Je pense que l'objectif du président Poutine, en rencontrant Donald Trump, est d'obtenir l'engagement des États-Unis à mettre fin à leur soutien à l'Ukraine. Est-ce un objectif réaliste ? Non. Mais c'est un objectif légitime, car Poutine ne veut pas que la guerre dégénère en une conflagration mondiale. Je pense également que Trump et son équipe de conseillers à la sécurité nationale, aveuglés par l'illusion, croient sincèrement que la Russie a subi des pertes massives et est au bord du désastre économique. Comme je l'ai souligné dans de précédents articles, ces deux hypothèses sont totalement erronées.
Je ne prétends pas savoir ce que pense Vladimir Poutine, ni connaître sa motivation pour accepter de rencontrer Donald Trump en Alaska le vendredi 15 août. Je note que la date est importante car elle marque le jour de 1945 où l'empereur Hirohito a annoncé la capitulation inconditionnelle du Japon, mettant ainsi fin à la guerre dans le Pacifique.
L'Union soviétique joua un rôle décisif en faisant pression sur le Japon pour qu'il mette fin à la Seconde Guerre mondiale en lançant une invasion massive des territoires japonais en Mandchourie et en déclarant la guerre au Japon le 8 août 1945, deux jours après le bombardement atomique d'Hiroshima. Joseph Staline tint la promesse faite au président Roosevelt lors de la conférence de Yalta en février 1945. Cette action anéantit les espoirs du Japon d'utiliser Moscou comme médiateur pour négocier la paix et menaça d'un effondrement militaire total en ouvrant un nouveau front écrasant. Les avancées soviétiques furent rapides et dévastatrices, révélant l'impuissance du Japon au nord et semant la panique parmi les dirigeants japonais.
De nombreux historiens affirment que l'attaque soviétique a pesé autant, voire plus, que les bombes atomiques dans la décision du Japon de capituler. Les décideurs japonais avaient auparavant considéré la neutralité soviétique comme essentielle à toute capitulation négociée ; ce revirement soudain a laissé sans espoir une résistance persistante et a fait peser le risque d'une occupation par les forces communistes. Je ne serais pas surpris que le président Poutine rappelle à Donald Trump cette coopération passée, à savoir que les États-Unis et la Russie ont toujours œuvré ensemble pour la paix.
Je pense que l'objectif du président Poutine, en rencontrant Donald Trump, est d'obtenir l'engagement des États-Unis à mettre fin à leur soutien à l'Ukraine. Est-ce un objectif réaliste ? Non. Mais c'est un objectif légitime, car Poutine ne veut pas que la guerre dégénère en une conflagration mondiale. Je pense également que Trump et son équipe de conseillers à la sécurité nationale, aveuglés par l'illusion, croient sincèrement que la Russie a subi des pertes massives et est au bord du désastre économique. Comme je l'ai souligné dans de précédents articles, ces deux hypothèses sont totalement erronées. Je suis convaincu que Poutine tentera d'expliquer à Trump la véritable situation sur le terrain en Ukraine et renforcera la position de longue date de la Russie : il ne s'agit pas d'une guerre territoriale avec l'Ukraine, mais d'une guerre par procuration avec l'OTAN.
Bien que j'aie réprimandé Poutine – le comparant à Charlie Brown –, je pense que le président russe comprend parfaitement la duplicité et la malveillance de l'Occident, en particulier des États-Unis. Au cours des 25 dernières années, Poutine a été maintes fois repoussé dans sa tentative d'adhésion à l'OTAN et ignoré dans ses avertissements à l'Occident de mettre un terme aux efforts d'intégration de la Géorgie. Il a sagement tenu la Russie à l'écart d'une confrontation militaire directe avec l'Occident après le coup d'État de février 2014 en Ukraine, soutenu par l'Occident, tout en continuant à tenter de conclure un accord avec l'Occident répondant aux préoccupations de la Russie en matière de sécurité. Il y a eu ensuite le rejet par les États-Unis, en janvier 2022, du projet de traité de Poutine pour un accord de sécurité qui aurait mis fin à l'expansion de l'OTAN vers l'Est.
Poutine a été vivement critiqué en Russie pour sa décision de retirer les forces russes de la région de Kiev fin mars 2022, signe de la volonté de Moscou de conclure un accord de paix avec l'Ukraine – accord qui aurait laissé l'Ukraine dans le Donbass. Pourtant, Poutine n'a pas hésité à ordonner la mobilisation des réservistes en septembre 2022 et le recrutement de 120 000 nouveaux soldats. C'est à ce moment-là qu'il a compris que la Russie devrait exercer une pression militaire accrue pour écraser les ambitions occidentales.
Mon point principal est le suivant : je pense que Poutine comprend parfaitement la menace occidentale, mais il sait aussi que la puissance militaire russe s’est considérablement accrue au cours de l’Opération militaire spéciale. Ce n’est pas seulement la croissance de l’armée russe qui a renforcé la confiance de Poutine ; c’est aussi le fait que la Russie a surpassé tout ce que l’Occident peut produire en termes de missiles hypersoniques, de drones, de production de chars, de fabrication d’artillerie et d’obus, de bombes FAB et de guerre électronique.
Poutine comprend parfaitement que la demande urgente de Trump d'une rencontre en face à face est la conséquence directe de la crise qui secoue l'Ukraine et l'OTAN. Les forces russes ne montrent aucun signe de ralentissement ni de retenue en prévision du sommet prévu vendredi en Alaska.
Je ne peux pas exclure que Zelensky, avec le soutien total de ses anciens alliés européens, tente de lancer une frappe militaire d'envergure contre la Russie avant vendredi. Si cela se produit, et que des dommages importants sont infligés à la Russie, le sommet risque d'être avorté, à moins que Donald Trump ne condamne fermement l'action ukrainienne et ne réduise immédiatement son soutien à l'Ukraine. Une attaque réussie sans condamnation de Washington serait perçue en Russie comme un nouvel acte de duplicité américaine et une confirmation supplémentaire de l'absence de volonté sérieuse des États-Unis de mettre fin à la guerre. À ce moment-là, Vladimir Poutine décidera qu'il n'y a pas d'autre alternative qu'une victoire militaire imposée par la force.
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