
L’ouvrage est sorti officiellement le 7 mai et a immédiatement fait parler de lui en mettant en évidence des clivages quelque peu inhabituels.
Écrite par Charlotte Belaïch, journaliste à Libération, et Olivier Pérou, journaliste au Monde, cette enquête de deux ans se base sur plus de 200 interviews et témoignages concordants, sur des documents et des échanges écrits, et montre un parti qui fonctionne en mode autocratique, de manière souvent violente, et sur une logique de clan et d’exclusion.
Radio France a fait le job
Une fois n’est pas coutume, il faut relever que les différentes fréquences de Radio-France ont fait une place au livre et en ont renvoyé une image assez juste.
France culture a reçu les auteurs du livre le 6 mai et tous les aspects du livre ont été évoqués : le système monarchique sectaire, le pouvoir hyper-concentré, le roi sans garde-fous et la cour qui s’agite autour de lui … tout en reconnaissant l’efficacité électorale de ce fonctionnement.
La tonalité est proche sur France info, qui avait reçu Alexis Corbière le 6 mai. Celui-ci a confirmé sobrement le contenu du livre et a décrit LFI comme une machine au service de son chef, où les divergences n’ont pas leur place … tout en continuant de militer pour l’union de la gauche.
France info donnera par ailleurs la parole à des militants LFI qui louent la personne de Jean-Luc Mélenchon et expliquent qu’il est attaqué parce que seul capable de s’opposer à l’extrême droite.
France Inter a reçu le 6 mai les auteurs du livre qui ont pu développer librement leurs thèses. Et comme pour équilibrer les propos, France Inter se fera l’écho dès le lendemain des propos de contre-attaque de Manuel Bompard et de Mathilde Panot.
Dans ces trois cas, nous sommes loin d’un réquisitoire contre LFI ; les auteurs du livre ont pu s’exprimer librement, mais les journalistes ont pris soin de garder une certaine distance, tandis qu’un espace était aussi accordé à la riposte de LFI.
En somme, il s’agit d’une présentation prudente, mais en définitive équilibrée. Comme il serait appréciable que cette neutralité dans le traitement de l’information soit de mise sur ces antennes sur tous les sujets !
Une partie de la presse de gauche a accueilli la sortie du livre
Certains titres de gauche sont sur la même longueur d’onde et ont donné une certaine résonance à la sortie du livre.
Pour ne citer que les journaux dont sont issus les auteurs, Libération a publié dés le 5 mai un édito intitulé « chez LFI, l’inquiétante dérive autocratique du patron Mélenchon » et a mis en ligne le 9 mai une discussion approfondie avec Charlotte Belaïch et Olivier Pérou sous la forme d’un podcast intitulé « Les dessous du système Mélenchon ».
Dans un souci d’équilibre, Libération s’est aussi fait l’écho de la contre-attaque de LFI, notamment sous la forme d’un article daté du 6 mai : « Ragots et mensonges, Mathilde Panot réagit à la sortie du livre sur le système LFI ».
Dans le même esprit, Le Monde avait dévoilé dés le 4 mai, en avant-première donc, quelques extraits choisis du livre.
Des alliés gênés aux entournures
Ainsi du journal l’Humanité, qui se montre quelque peu confus et embarrassé. Après avoir évoqué certains épisodes du livre, mais aussi repris les arguments de riposte de Mathilde Panot et Manuel Bombard, le lecteur sera surpris de lire ceci : « C’est l’un des défauts de la séquence médiatique ouverte par le documentaire de Complément d’enquête et la Meute. Ces travaux journalistiques seront instrumentalisés pour cornériser la France insoumise à l’approche du congrès du Parti socialiste en juin, et esquiver ainsi les débats de fond sur les stratégies d’alliances et les orientations politiques à gauche ».
Pour l’Humanité, il semble donc que certains travaux doivent être enterrés pour éviter toute instrumentalisation ! Quant à la volonté de ne pas « esquiver ainsi les débats de fond sur les stratégies d’alliances et les orientations politiques à gauche », cela signifie en langue communiste que l’union de la gauche doit être préservée quel qu’en soit le prix.
