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Les sanctions économiques inacceptables pour l’Europe du faux-ami américain (1)

 « Être un ennemi de l’Amérique est dangereux, mais être un ami de l’Amérique est fatal. »

Henry Kissinger

« L’Europe sous la domination de Wall Street n’est souveraine qu’en apparence (…) Les États-Unis, puissance impérialiste par excellence, mènent à leurs alliés des guerres économiques et financières, et à leurs ennemis situés hors de leur espace de civilisation des guerres militaires. »

Jean-François Gayraud – L’Art de la guerre financière – Éditions Odile Jacob – 2016

L’UE, devenue une véritable UERSS, décline économiquement par rapport au reste du monde, suite à l’absence de politique industrielle protectionniste et autarcique, à la folie du libre-échange mondialiste, à l’irréalisme ruineux de la politique de transition énergétique, mais aussi suite à la concurrence déloyale des États-Unis avec leur politique inacceptable et indigne des sanctions économiques.

L’extra-territorialité, « droit de cuissage » de l’Amérique au XXIe siècle

Le dollar est un vecteur d’impérialisme qui permet l’exportation du droit américain sur l’ensemble de la planète. Toute transaction en dollars ou transitant par une banque américaine est potentiellement sanctionnable en droit américain. C’est ainsi qu’en 2014, BNP Paribas a été condamnée à payer une amende de 8,9 milliards de dollars aux États-Unis, pour avoir fait transiter de l’argent de clients au Soudan ou en Libye. De 2009 à 2019, les amendes des banques internationales se sont élevées à plus de 320 milliards de dollars, soit le budget de l’État français, dont 40 % ont été supportées par les seules banques européennes.

Lorsque les États-Unis décident d’un embargo sur un pays, cet embargo ne s’applique pas qu’aux entreprises américaines mais à toutes les entreprises dans le monde qui sont actives aux États-Unis ou signent des contrats en dollars. Il en résulte une violation de la souveraineté des nations. Afin de pouvoir continuer ses activités aux États-Unis, Peugeot, malgré de très gros intérêts en Iran, a dû annoncer son retrait de ce pays.

De même le « Foreign Account Tax Compliance Act », le FATCA, consacre l’extra-territorialité du droit fiscal américain qui pratique une imposition basée sur la citoyenneté et non pas sur le lieu de résidence, d’où la primauté du droit américain sur le droit des autres pays du monde, y compris dans l’UE. Le FATCA oblige les banques des pays ayant accepté un accord avec le gouvernement des États-Unis à signer avec le département du Trésor des États-Unis un accord dans lequel elles s’engagent à lui communiquer tous les comptes détenus par des citoyens américains, même si ceux-ci ont la double nationalité ou ont perdu tout contact avec les États-Unis.

L’extra-territorialité du « Cloud Act »

Un grand nombre de pays vont aussi s’efforcer de réagir face au « cloud act ». Il n’est pas acceptable qu’une Administration américaine puisse récupérer auprès des opérateurs de stockage les données de n’importe quelle entreprise européenne, au nom des intérêts supérieurs américains, sans que l’entreprise concernée soit alertée.

C’est la raison pour laquelle Dassault Aviation et Dassault Systèmes collaborent en 2023 pour mettre en place un « cloud souverain ». Il existe désormais une solution de sécurité numérique européenne pour les armées, les organismes publics, les secteurs de la santé, énergie, transports… Les échanges de données critiques pourront être effectués dans un cadre sécurisé, en respectant la propriété intellectuelle.[1]

Si l’UE en a la volonté, elle peut résister à l’extra-territorialité des sanctions américaines.

Plusieurs personnalités dont Louis Schweitzer et Pascal Lamy proposent des pistes pour contrer l’extra-territorialité de la législation américaine[2]. Ils reprochent les déclarations de principes de l’UE suivies de peu d’actions : le vieux règlement de 1996, dit loi de blocage, est inutile car complètement irréaliste face à la perte du marché des États-Unis par les contrevenants.

