il est impératif d’identifier son rôle clé dans l’organisation des crimes contre l’humanité dans le passé.
Traduit du Russe par ORIENTAL REVIEW
Source : https://orientalreview.org/2010/10/06/episodes-5-who-paid-for-world-war-ii/
Traduction : Saadia Khallouki, relu par Martha pour Réseau International