Alors que l’industrie automobile européenne traverse une crise sans précédent, le président de Michelin, Florent Menegaux, a dressé un constat implacable sur la situation industrielle française et européenne. Auditionné au Sénat, il a dénoncé un environnement fiscal, énergétique et réglementaire délétère qui étouffe la compétitivité des entreprises locales, forçant le géant mondial du pneu à fermer deux usines en France, à Vannes et Cholet, d’ici 2026.
Une Europe paralysée par ses contradictions
« On aime la concurrence », affirme Florent Menegaux, mais celle-ci doit se jouer à armes égales. Or, l’Europe impose à ses industriels des normes draconiennes, des coûts d’énergie exorbitants et une fiscalité accablante, tout en laissant les produits asiatiques inonder son marché sans restrictions. Résultat : produire un pneu en Europe coûte presque deux fois plus cher qu’en Asie.
Avec des coûts énergétiques explosifs — 108 €/MWh pour l’électricité en France contre 16 €/MWh en Amérique du Nord — et une inflation qui alourdit les salaires, l’industrie européenne est au bord de l’asphyxie. « Les règles de la concurrence en Europe sont construites pour favoriser le prix le plus bas, au détriment des industries locales », déplore le dirigeant.
Fermetures d’usines : un signal d’alerte
Les sites de Vannes et Cholet, qui emploient plus de 1 200 personnes, paient le prix de cette politique incohérente. À Cholet, où les coûts de fabrication sont les plus élevés au monde pour les pneus de camionnettes, la fermeture s’impose. À Vannes, spécialisée dans les renforts métalliques pour poids lourds, le faible dynamisme du marché a scellé le sort de l’usine.
Le patron de Michelin a justifié ces choix difficiles en soulignant l’activité économique plus dynamique du bassin morbihannais, facilitant la réinsertion des salariés. Mais ces fermetures ne sont qu’un symptôme d’une problématique plus profonde : une Europe qui favorise la concurrence déloyale des géants asiatiques.
Une industrie pénalisée par la bureaucratie européenne
Florent Menegaux a qualifié l’administration européenne de « cauchemar réglementaire ». Une directive unique devient en pratique 27 réglementations différentes, avec des surenchères locales qui paralysent les entreprises. Ce carcan bureaucratique s’ajoute à une fiscalité punitive : en France, un salarié payé 100 € bruts coûte 142 € à l’entreprise, contre 120 € en Allemagne. « C’est normal que nos salariés râlent », ironise Menegaux.
Face à ces contraintes, Michelin doit se concentrer sur des produits haut de gamme et investir massivement dans la robotisation. Cependant, cette stratégie ne suffit pas à compenser la perte de compétitivité face à des concurrents indiens ou chinois, dont les gouvernements protègent les marchés domestiques tout en inondant l’Europe de produits bon marché.
Menegaux pointe également l’incohérence des politiques européennes : des constructeurs automobiles menacés de 15 milliards d’euros d’amendes pour non-respect des normes sur les moteurs thermiques, des ventes de voitures électriques qui peinent à décoller, et des objectifs environnementaux irréalistes qui étranglent l’industrie.
La France : championne des prélèvements, dernière de la compétitivité
Avec un niveau de prélèvements obligatoires record, la France aggrave le malaise. « Notre dépense publique est trop élevée et inefficace », tranche Florent Menegaux. Tout en saluant des dispositifs comme le crédit d’impôt recherche, il avertit : si ce dernier venait à disparaître, Michelin pourrait relocaliser sa R&D hors de France.
En conclusion, Florent Menegaux a appelé à une stabilisation des règles fiscales, environnementales et réglementaires pour redonner de l’oxygène à l’industrie. « Si l’Europe ne se réveille pas, elle continuera de se désindustrialiser, abandonnant son savoir-faire aux puissances étrangères », alerte-t-il.
Alors que les fermetures d’usines se multiplient, l’Europe et la France doivent choisir : persister dans une politique suicidaire ou redonner à leurs industriels les moyens de relever la tête. Le cauchemar administratif et fiscal ne peut plus durer.
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