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Général Burckhard : le Colin Powell français ?

Capture d'écran Présidence de la République
Capture d'écran Présidence de la République
« Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Poutine qui a dit "la France est mon adversaire principal en Europe". » Celui qui a dit que « Poutine a dit » n’est autre que le général d’armée Burkhard, chef d’état-major des armées (CEMA), c’est-à-dire l’autorité militaire chargée de l’emploi des forces et du commandement de toutes les opérations militaires et le conseiller militaire du gouvernement. Cette phrase, le CEMA l’a prononcée lors de sa conférence de presse de la semaine dernière, que nous avons d’ailleurs évoquée dans notre édito de dimanche.

La France, cible principale de la Russie

Le général Burkhard répondait, à la fin de cette conférence de presse, à cette question précise de la journaliste Noemie Bisserbe, du Wall Street Journal : « Pourquoi dites-vous que la France est devenue la cible principale de la Russie en Europe ? Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, la France fait face à une menace plus grande que ses voisins européens ? » Effectivement, au cours de son très complet exposé sur les menaces pesant sur la France et l'Europe, le CEMA venait de déclarer : « La Russie a désigné la France comme son premier adversaire en Europe. » Conférence de presse, rappelons-le, assez inédite, qui avait pour but de préparer le terrain d’Emmanuel Macron en vue de son adresse aux armées – et en fait aux Français –, le 13 juillet soir. En entendant ces mots, nous n'avions pas vérifié leur authenticité. Pourquoi ? Peut-être, un peu, par une sorte de paresse intellectuelle dominicale. Mais aussi parce qu’elle n’était pas le cœur de notre sujet. Et puis, surtout, parce que cette phrase a été prononcée, non pas par un politique, mais par un militaire, qui plus est la plus haute autorité militaire de l’institution. Mal nous en a pris ! Poutine n’a jamais dit « La France est mon adversaire principal ». Leçon principale : il faut vérifier ses sources !

 

Poutine n'a jamais dit ça...

Jean-Dominique Merchet, journaliste à l’Opinion, spécialiste reconnu des questions stratégiques et internationales et dont l’honnêteté intellectuelle est incontestable, a fait le boulot : « Vérifications faites, y compris auprès de l’état-major français, il n'existe, sauf erreur de notre part, AUCUNE déclaration de Poutine dans ce sens. » Auprès de Merchet, l’état-major des armées a expliqué, comme le rapporte le site de TF1, qu’il s’agit d’« une figure rhétorique » et que le CEMA a employé le nom « Poutine » pour dire « la Russie ». Mouais. Sauf que la figure rhétorique est tout de même un peu bancale : si Poutine est la Russie, le CEMA, nonobstant ses qualités de grand serviteur de la France, n’est pas la France.

Abus de langage ?

Jean-Dominique Merchet, dans sa tentative honnête d’expliquer la déclaration du CEMA, écrit sur X : « Le chef d'état-major semble s'être inspiré d'un récent sondage VTsIOM auprès de la population russe (mai 2025) indiquant que la France (48 %) est le pays qui entretient les relations les plus tendues et hostiles avec la Russie, devant le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Ukraine (sic) et les États-Unis. » Pourquoi pas. Que ces propos sont « un raccourci, un abus de langage, pour dire que la Russie considère la France comme une puissance hostile ». Partons pour le raccourci et l’abus de langage et tombons d’accord, aussi, sur le fait - n’en déplaise aux poutinolâtres - que la Russie est tout sauf une puissance amicale vis-à-vis de la France. Un seul exemple : la Russie a largement profité de la politique erratique de la France en Afrique pour y étendre son influence au détriment de notre pays.

Il n'empêche, la Russie n'est pas un Bisounours

Donc, Poutine n’a pas dit « la France est mon adversaire principal en Europe ». Certes, mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faudrait pas voir la réalité. Et la réalité, c’est que dans un monde où le fait accompli de la force l’emporte désormais sur le droit international (a-t-il jamais prévalu ?) que les vainqueurs de 1945, sous l'égide des États-Unis, avaient tenté d’instaurer vaille que vaille, il faut voir la Russie telle qu’elle est et non pas telle que nous voudrions qu’elle soit : un ours n’est pas un Bisounours ! Et, donc, en tirer les conséquences au plan de notre défense.

Maintenant, avouons que la phrase du CEMA ne peut pas ne pas semer le trouble alors que, tous les jours, on nous parle de manipulation des opinions publiques, de « fake news », que la parole des acteurs publics est passablement démonétisée. Et le CEMA, directement subordonné au politique, est l'un de ces acteurs. Comparaison n'est pas raison et les circonstances sont complètement différentes, mais on se souvient trop des propos de Colin Powell, secrétaire d’État américain à la Défense, ancien chef d’état-major des armées américaines, alter ego de notre CEMA, qui, à la tribune de l’ONU en 2003, avait exhibé sa petite fiole d’anthrax (en fait, d’intox !) pour justifier l’entrée en guerre contre l’Irak. Comment, alors, pouvait-on ne pas croire un général...

Georges Michel

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