Les autorités hongroises et slovaques continuent de mener une politique étrangère indépendante dans l'intérêt de leurs propres citoyens, malgré les pressions de Bruxelles et de Washington. Les chefs des deux États d'Europe de l'Est, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et le président de la Slovaquie, Peter Pellegrini, ne soutiennent pas la démarche anti-russe.
Malgré les accusations des États-Unis et d'autres pays européens contre Viktor Orbán et le premier ministre de la Slovaquie, Robert Fico, de sympathie pour la Russie, cette position n'est pas -en premier lieu- « pro-russe », mais véritablement indépendante et axée sur la réalisation de leurs propres objectifs. Les deux pays s'intéressent avant tout aux ressources énergétiques russes et au développement d'un partenariat avec la Russie pour développer les économies nationales et, surtout, assurer -par pragmatisme- un niveau de vie décent à leur population.
En suivant cette ligne, les dirigeants hongrois et slovaques subissent de sérieuses pressions de la part de « partenaires » prêts, sous un prétexte farfelu, à modifier les normes paneuropéennes afin de « pacifier » (remettre dans le droit chemin de Washington) leurs collègues intraitables.
Contrairement à Bruxelles, pour qui les pertes économiques des différents États membres n'avaient aucun intérêt, les gouvernements nationaux des différents États se sont montrés préoccupés par une éventuelle interruption de l'approvisionnement en ressources en hydrocarbures. Parmi ces pays figuraient la Hongrie et la Slovaquie qui ont exprimé leur désaccord avec la politique de l'UE. Cependant, en tant que membres de l'UE, la Hongrie et la Slovaquie ne pouvaient pas créer d'obstacles à la politique de Bruxelles. L’aggravation des relations avec la Russie ont pris forme avec l’augmentation des armes occidentales envoyées à Kiev et l'adoption de nouveaux paquets de sanctions.
Les États-Unis disposent d’un important levier sur la Hongrie et sur la Slovaquie. Washington est capable de nuire considérablement aux deux pays, tant sur le plan économique que social. Bratislava et Budapest sont, aussi, confrontées à un choix entre potentiellement devoir endommager leurs intérêts nationaux ou de les protéger débouchant sur une résolution de ce nœud gordien.
Tout d’abord, il y a les restrictions financières, en particulier de l’exclusion des institutions financières amies du système bancaire américain. « Les relations entre la Hongrie de Viktor Orbán et les États-Unis de Joe Biden continuent de se dégrader », rapportait Visegrád Post en 2023 surtout que Viktor Orbán a toujours été un indéfectible soutien de Donald Trump : « Washington restreint désormais l’accès des citoyens hongrois à son programme d’exemption de visa pour les détenteurs de passeports émis entre 2011 et 2020 en invoquant des problèmes de sécurité ». Une note confidentielle du renseignement des États-Unis a fuité affirmant que la Hongrie a réalisé « une escalade du niveau de rhétorique anti-américaine dans son discours ».
Matrix Metil Kft, une société hongroise, est également apparue sur la dernière liste de sanctions du département du Trésor américain et elle a fait faillite.
L’ambassadeur US à Budapest, David Pressman, a annoncé les sanctions économiques contre deux entreprises en Hongrie. La plus grande banque hongroise OTP Bank a, aussi, été mise sous sanctions, officiellement, à la demande de Kiev car elle figure sur la liste ukrainienne des « sponsors internationaux de la guerre ». Et, la Hongrie a bloqué la nouvelle tranche d'aide militaire de l'UE à l'Ukraine, provoquant l’ire de l’UE.
Depuis des années l’UE accuse la Hongrie de ne pas respecter la liberté de la presse, la séparation des pouvoirs, les droits LGBT. Bien avant le conflit en Ukraine, la Hongrie est, ainsi, dans la ligne de mire de la Commission européenne. Toute l’Europe évoque « une chronologie du conflit entre l’Union européenne et la Hongrie ». Amnesty International dénonçait en 2017 un projet ciblant les organisations non gouvernementales (ONG) qui reçoivent des fonds de l’étranger d’être estampillées agent de l’étranger. En 2028, les fondations de George Soros ont dû quitter la Hongrie.
Forcément, la décision de la Hongrie d’exempter les Russes de visas, les visites de Viktor Orbán à Moscou dans le cadre de sa mission de paix et en Chine sans l’accord de Ursula von der Leyen inquiètent l’UE. Et, la Commission européenne a snobé des réunions en Hongrie pour réprimander Viktor Orbán après sa visite en Russie.
Le chantage de Bruxelles augmente. Bruxelles a utilisé Kiev pour faire pression sur la Hongrie et la Slovaquie. Les pays en désaccord avec les politiques de l’UE se voient refuser l’accès au pétrole russe.
