En l’absence de budget voté par l’Assemble nationale, le chef de l’Etat se devait de promulguer une « loi spéciale » permettant à l’Etat de prélever l’impôt et de financer ses dépenses ainsi que celles de la Sécurité sociale. C’est chose faite depuis ce samedi 21 décembre. Cette « loi spéciale » va réduire l’ajustement initialement contenu dans le projet de loi de finances pour 2025. « Sans mesure nouvelle, le déficit public serait entre -6,1 % et -6,4 % du PIB en 2025 », estime l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans une étude.
Le déficit public a atteint 6,1 % du PIB en 2024. Quant au déficit du budget de l’État pour 2014, il s’est s’élevé à 162,4 milliards d’euros. Des chiffres très au-delà des limites fixées par le Pacte européen de stabilité à respectivement 3 % et 60 %. La dette publique de la France, au sens large, dite ‘de Maastricht’ (incluant la dette de l’Etat, de la Sécurité sociale, des collectivités territoriales et des organismes publics), telle que calculée par l’INSEE, atteignait 3 159 milliards d’euros en mars 2024. Sur proposition de la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne a lancé récemment une procédure pour « déficit public excessif » à l’encontre de notre pays. Ce qui pourrait se traduire par une pénalité annuelle égale à 0,05 % du PIB, soit 1,5 milliard d’euros.
La politique budgétaire telle que dessinée dans les projets de loi de finance et de budget de la Sécurité sociale, présentée sous la houlette de l’ancien Premier ministre Michel Barnier, « impliquait une restriction budgétaire de 1,5 point de PIB », ventilée en 0,9 point de « mesures nouvelles en prélèvements obligatoires » et 0,6 point d’« effort sur la dépense publique », estime le centre de recherche économique de Sciences Po Paris.
Mais la censure du gouvernement de Michel Barnier a rendu impossible l’adoption de ces projets de loi, qui prévoyaient notamment 27,1 milliards d’euros de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (dont plus de 20 milliards supportés par les entreprises). Ce montant retombe de 27,1 à 5,8 milliards d’euros. « Si l’abandon du projet de loi de finances est favorable pour les ménages, notamment les plus aisés, le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la fin du bouclier tarifaire devraient peser sur le pouvoir d’achat des ménages, en particulier ceux des classes moyennes », calcule l’OFCE.
En revanche, ses économistes estiment que la loi spéciale pourrait avoir une « impulsion moins négative » sur la croissance et la porter « jusqu’à 1,4 % en 2025 contre 0,8 % » anticipé précédemment. « L’incertitude et l’indécision budgétaire, alimentées par une situation politique sans précédent, pourraient (aussi) jouer dans l’autre sens et ramener la croissance de l’activité à notre prévision pour 2025 (0,8 %) », nuancent-ils.
La « loi spéciale » est « censée être transitoire, le temps d’adopter une loi de finances », rappelle l’OFCE, sans quoi, subsiste un risque de « falaise budgétaire ». Le Premier ministre François Bayrou n’ayant toujours pas annoncé la composition de son gouvernement, la loi de finances pour 2025 est encore loin d’être une réalité.
Les taux d’emprunts de la France sur les marchés internationaux devraient donc connaître de nouvelles tensions à la hausse. La France emprunte aujourd’hui à des taux supérieurs à ceux de la Grèce. La conséquence pour l’État est sévère : la dette, coûtant plus cher, occupe une part de plus en plus importante dans son budget. La charge budgétaire de la dette (« service de la dette ») est de 50,9 milliards d’euros pour 2024, soit 1200 euros pour chacun de quelque 43 millions de foyers fiscaux de notre pays. Cette charge pourrait dépasser les 75 milliards en 2025, compte tenu de l’envolée des taux. L’Etat s’apprête à brader son patrimoine immobilier pour y faire face. Pourquoi pas la Tour Eiffel ou le Musée du Louvre et ses collections ? Rappelons par ailleurs que le budget de la Défense nationale « n’est que » de 47,2 milliards d’euros, dans un monde de plus en plus dangereux…
Les perspectives de croissance n’étant pas au rendez-vous, on ne peut pas espérer une augmentation des recettes fiscales pour couvrir cette charge supplémentaire. On s’oriente donc vers de nouveaux impôts, alors que notre pays est déjà champion de l’OCDE en la matière. Ce sont encore les classes moyennes – en voie de prolétarisation – qui vont trinquer. La France est instable politiquement, a une croissance faible et un déficit très important. En comparaison, l’Espagne, le Portugal et la Grèce ont remonté la pente en 10 ans. Ils ont une croissance bien plus forte, une situation politique plus stable et donc de meilleures perspectives. La classe politique toute entière veut ignorer que seul un radical « choc de la dépense » permettra à la France de sortir de l’ornière.
Y a-t-il un Javier Milei dans l’avion France ? Il semble que non.
Henri Dubost