Fabien Roussel avait pourtant eu une réaction plus claire en comparant LFI à « une secte sous l’emprise d’un couple » (Le Monde, le 6 mai). Mais, les journalistes de l’Humanité parle un autre langage et, tout comme les insoumis, ils semblent considérer que la fin justifie les moyens.
Il est tout aussi instructif d’écouter Marine Tondellier, invitée de France 2 le 7 mai. A défaut d’idées ou de propositions écologiques, celle qui a construit son petit fonds de commerce sur l’union de la gauche sauce Nouveau Front Populaire cherche à relativiser et à minimiser les révélations du livre. Elle déclare ainsi : «Il est net que les écologistes ont fait un choix différent de fonctionnement, de méthode, de style et d’état d’esprit». Comme si les dérives constatées relevaient juste d’un simple choix de fonctionnement de parti !
Mais surtout, Marine Tondelier pointe la «stratégie de diversion qui consiste à dire que le mal incarné en France, c’est Mélenchon et LFI».
Ces réactions en disent long sur l’attraction forte, mêlée probablement à une certaine forme d’intimidation, que la puissance militante de LFI exerce sur ses alliés.
Les irréductibles satellites de LFI
Sans surprise, les médias d’extrême gauche jouent la victimisation ou s’insurgent, sans beaucoup d’imagination.
Le club de Médiapart, l’espace mis à disposition des abonnés, introduit ainsi le lien vers l’émission de France info : La meute : l’occasion de comprendre la détestation de LFI dans la presse ? France Info fait la promotion d’un ouvrage sur le fonctionnement de LFI. Ce livre interroge autant sur la presse que sur Jean-Luc Mélenchon ou LFI. La publication de cette enquête donnera-t-elle l’occasion de connaître les causes d’une détestation assez unanime de ce mouvement dans la plupart des médias, sans que cette détestation ne soit jamais clairement expliquée ni motivée ?
On ne saurait mieux jouer la victimisation pour éviter les vrais sujets.
Par ailleurs, le club de Médiapart prolonge le débat en renvoyant vers un article du média d’extrême gauche Acrimed, qui va plus loin dans le journalisme militant et dans la victimisation de LFI et de la gauche.
Dans cet article intitulé « Mélenchon, les journalistes politiques chassent en meute », Maxime Friot s’efforce d’accréditer la thèse d’une mobilisation générale des médias contre LFI, en considérant que « La meute » bénéficie « d’un tapage-sur-mesure converti en événement de première importance », tandis que les dénonciations de Mélenchon seraient un genre « très prisé et fort rentable, qui ouvriraient un droit automatique à défiler des plateaux audiovisuels aux unes des journaux », et qui seraient « dans l’air du temps ; celui d’une diabolisation sans fin de la gauche ».
Enfin, dans les blogs et les petits médias d’extrême gauche, plusieurs intervenants se plaisent à souligner que Charlotte Belaïch est proche de l’aile droite du Parti Socialiste et que la sortie du livre viserait à peser sur le prochain congrès du PS prévu en Juin.
Un an plus tôt sur le même sujet
En avril 2024, Eric Naulleau avait déjà écrit un livre sur le thème des dérives de LFI, « la république c’était lui ! Grandeur et déchéance du camarade Mélenchon ».
L’ouvrage de l’essayiste, qui décrit l’histoire du naufrage et du reniement de ce camp idéologique, n’avait pas bénéficié à l’époque de la même couverture médiatique, loin s’en faut.
Faut-il donc qu’un ouvrage soit écrit par des journalistes de gauche pour avoir droit de cité dans les médias mainstream ?
Un dernier indice montrant que ce livre n’est pas sans impact ? Le 14 mai lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Bétharam, François Bayrou a cité « La Meute » en s’adressant au député LFI Paul Vannier : «Je connais parfaitement votre méthode … elle est exactement décrite dans cet excellent livre dans lequel vous êtes cité … vous ne cherchez pas la vérité, vous la déformez tout le temps ».
Francesco
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