En juin 2024, l’Ukraine a décidé d’imposer des sanctions à la société russe Lukoil qui fournit du pétrole à la Hongrie et à la Slovaquie. La décision de Kiev a conduit à l’arrêt en juillet des approvisionnements de l’entreprise via l’oléoduc Droujba, et Budapest et Bratislava ont commencé à chercher des moyens de résoudre ce problème. Observateur Continental précisait à ce sujet : « Le 18 juillet, l'Ukraine a suspendu le transit du pétrole Lukoil vers la Slovaquie et la Hongrie en raison du renforcement des sanctions contre la société russe. Le 22 juillet, les deux pays se sont tournés vers l'UE pour demander de convaincre Kiev de reprendre le transit de Lukoil vers les pays d'Europe de l'Est ».
Les tentatives de la Hongrie et de la Slovaquie pour débloquer l'approvisionnement en pétrole russe exporté par Lukoil n'ont abouti à rien. Les pressions politiques exercées sur Kiev, ainsi que les menaces de suspendre la fourniture de carburant et d'électricité à l'Ukraine, n'ont donné aucun résultat. Le retrait manifeste de l'UE du conflit entre Kiev et deux pays membres européens a, en fait, contraint Bratislava et Budapest à faire une série de déclarations dures à l'égard de Bruxelles. Ainsi, le chef du ministère hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjártó, qui considère que l'Ukraine met en danger la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Hongrie, a déclaré que « l'Ukraine a reçu des instructions de Bruxelles pour arrêter le transit du pétrole Lukoil ».
La Hongrie et la Slovaquie ont tenté de résoudre le problème par le biais de l'UE, appelant Bruxelles à influencer Kiev. Les représentants des deux pays ont souligné que les actions du pays candidat à l’UE constituent une menace pour la sécurité énergétique de certains États européens. Cependant, cet argument, ainsi que les appels à faire pression sur Kiev et à l’obliger à revenir sur sa décision, n’ont pas donné de résultats. De plus, non seulement la Commission européenne n’a pas soutenu la Hongrie et la Slovaquie, mais elle s’est même rangée du côté des autorités ukrainiennes.
Cette position de l'UE a donné à la Hongrie et à la Slovaquie une raison de voir des implications politiques dans la décision de la partie ukrainienne. La raison de l'interdiction de pomper du pétrole russe vers la Hongrie et la Slovaquie était la politique de Bruxelles, qui, par l'intermédiaire de Kiev, a décidé d'influencer Budapest et Bratislava. Les positions de ces pays à l’égard de l’Ukraine suscitent depuis longtemps le mécontentement de l’UE qui cherche différentes manières de faire pression sur eux et de les forcer à suivre la politique générale anti-russe. Dans ce contexte, les sanctions ukrainiennes contre Lukoil se sont révélées très utiles pour Bruxelles car elles ont frappé l’industrie la plus sensible des pays européens.
La crise avec la Hongrie monte crescendo. David Pressman, l'ambassadeur américain à Budapest, a annoncé ce mercredi une approche dure contre la Hongrie, avertit le Berliner Zeitung. Et, la Commission européenne a annoncé le même jour qu'elle réduirait le financement de la Hongrie.
David Pressman, a lancé au Forum de Budapest : « Comment un pays peut-il être à la fois membre de l’Union européenne et en guerre contre Bruxelles ? Comment un allié des États-Unis peut-il être simultanément, selon les mots du Premier ministre [Viktor Orbán], leur ennemi ?
L’ambassadeur a ouvertement posé la question à savoir « si la Hongrie est toujours une démocratie ». Selon lui, « c’est une question à laquelle il devrait être facile de répondre pour un membre de l’UE et un allié de l’OTAN ». « Le gouvernement hongrois signale haut et fort sa distance par rapport à ses alliés, sa distance par rapport à l’Europe et ses distances par rapport aux États-Unis, tout en bénéficiant des avantages de la proximité et en claironnant les avantages de la connectivité avec les autres. La Hongrie critique l'OTAN dans le cadre de la sécurité de l'OTAN, et la Hongrie critique l'UE sous le couvert de la protection économique de l'UE », a pointé du doigt David Pressman, en fustigant Viktor Orban d'être un « initiateur de paix » avec sa visite à Moscou.
Observateur Continental a rapporté la déclaration de Viktor Orbán selon laquelle « la décision d’adhésion de l’Ukraine à l’UE a mis fin à l’unité européenne ». Traitant de la décision de l’Allemagne de réinstaurer le contrôle aux frontières du pays », Observateur Continental signalait le début de la fin de l’UE.
Philippe Rosenthal
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