On a donc noté avec intérêt que le nouveau Premier ministre Michel Barnier, dont on dit ou on suppose que l’absence d’hostilité radicale du RN à sa personne a pesé sur son choix par Emmanuel Macron, a indiqué le 6 septembre, sur TF1, que le changement de mode de scrutin législatif ne constituait pas une ligne rouge. « Si la proportionnelle en partie est une solution, je ne me l’interdis pas, mais j’ai besoin de discuter avec tous les groupes politiques. »
Mais quel est l’intérêt électoral ou politique du RN pour un tel changement du mode de scrutin ? On peut ainsi regarder le sujet par rapport à trois types de systèmes électoraux : l’actuel scrutin uninominal à deux tours, le scrutin majoritaire à un tour de type britannique et, enfin, le scrutin proportionnel souhaité par le RN.
Scrutin uninominal à deux tours
Les élections législatives françaises fonctionnent aujourd’hui sur cette base, avec possibilité pour tous les candidats ayant obtenu un score représentant 12,5 % des électeurs inscrits de se maintenir au second tour… ou pas, comme cela s’est passé au second tour de juillet 2024, avec les désistements massifs du front républicain qui était, de fait, un front anti-RN allant de LFI à LR. La question qui se pose est de savoir si le RN pourrait obtenir une majorité absolue dans la foulée d’une élection présidentielle victorieuse ? C’est ce qui s’est passé 4 fois sur 5 (2002, 2007, 2012, 2017) depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Le seul cas où cela n’a pas fonctionné est l’élection législative de 2022, qui est également le seul cas où un Président sortant s’est présenté et a gagné l’élection présidentielle. Donc, il n’est pas sûr que le scrutin actuel soit systématiquement et irrémédiablement défavorable au RN.
Scrutin majoritaire à un tour
Le candidat qui recueille le plus de voix gagne l’élection quel que soit son score. C’est le scrutin britannique first past the post qui dégage le plus souvent, au Parlement, une majorité de gouvernement claire comme celle du Parti travailliste, suite aux élections de juillet 2024. Charles Millon a récemment indiqué sa préférence pour ce système dans une tribune du Figaro : « Je suis pour l’élection des députés au scrutin majoritaire à un tour, pour obliger les grands courants politiques - appelons-les la droite et la gauche, pour faire simple - à gérer leurs extrêmes. » La simulation faite sur Boulevard Voltaire dans une contribution passée conclut d’ailleurs que le RN aurait obtenu 297 députés avec ce système, soit la majorité absolue, calcul basé sur les votes du premier tour du 30 juin 2024.
Scrutin proportionnel
Il faut d’abord rappeler qu’il y a de nombreuses variantes de ce scrutin, très fortement utilisé partout dans le monde : unique circonscription nationale, multiples circonscriptions (le département pour les élections législatives françaises de 1986), méthode de la plus forte moyenne, méthode du plus fort reste… Il demeure qu’il est extrêmement improbable qu’un seul parti remporte plus de la moitié des voix, notamment dans le cas d’une circonscription nationale unique. Ainsi, le RN aurait obtenu, en juin 2024, 192 députés, près d’une centaine de moins que les 289 nécessaires à la majorité absolue. Il y a, toutefois, une exception dans l’histoire électorale française : la majorité absolue de députés obtenue par l’alliance RPR-UDF aux élections de 1986, avec 45 % des voix mais un scrutin proportionnel départemental.
In fine, le soutien du RN à la proportionnelle le conduit d’emblée à admettre qu’il ne gouvernera pas seul et devra trouver des alliés puis construire, avec ces autres forces politiques, un programme de gouvernement, ce qui nécessite des changements très profonds des pratiques politiques françaises au regard de l’attitude d’hostilité de tous les partis hors l’allié ciottiste lors du second tour de 2024.