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Laurent Gerra, le misanthrope souriant que le wokisme « emmerde »…

Capture d'écran
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Samedi 26 octobre, Laurent Gerra était l’invité de l’émission Quelle époque !, sur France 2. Le talk-show de Léa Salamé est plutôt connu pour sa connivence avec ce que le monde médiatique compte de plus progressiste et de plus politiquement correct, aussi ne s’attendait-on guère de voir Gerra en cette affaire, pour pasticher La Fontaine. L’imitateur le plus célèbre et le plus populaire de France n’a jamais eu les faveurs du microcosme parisien. Il n’a jamais cherché à se les concilier non plus, d’ailleurs. Entré à la télévision dans les années 90, avec Virginie Lemoine, il faisait d’hilarants détournements de vidéos d’hommes politiques, à l’époque du duel Chirac-Balladur. Ensuite, il exerça ses talents sur Europe 1, puis RTL, qu’il ne quitta plus.

Son goût pour les plaisanteries grivoises (surtout à l’époque où Jean-Jacques Peroni lui écrivait ses textes), joint à un mépris rigolard pour tout ce qui est moderne et à la mode, l’a fait détester par les animateurs en vue et les humoristes subventionnés, dans les années 2000. Et puis, que voulez-vous, les animateurs et les humoristes sont retombés dans un compréhensible anonymat, et Laurent Gerra, lui, a continué de remplir les salles.

Face à Léa Salamé et Christophe Dechavanne, donc, Laurent Gerra est resté lui-même : poli, gentil, authentique, peu soucieux de plaire. Tout ça le rend sympathique en diable. Au naturel, l’imitateur féroce a le faciès labile et détendu de l’acteur bien dans sa peau, prêt à prendre n’importe quel visage. Il venait, d’ailleurs, vendre son nouveau spectacle, mais il a un peu parlé de tout : sa vie de jeune papa quinquagénaire, la façon dont les politiques réagissent bien - ou pas - à ses imitations (Hollande est le plus susceptible, ce dont on ne s’étonnera pas), sa rencontre avec Johnny Hallyday, ses duos avec Aznavour ou Salvador… pour finir par évoquer notre époque.

Dans ce domaine, alors qu’il était entouré par Michel Fugain et Zaho de Sagazan, Laurent Gerra n’a pas mâché ses mots. Peut-être l’attendait-on, d’ailleurs, dans ce registre. « On a le sentiment qu’une minorité emmerde une majorité », a-t-il commencé. Léger coup de frais sur le plateau. Zaho de Sagazan semble exaspérée. « Zaho, c’est le moment où vous vous bouchez les oreilles », sourit Léa Salamé. Gerra, lui, n’en a cure : « Je ne vais pas aller dans le sens du wokisme, du néo-féminisme, de tous les trucs en isme. » Un peu plus tard dans l’émission, on lui reprochera d’être réactionnaire. « Oui, puisque je réagis ! », réplique l’imitateur, qui doit être le premier invité depuis longtemps à renvoyer les mots à leur étymologie. Si Gerra avait été soumis à la tyrannie médiatique pour assurer son succès, on aurait réclamé sa tête. Mais là, le succès populaire, triomphal depuis trois décennies, le préserve des gémonies, et c’est assez plaisant à regarder.

Quelle époque ! était, ce samedi, une sorte de nouveau Tout le monde en parle, cette émission géniale de Thierry Ardisson, à la fin des années 90. Une sorte de dîner mondain postmoderne. Il y avait un ministre des Armées, un chanteur octogénaire mais plein d’énergie, un prêtre défroqué, une jeune chanteuse à succès… et un imitateur populaire. « Deux ou trois ministres, d’aimables clowns, quelques duchesses, pas mal de putes : la qualité française, quoi », dit une adorable ouvreuse, dans Mort d’un pourri, un de ces vieux films géniaux qu’aime Gerra et que plus personne ne regarde. L’aimable clown était probablement le plus malin de la table. Son public ne l’en aimera que davantage. Et on se passera de l’avis des autres.

Arnaud Florac

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