Lundi prochain, François Bayrou se soumettra à un vote de confiance qu’il est quasiment sûr de perdre. Y aura-t-il dissolution dans la foulée ? Les partis sont tous sur le pied de guerre. État des lieux.
Quelle mouche a-t-elle bien pu piquer François Bayrou ? Les commentateurs de la chose politique se perdent en conjectures, tant cette décision semble avoir été aussi improvisée que la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, l’année dernière. On connaissait les « Mozart de la finance » ; bienvenue aux Beethoven de la stratégie, façon Bach-2. Et comme si les Français n’étaient pas assez énervés, le Premier ministre est longuement intervenu à la télévision, ce dimanche 31 août au soir. Choisir la veille de la rentrée des classes pour mieux préparer sa sortie ; encore une autre idée de génie.
François Bayrou y est à son zénith. Cinq phrases quand une aurait suffi, dix mots au lieu de deux, une diction hésitante, à peu près aussi véloce qu’une moule lancée à grand galop, une mine fatiguée : bref, une sorte de Joe Biden à la mode de chez nous. Voilà pour la forme. Le fond est tout aussi calamiteux, sachant que si la France ne se porte pas au mieux, c’est évidemment la faute des Français en général, des boomers en particulier. Ben, tiens.
Le Rassemblement national toujours en tête des sondages
Du coup, les états-majors politiques sont tous sur les starting-blocks, tant une éventuelle dissolution demeure une hypothèse présente dans nombre d’esprits, Édouard Philippe, ancien locataire de Matignon, la tenant même pour « inéluctable ». Sans surprise, l’institut Elabe se penche donc illico sur la question. Ainsi, à en croire cette enquête réalisée le 31 août dernier, le RN et l’UDR d’Éric Ciotti feraient largement la course en tête, avec 31 % des suffrages. Le grand perdant de ce scrutin serait LR, avec seulement 10,5 %, tandis que le bloc Ensemble (Renaissance et ses alliés du Modem et d’Horizons) plafonnerait à 14 %.
Et la gauche ? Là, ça se complique. Si elle va unie à la bataille, socialistes, communistes, écologistes et mélenchonistes pourraient compter sur 23,5 % des voix. Mais si elle s’y rend en ordre dispersé, PS, PC et Verts devraient se contenter de 16,5 %, contre… 10 % pour LFI. Autant dire que ça doit carburer velu sous le crâne des chefs à plumes.
Pourquoi Marine Le Pen ne votera pas la confiance
Du côté Jordan Bardella et Éric Ciotti, on voit arriver cette possible échéance sans trop s’inquiéter. François Bayrou était persuadé pouvoir compter sur le groupe RN et UDR, Marine Le Pen ayant, à huit reprises, refusé de voter la censure contre l’actuel gouvernement, comme si elle avait décidé de, malgré tout, lui laisser sa chance. Le Rassemblement national n’ayant manifestement pas été payé en retour pour sa bonne volonté, ce sera donc l’option du bouton rouge. Mais il est vrai que d’autres enquêtes d’opinion réalisées la semaine dernière par Toluna-Harris Interactive et l’Ifop révèlent que l’électorat lepéniste est le plus acharné à vouloir faire tomber François Bayrou : 89 % selon le premier institut et 86 % à en croire le second. Un pourcentage qui dépasse largement la moyenne nationale, estimée entre 63 et 68 %. Entre rassurer un électorat modéré qui ne lui est pas forcément acquis et donner satisfaction à son socle électoral, il fallait donc choisir. Voilà qui fait.
Le bloc central à court d’arguments…
Du côté du bloc central, à part gérer la pénurie électorale, on va avoir du mal à occuper ses journées. Le seul argument qui lui reste : nous ou le chaos. Mais comment faire croire aux Français que si le RN et ses alliés s’installaient à Matignon, ce serait la gabegie financière, la violence dans les rues, l’effondrement du niveau scolaire, la déferlante migratoire et l’apocalypse pour demain, cachet de la Poste faisant foi ? Car voilà qui ressemble bigrement au bilan de décennies de pouvoir du même bloc ; celui du « cercle de la raison » et de « la bonne gouvernance ».
Chez les LR, que choisir ? S’arrimer au bloc en question ou suivre le chemin tracé par Éric Ciotti ? Dans un cas comme dans l’autre, cela équivaudrait à hâter sa disparition. On notera que pareille interrogation doit aussi tarauder le Parti socialiste : courir après Jean-Luc Mélenchon ou rallier le Titanic macronien ? Pour le moment, Olivier Faure a annoncé qu’il ne voterait pas la confiance. Mais après ?
Après, c’est tout le dilemme des « forces de progrès », Jean-Luc Mélenchon étant aujourd’hui ce qu’un Jean-Marie Le Pen fut à la fin du siècle dernier : un épouvantail à moineaux qui ne pouvait pas gagner, mais était capable de faire perdre tel ou tel de ses adversaires.
Pourquoi la gauche sait s’unir et pas la droite…
Pour l’instant, les noms d’oiseaux volent bas au sein de ce qui demeure du Nouveau front populaire. Nonobstant, il n’est pas écrit que tout ce joli petit monde ne finisse pas par se rassembler. Ça, la gauche sait faire. Elle sait d’autant plus le faire qu’elle ne craint guère l’opprobre médiatique, sachant qu’elle en est l’historique gardienne, fixant les alliances qui doivent se conclure et celles qui ne le doivent pas. En ce sens, notre droite n’est pas « la plus bête du monde », tel que souvent prétendu ; seulement la plus lâche, qui « préfère perdre les élections plutôt que son âme », tel que jadis annoncé par Michel Noir, le grand corniaud qu’on sait, et espoir du chiraquisme du siècle dernier.
La situation est d’autant plus trouble que le nouveau « front républicain » susceptible de sortir du chapeau progressiste n’a plus rien d’une assurance-vie. Ainsi, toujours selon l’enquête d’Elabe, ce « front » serait désormais rejeté par 57 % des sondés (31 % de ceux d’Ensemble et 19 % de leurs homologues du NFP). « L’antifascisme » ne paie plus.
https://www.revue-elements.com/vers-une-dissolution-comment-les-partis-politiques-sy-preparent/