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Procès du chauffard qui a tué Quentin Gobet : « Le temps de l’indulgence est terminé »

© BVoltaire
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Les yeux rivés vers l’entrée des prévenus. Ce 16 juillet, une brise légère vient rafraîchir l’ambiance tendue qui pèse sur l’un des prétoires du tribunal judiciaire de Niort. Les magistrats sont appelés à juger El Hadji S., un jeune homme de nationalité française, né au Sénégal et accusé d’avoir tué Quentin Gobet, un rugbyman prometteur, et blessé plusieurs autres personnes, dont un enfant de trois ans, dans un dramatique accident de la route.

Philippe Gobet, le père de Quentin, patiente dans la salle d’audience. Debout, bras croisés, il ne quitte pas des yeux l’entrée des prévenus, encore vide. Derrière lui, Christine, son épouse, le soutient d’une main discrète posée sur l’épaule. Assise sur le banc des parties civiles, la fiancée de Quentin, les yeux rougis, ne cache pas ses larmes. Dans quelques instants, ils feront tous les trois face à celui qui leur a arraché Quentin. Peu à peu, la salle se remplit et devient bientôt trop exiguë. Des jeunes, amis de Quentin et de sa fiancée, prennent place, légèrement intimidés par le décorum du tribunal. Des rugbymen se serrent sur les bancs étroits pour marquer leur soutien à la famille de leur ancien coéquipier. Des dizaines de personnes, proches et anonymes, n’auront pas accès à la salle. Mais plutôt que de quitter les lieux, ils décident de rester debout, dans l’embrasure de la porte.

Six mentions au casier judiciaire

La sonnerie retentit. El Hadji pénètre dans la salle d’audience. Tête baissée, les épaules rentrées, il ne voit pas le regard dur et triste que lui adresse Philippe Gobet. Le juge ouvre l’audience par un rapide rappel des faits qui renvoie brutalement les parties civiles au 13 septembre 2024. Ce jour-là, en début de soirée, à Niort, Quentin Gobet patiente au volant de sa voiture à un feu rouge avec sa fiancée. Derrière lui, une autre voiture est à l’arrêt. Dans un dernier véhicule, une mère entonne des comptines avec son petit garçon de trois ans. Soudain, un « bolide » fonce à plus de 110 km/h - la route est pourtant limitée à 50 km/h - sur une première voiture qui se retrouve projetée sur une dizaine de mètres. La BMW poursuit sa funeste course, passe au-dessus d’un remblais et vient violemment s’encastrer dans le véhicule de Quentin. Le choc est tel que la ceinture du jeune rugbyman ne permet pas de le protéger. Il souffre de multiples et graves traumatismes et s’effondre inconscient sur les genoux de sa fiancée. Il décèdera quelques instants plus tard. Dans les autres véhicules, les passagers sont blessés - ils se verront prescrire entre 5 et 45 jours d’ITT [incapacité totale de travail, NDLR]. Mais alors que la fiancée de Quentin hurle de détresse, El Hadji, qui conduisait la BMW, prend la fuite. Il sera interpellé à son domicile quelques heures plus tard, ivre.

El Hadji n’est, sans surprise, pas inconnu des services de police. Son casier judiciaire comporte déjà six mentions. En 2014, alors qu’il est âgé de seulement 16 ans, il est ainsi condamnée par le tribunal pour enfants pour conduite sans permis. Il récidivera quelques années plus tard. Il est également plusieurs fois condamné pour des affaires de stupéfiants, dont une fois, en 2021, à un an de prison pour violences aggravées et transport de stupéfiants. En détention, il est à nouveau condamné pour détention d’un mini téléphone portable. Et en 2023, il est encore condamné à six mois de sursis probatoire pour conduite sous l’empire de stupéfiants.

Colère et tristesse des parents

« Vous êtes un lâche ! » Face à l’homme qui a tué son fils, Christine Gobet ne fléchit pas. « Quentin a été tué parce que vous avez fait volontairement une série de choix », souligne cette mère endeuillée, qui ne recevra plus jamais les appels de son fils. El Hadji a en effet pris le volant malgré une importante fatigue, a choisi délibérément de dépasser les limitations de vitesse et de prendre la fuite après l’accident. « Vous avez abandonné Quentin. Vous avez tourné le dos à l’humanité. C’est indigne », conclut-elle, devant son mari ému. Philippe Gobet n’en pense pas moins. « Je n’accepte pas vos excuses parce que vous êtes un lâche. Vous êtes un pauvre type », commence le père de Quentin qui, à la barre, pleure sur les débriefings des matchs de rugby qu’il ne partagera plus jamais avec son fils cadet. « En juin 2024, Quentin n’osait pas tenir sa nièce [qui venait de naître] dans ses bras car il la trouvait trop petite. Il disait qu’il la prendrait dans ses bras la prochaine fois. Il n’y aura pas de prochaine fois… », poursuit cet homme, ancien premier ligne au rugby, la voix brisée par l’émotion. Et dans un texte lu par son père, le frère de Quentin, qui n’a pas souhaité assister au procès, car il refuse de « croiser le regard » du prévenu, pleure sur cette « chaise qui sera toujours vide aux repas de famille ».

Un homicide routier

Face à ce deuil impossible, Philippe Gobet demande aux juges « une peine exemplaire »« Je n’attends pas que ce procès me rende mon fils. […] Mais la Justice a le devoir d’écarter cet individu dangereux de la société. » « Il aurait dû être en prison le jour de l’accident. Notre fils a été sacrifié par un excès d’indulgence [des juges] », s’agace le père de Quentin.

Face à cette famille discrète et respectueuse des règles, « qui n’intéresse pas grand monde », El Hadji apparaît aux antipodes. Au cours de son audition avec le juge, le ton monte rapidement. « Je suis pas un délinquant ! Que vous ne m’aimiez pas, je m’en fiche, je suis là pour la famille », s’agace l’accusé, qui opte pour des réponses laconiques. Le prévenu plaide ensuite le « trou noir » et le choc pour expliquer son délit de fuite. « Chef, j’ai pas vu ce qu’il s’était passé. J’ai juste vu les dégâts matériels. J’aurais vu, je ne serais jamais parti. Je ne suis pas mauvais, je suis humain, chef », poursuit-il avec insolence. Mais confronté à ses actes lors du procès, il assure vouloir « assumer ».

Les avocats des parties civiles refusent de croire à la théorie du « trou noir ». Ils plaident pour que la Justice envoie un « message ferme »« Il a eu plusieurs chances et il n’en a rien fait. Le temps de l’indulgence est passé », développe ainsi l’un des conseils. « Ce n’est pas un incident comme l’a dit le prévenu. Ce n’est pas de la malchance. La malchance, c’est un arbre qui tombe sur une voiture. Là, c’est un concours d’imprudences volontaires », abonde le conseil des parents de Quentin. La procureur requiert une requalification des faits en homicide et blessures routières, au lieu d’homicide involontaire et blessures involontaires.

Une première, depuis la promulgation de la loi sur l’homicide routier, le 9 juillet dernier. Elle réclame, par ailleurs, huit ans d’emprisonnement et dix ans d’interdiction de permis de conduire. Pour la première fois en France, les juges retiennent la qualification d’homicide routier, une première (ou presque) en France. El Hadji S. est condamné à sept ans de prison ferme. À cela s’ajoute la révocation d’un précédent sursis probatoire de six mois. Il lui est interdit de repasser son permis de conduire pendant huit ans. Il lui reste la possibilité de faire appel.

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