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L’enseignement supérieur en faillite

 

 
L’université française naît au XIIIe siècle, sur l’initiative des princes, comme d’ailleurs dans tout le reste de l’Europe, d’abord à Paris, Montpellier, Toulouse puis Avignon et Orléans. Son rôle, dès l’origine, est politique, comme en témoigne le chancelier de l’Université de Paris, Jean Gerson, dans un discours prononcé devant la cour en 1405 : « L’office de la fille du roi [i. e. l’université de Paris] est de traiter et d’enseigner vérité et justice […] Et si d’aucuns disent de quoi se veut-elle entremettre et mêler ? Qu’elle s’occupe à étudier et regarder ses livres ! […] Que dirait tout le bon peuple de France, que l’université exhorte tous les jours à l’obéissance au roi et aux seigneurs, si elle ne disait tout aussi bien que le roi doit se comporter avec bonté, justice et raison envers son peuple ? […] Mais enfin, l’université ne représente-t-elle pas tout le royaume de France, voire tout le monde, en tant que toutes parts lui viennent ou peuvent venir des étudiants pour acquérir sagesse et savoir ? »
L’université royale a l’ambition d’enseigner les vertus morales et et intellectuelles nécessaires à l’excellence humaine. Elle n’est pas simplement le conseiller du prince, mais aussi un accès à l’universel, tout en occupant une fonction représentative du peuple français dans son entier. Le peuple français, dans ce qu’il a de meilleur, serions-nous tenté d’ajouter.
Vertu et ascension sociale
Aujourd’hui, son rôle d’éducation à la vertu, son ouverture sur l’universel comme sa fonction représentative semblent s’être effacés. Seule demeure sa dépendance avec le pouvoir politique, qui, au cours de l’histoire moderne, lui a assigné de nouveaux rôles et de nouvelles finalités.
Sa démocratisation, qui s’est accélérée avec la Troisième République et les réformes universitaires de l’après mai 1968, lui ont amalgamé un ferment égalitaire. L’enseignement supérieur devait désormais servir d’ascenseur social aux citoyens. Les préoccupations pédagogiques de la communauté enseignante s’en sont trouvées bouleversées, puisqu’au souci de formation s’ajouta celui de l’insertion professionnelle.
Jusqu’au moment de l’après-guerre, même la république considérait que seuls ses meilleurs citoyens avaient droit au meilleur des enseignements. L’« élitisme républicain », comme le rappelle Marc Fumaroli, sélectionnait parmi les petits Français les plus aptes à suivre de longues études abstraites. Léon Daudet, alors député, ne répugnait pas à défendre en assemblée les humanités classiques, comme le seul aspect du régime qui trouvait grâce à ses yeux.
L’idéologie égalitaire
Advint la Seconde Guerre mondiale, puis le triomphe idéologique de l’égalitarisme porté par la gauche comme par une droite vaincue dans les idées. Le collège unique, la fin de la sélection à l’école, la dévalorisation des filières technologiques, les réformes Haby, Langevin Wallon précédèrent la massification de l’enseignement supérieur. Les différents rôles assignés à l’université à la veille de Mai 1968 ne pouvaient plus être endossés : l’explosion des effectifs demandait une réforme, les idéologues firent primer son rôle social sur le contenu des enseignements.
Pour éviter d’envoyer les citoyens à l’usine, on poussa les français dans l’enseignement supérieur. Pour qu’ils en ressortissent diplômés, on abaissa les exigences universitaires, et supprima (officiellement) la sélection à l’entrée des facs. Pour donner à chacun sa chance d’entrer à l’université, on multiplia ses antennes à travers la France, sans trop se soucier de la compétence de ses enseignants.
Toutefois, pour paraphraser Lénine, les faits sont têtus, et les filières d’excellence se recréèrent à l’extérieur de l’université, au sein des prépas et des grandes écoles. L’inégalité sociale n’a pas été évité, puisque ces filières sélectives ne s’adressent qu’aux meilleurs, et qu’aux familles assez socialement et culturellement favorisées. La compétition entre les universités n’a jamais ralenti, et personne n’a jamais cru qu’un diplôme délivré en Sorbonne valait la même chose qu’un diplôme délivré à l’université d’Amiens ou du Littoral.
La croisée des chemins
Nous vivons une nouvelle phase de transformation de l’enseignement supérieur, qui correspond à l’effondrement de la période de glaciation égalitariste de l’après-guerre. L’ambition égalitariste, qui cherchait à donner à tous la possibilité d’entrer dans l’enseignement supérieur et d’en sortir diplômé, est un échec retentissant. Les années d’études ont progressé, mais le niveau a chuté de manière vertigineuse. Nos universités, hier reconnues dans l’Europe et dans le monde, sont désormais déconsidérées au profit de leurs concurrentes anglo-saxonnes. La concurrence se fait plus rude à cause de la mondialisation : les universités françaises ne sont plus en concurrence entre elles, mais avec Harvard, Yale, Cambridge ou Nankin.
Ce changement de climat général a un effet positif, il remet à l’ordre du jour la question de l’autonomie de l’université, que l’Action française a toujours défendue, et un effet négatif : les politiques sont tentés d’aligner les finalités de l’université sur les standards du marché.
Les ambitions sarkozistes
La réforme de l’enseignement supérieur impulsée par Nicolas Sarkozy se conçoit sur cet arrière plan historique. Elle retient la priorité du rôle social de l’université, puisque l’enseignement supérieur doit d’abord conduire à l’emploi et la qualification professionnelle *, mais ne dit rien sur son rôle moral et politique d’éducation civique. Toutefois, l’ambitieuse réforme Sarkozy-Pécresse n’a pas été prise en compte significativement dans le budget 2008, ce qui laisse planer le doute sur les réelles ambitions du gouvernement. Il est à craindre qu’une fois de plus, nos élites démocratiques préfèrent une réforme cosmétique qui ne dérange pas les conservatismes syndicaux et institutionnels à l’avenir du peuple français en son entier.
Agathe T. BLOUSE L’Action Française 2000 du 1 er au 14 novembre 2007
* Comme il a pu l’expliquer par exemple lors de la convention de l’UMP sur la recherche et l’enseignement supérieur le 4 octobre 2006.

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