Par Philippe Germain
L’idéologie souverainiste russe impacte celle, démocratico-libérale, du Camp du Bien. Au point d’être transformée en « menace existentielle pour l’Europe », par le président de la République. Il ré-utilise la peur ayant fait ses preuves au service de la construction européenne après 1945, où les chars français attendirent vainement l’assaut des forces russes. Aujourd’hui, Emmanuel Macron réactive la peur comme fédératrice des faibles, pour défendre l’Union européenne en perdition mais, en revanche, il se moque des déstabilisations russes visant l’intégrité territoriale française en Outre-Mer.
La crainte de l’idéologie dominante est celle d’une paix en Ukraine mettant en cause l’existence de l’Empire européen. C’est pourquoi, elle préconise une augmentation du budget militaire de 2% à 5% du PIB. Du jamais vu, accompagnée d’accents patriotiques à la limite du mimétisme poutinien. Le Camp du Bien est si impacté par le souverainisme russe qu’il en est réduit à faire du Poutine par anti-poutinisme. Ce mimétisme pourrait aller jusqu’à un semblant d’économie de guerre susceptible de masquer le lamentable échec financier des technocrates de l’État républicain.
Par ailleurs, l’idéologie russe influence le souverainisme gaulliste oscillant autour de 5% aux élections présidentielles. Celui-ci subit une discrète séduction, dissimulée par crainte du terrorisme intellectuel. Une séduction idéologique cohérente avec le dialogue qu’entretint le général De Gaulle avec l’URSS. Un attrait pour le souverainisme russe bien compréhensif chez les héritiers d’un De Gaulle obnubilé par le redressement de l’État, par la nécessité de redonner à la France un exécutif fort et un gouvernement à l’abri des factions mais aussi par son ouverture aux préoccupations sociales. Aujourd’hui fragmenté, le souverainisme gaulliste peut encore se montrer puissant lors de référendums anti-européiste, comme en 1992 et 2005.
Reste également l’impact du souverainisme grand-russe sur les invisibles de la France périphérique et les classes moyennes basses en souffrance identitaire. Actuellement, ils mettent tous leurs espoirs dans un succès présidentiel de Marine Le Pen, dont on ne peut trouver fortuites les concordances idéologiques avec Vladimir Bonaparte Poutine. D’ailleurs, le porte-parole du Kremlin a déploré « une violation des normes démocratiques » pour le coup de force judiciaire réalisé par la République des juges à l’encontre de celle qui avait été reçue par Poutine en 2017 au Kremlin, avant la présidentielle. Le Rassemblement national avait effectué un emprunt auprès d’une banque russe en 2014, suscitant des soupçons sur la volonté du Kremlin de soutenir celle qui s’était élevée contre les sanctions suite à l’annexion de la péninsule de Crimée cette année-là.
Mais que le Rassemblement national trébuche après avoir suscité tant d’espoirs pour la présidentielle et il ne jouera plus le rôle de digue à la colère, voire aux révoltes populaires. Il ne pourra plus continuer à servir de soupape parlementaire au Camp du Bien. Alors, s’ouvrira probablement l’ère des protestations, voire du soulèvement du pays réel contre l’Union européenne derrière un homme providentiel qui émergera ; soit un leader social charismatique, soit un militaire mis devant ses responsabilités. Ce pouvoir « de souche » cherchera à maintenir les migrants dans les tâches subalternes, s’appropriant le monopole du savoir. Il pratiquera, sous la forme démocratique un apartheid de fait, afin de ne pas risquer de perdre le pouvoir politique. Pour subsister, il cherchera alors la tutelle grand-russe, la protection américaine faisant défaut suite au déplacement du monde vers l’Indo-Pacifique. C’est l’un des scénarii envisagés par Pierre Debray dès 1985 dans une revue d’Action française, il y a déjà quarante ans.
https://www.actionfrancaise.net/2025/04/08/combat-royaliste-68/