Encerclés dans la cuvette
C’est aux confins du Tonkin et du Laos que se trouve le petit village de Ðiện Biên Phủ. Ce dernier fut choisi en 1953 comme base aéroportée afin de soutenir les armées françaises lors de la guerre d’Indochine. Mais les troupes Viêt-Minh découvrent le site stratégique et décident de le prendre afin de nuire à leurs ennemis européens. Le 13 mars 1954, le général Võ Nguyên Giáp déclenche une attaque surprenante qui annonce le début du siège de Ðiện Biên Phủ. Pour les forces françaises, c’est la stupeur. Même si elles savent que leur adversaire s’est regroupé pour les attaquer à cet endroit, elles ignorent tout de sa puissance de feu, pensant que la jungle empêchera tout acheminement d’artillerie suffisamment puissante pour les menacer.
Commencent, alors, de longs jours ponctués de combats incessants contre les assauts ennemis, le tout sous le feu des obus. L’avancée des troupes de Hô Chi Minh est telle que les Viêt-Minh parviennent à empêcher, par un pilonnage intensif du terrain d’aviation, toute arrivée de renforts et de ravitaillements qui pourraient contrer leur plan. Le dernier avion se pose ainsi le 27 mars et apporte avec lui Geneviève de Galard. « L’Ange de Ðiện Biên Phủ » (son surnom) est d’un grand secours pour les soldats français blessés qu’elle soigne et réconforte de son mieux, jusqu’à la fin.
Une lutte acharnée
Mais les semaines passent et l’étau viêt-minh se resserre inexorablement autour du camp français. Il n’est pas un jour sans que les combattants n’apprennent qu’un camarade est mort au champ d’honneur ou qu’un fortin est attaqué ou pris par l'ennemi. Ces points d’appui stratégiques sont tous baptisés par le général de Castries de prénoms féminins : Gabrielle au nord, Béatrice, Éliane et Dominique à l'est, Anne-Marie, Huguette, Claudine, Françoise, Liliane, Junon à l'ouest, Isabelle au sud et, non loin du centre de commandement, au centre, Épervier.
Tous tomberont, non sans que leurs occupants se soient battus jusqu’au bout avec le courage des âmes héroïques. Après 55 jours de luttes acharnées, l’ordre est tristement donné de cesser les combat, le 7 mai 1954. L’épuisement des soldats sur le champ de bataille et l’absence de soutien de la part des alliés, notamment américain, impose l'issue de la bataille : la France comprend que tout est désormais perdu et que faire encore couler le sang de ses enfants sera inutile.
Le prix cuisant de la défaite
Pour notre pays, cette défaite est cruelle. Des milliers de soldats faits prisonniers ne seront pas rendus à la patrie et devront marcher jusqu’à des camps où beaucoup mourront de faim ou de maladies. Les plus résistants endureront alors les brimades et la rééducation politique imposée par leurs bourreaux communistes jusqu’au moment où ils obtiendront leur libération. La France, quant à elle, renonce à son empire colonial en Asie en signant, le 20 juillet 1954, les accords de Genève. Elle abandonne l’Indochine à ses nouveaux maîtres.
Certains d’entre vous, chers lecteurs, demandaient, lors des commémorations de la bataille de Camerone, pourquoi la France avait l’habitude de célébrer des défaites comme celle de Ðiện Biên Phủ. Notre pays ne voue pas de culte à ses échecs militaires et ne cultive ni le pessimisme ni l’esprit de revanche. Notre nation rend en réalité hommage aux hommes et aux femmes qui ont fait preuve d’un courage exemplaire et qui se sont sacrifiés volontairement pour des idéaux plus grands qu’eux. N'oublions pas les noms de nos anciens inscrits sur nos monuments afin que leur exemple continue d’être transmis aux générations futures et que jamais ne meurent l’héroïsme et le patriotisme en France.