Le collectif propose des nouveaux moyens de réplique beaucoup plus efficaces : interdiction faite aux banques d’un pays pratiquant l’extra-territorialité de travailler en Europe ; une mesure imposant à toutes les entreprises étrangères présentes sur le territoire de l’UE de respecter les normes environnementales européennes, y compris dans leurs implantations hors Europe ; en matière de concurrence où les règles européennes sont plus strictes qu’aux États-Unis, imposer aux entreprises étrangères ayant un lien avec le territoire européen le même degré d’exigence ; créer un système de règlements et transferts financiers propre à l’Europe pour éviter les blocages du système Swift contrôlé par les États-Unis ; imposer aux entreprises non européennes qui traitent des données des citoyens européens de se conformer au Règlement européen général sur la protection des données.[3]

Intervention du député Jacques Myard pour résister et combattre l’extra-territorialité des lois américaines[4]

Le point central pour l’Europe est de savoir si elle veut se coucher devant l’Amérique ou s’opposer à cette dernière. Il est anormal qu’un enfant né aux États-Unis, qui y est resté un mois, rentré en France avec ses parents, se voit intimer par l’administration américaine : « Tu dois rendre des comptes au fisc américain parce que tu es Américain ».

Le droit extraterritorial américain est une idéologie nationale impérialiste. Le système d’extra-territorialité juridique repose sur un seul élément, le critère de rattachement d’un acteur étranger avec les États-Unis, qui sert de base aux poursuites. Avoir utilisé le dollar par le biais d’une chambre de compensation aux États-Unis, le transit d’un simple courriel par un serveur américain, avoir utilisé une adresse « gmail », c’est-à-dire les serveurs américains, donnent à la justice américaine ce lien de rattachement qu’elle réclame pour être compétente.

Quand la BNP se fait condamner parce qu’elle a commercé avec Cuba, alors que la France et l’UE n’ont pas d’embargo avec ce pays, c’est tout simplement dantesque et inacceptable. L’UE capitule devant l’adversaire USA car elle n’a pas affaire à un Allié, mais à des Américains avides, déterminés à déstabiliser nos entreprises, à prendre des parts de marché avec des méthodes indignes. Une Europe des nations libre et européenne n’aurait pas d’autre solution que d’employer des mesures de rétorsion, en suivant l’exemple de la Chine ! Si l’UE ne démontre pas sa force vis-à-vis des États-Unis, il est certain que les États-Unis continueront. L’Europe ne peut accepter une telle situation.

Jacques Myard propose que l’UE demande à Goldman Sachs de rembourser ce qu’a coûté l’adhésion de la Grèce à l’UE, suite à la frauduleuse falsification des comptes par cette banque américaine. Le montant nominal du litige s’élèverait à la bagatelle de 150 milliards d’euros. Tout relève en fait de la volonté politique, en trouvant les moyens économiques et légaux pour se faire respecter. (À suivre)

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï – 370 p – Librinova – 2024

[1] Véronique Guillermard – Dassault Aviation et Dassault Systèmes collaborent autour d’un « cloud souverain » – p.29 – Le Figaro du mercredi 21 juin 2023

[2] « Policy paper » n° 232 – octobre 2018 et « Policy paper » n° 240 – de l’Institut Jacques Delors

[3] Mesures préconisées par le collectif de personnalités – Une priorité pour la prochaine Commission européenne : internationaliser l’euro – p.21- Le Figaro du vendredi 26 juillet 2019

[4] Nous mentionnerons seulement quelques points soulevés par le député Jacques Myard sur le thème « L’extra-territorialité des lois américaines : savoir résister pour défendre notre souveraineté » – lors du Colloque organisé le 13 juin 2019 à l’Assemblée nationale par l’Institut IVERIS et par l’Académie géopolitique de Paris.

http://marcrousset.over-blog.com/2024/07/les-sanctions-economiqus-inacceptables-pour-l-europe-du-faux-ami-americain-1.html

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