par Karine Bechet-Golovko.
Alors que la Seconde Guerre mondiale est devenue un enjeu géopolitique, devant permettre 75 ans plus tard aux États-Unis, après la chute de l’URSS, de réécrire l’histoire pour devenir les « sauveurs » exclusifs du monde libre, la Russie publie régulièrement des documents d’époque rappelant les faits, rappelant l’histoire. Dernier en dates, un télégramme chiffré rendu public par le Renseignement extérieur prouvant la tentative par les États-Unis et la Grande-Bretagne de signer une paix séparée et de collaborer avec l’Armée nazie, qui devait en contrepartie continuer le combat contre l’armée soviétique. L’Opération « Crossword », appelée « Sunrise » par les Américains, a été connue par les Soviétiques grâce au Renseignement et court-circuitée. Mais cela fait des épisodes peu glorieux, dont les Alliés préfèrent ne pas se souvenir. Et ne pas trop parler. Car, finalement, la collaboration de l’Occident avec les SS était tout à fait acceptable lorsqu’elle servait les intérêts politiques.
À l’occasion des 100 ans du Renseignement extérieur russe, un ouvrage est sorti mettant à disposition du public un certain nombre de documents déclassifiés, notamment en ce qui concerne l’Opération « Crossword » menée par les États-Unis et la Grande-Bretagne au printemps 1945, visant à sortir du jeu, en soutenant l’armée nazie contre les Soviétiques.
Alors que le Renseignement surveillait les tentatives des nazis d’entrer en contact avec les Alliés, au printemps 1945, ce sont les États-Unis, avec le soutien des Britanniques, qui initient en Suisse à Zurich des négociations avec certains représentants de l’armée nazie. Ainsi, le 6 mars 1945, Allen Dulles, qui est à la tête du réseau de renseignement de l’Unité des Services Stratégiques (avant la CIA), rencontre le général SS Karl Wolff, qui commande l’armée allemande en Italie. Il s’agit de négocier une paix séparée en Italie, sans l’URSS. Ce plan est soutenu par Harold Alexander, qui commande l’armée alliée en Italie. Bien que la volonté de se rendre ait été largement surévaluée, des signes avant-coureurs existaient. Notamment, la réserve d’or prise par l’armée américaine à Bruxelles, avait été déposée dans une mine protégée par les nazis, 36 heures avant l’arrivée de l’armée américaine, par le vice-directeur de la Banque du Reich.
Le 12 avril, le Renseignement soviétique informe par télégramme chiffré la direction du pays, et des tentatives de pourparlers séparés visant à cesser les combats en Italie tout en utilisant l’armée nazie pour empêcher l’entrée de l’armée soviétique à Berlin, et des « transferts de fonds ».
Un échange de courriers s’en est suivi entre Staline et Roosevelt, qui d’abord niait les faits, bien que lorsque Molotov ait demandé à ce que l’URSS soit inclue dans ces pourparlers, il ait reçu une fin de non-recevoir. Mais lorsque Staline a fait comprendre que le Renseignement possédait des preuves, la discussion fut close, autant que les tentatives.
Il serait bon que ces éléments soient également diffusés en anglais, français, etc., afin de compenser la propagande active, qui se développe en Occident. Car finalement, la collaboration avec les Nazis n’a jamais été perçue, alors, par les Alliés, comme une ligne rouge à ne pas dépasser. Et l’utilisation, ensuite, des anciens nazis dans le combat contre l’URSS est une preuve, en plus des accords passés avant la guerre.
illustration : Allen Dulles et Karl Friedrich Otto Wolff
source : http://russiepolitics.blogspot.com/