A l’heure des crises, l’Europe est plus que jamais un sujet brûlant. Nombreux sont les Européens à se poser des questions : pourquoi cette Europe pour laquelle on ne cesse de voter, ne nous protège-t-elle pas ? Pourquoi est-elle ouverte aux grands vents du libéralisme quand de nombreux pays, dont la Chine et les USA, usent et abusent d’un protectionnisme sélectif ? Pourquoi l’Europe ne protège-t-elle pas mieux ses emplois et pourquoi ne pèse-t-elle pas autant qu’elle le devrait sur l’échiquier géopolitique mondial ? Car, ce sont bien « les autres » qui ont, semble-t-il, plus besoin de nous que nous d’eux. Mais le masochisme qui infeste nos classes dirigeantes et le milieu intellectuel « bobo » qui sert de baromètre moral, imposent aux peuples des réponses qui vont à l’encontre de leurs souhaits et de leurs intérêts. Le drame des peuples est qu’ils sont passifs par essence et ne se révoltent que par intérêt.
Il n’en reste pas moins vrai qu’il faut aussi tenir compte du poids de l’histoire. Les traités de Westphalie, en 1648, inaugurent un nouvel ordre européen qui consacre la division de l’Allemagne et la réorganisation de l’Europe centrale, dont la France tire grand profit. Puis viendra Napoléon qui redessinera à sa manière la géographie européenne.
De cette histoire, que retenir ? Que c’est la guerre – même celles très démocratiques de 1914 et 1940 – qui a fondé l’Europe et l’a contrainte à innover sans cesse. Certes, la Renaissance a initié le processus créatif, pas seulement dans les arts et lettres, mais tout autant dans les sciences et les techniques qui seront au service de la guerre.
C’est bien le conflit qui a consacré une Europe qui existait bien avant 1789. Le conflit est au cœur de l’âme européenne. Raison pour laquelle Bruxelles est aussi un champ de bataille, avec au centre du dispositif, une Allemagne unifiée. Loin de nous l’idée de nous en plaindre. Mais, là encore, l’histoire pèse de tout son poids, car toute la géopolitique des grandes nations européennes a toujours consisté à empêcher l’unification des Allemands par craindre d’une guerre.
Ce n’est donc pas un hasard si l’Allemagne d’aujourd’hui, véritable « heartland » européen, est devenue l’arbitre d’un continent constitué d’Etats aux statuts disparates. La guerre s’est transposée sur le plan économique et cette bataille-là, à l’heure de la mondialisation, nécessite pour la gagner une unité capable de dépasser les égoïsmes nationaux. De convaincre les uns et les autres qu’on a tout à gagner d’un protectionnisme sélectif qui protège nos emplois et plus encore notre génie créatif au sein des centres d’innovation et de recherches. Car nous sommes loin de manquer d’atouts. Et regarder à l’Est, en devenant un partenaire de la Russie dont l’imperium est inscrit dans les gènes. Sauf que tout cela nécessite une vraie mutation génétique des politiques qui nous dirigent. Et là, c’est pas gagné ! Dans cette attente, l’Europe continuera de se nourrir de ses conflits internes. Pour le plus grand bonheur du capitalisme libéral.