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La Métaphysique

Qu'est-ce que la métaphysique ? Le mot a été utilisé pour désigner une partie de l'œuvre d'Aristote. La métaphysique est la « science » de la réalité la plus haute de l'Être en tant qu’Être. On appelle aussi métaphysique toute connaissance au delà du sensible. « Il y a une science qui étudie l'Être en tant qu'Être et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. Elle ne se confond avec aucune des sciences dites particulières » (Aristote, Métaphysique).
Tous les grands philosophes du passé de Platon à Spinoza ont voulu donner une explication métaphysique du monde. En général le monde sensible est mensonger et nous trompe. Pour Platon le vrai monde est celui des idées. Il existe des idées éternelles. Au XVIIIème siècle avec Kant, la métaphysique a pris une connotation négative. L'esprit anti-métaphysique s'est développé de pair avec les sciences expérimentales. Kant a pris acte de l'impuissance métaphysique. Nous avons des intuitions sensibles à partir des formes a priori de ma perception espace et temps. On ne peut connaître l'âme ou Dieu : concepts métaphysiques. Il n'existe que des phénomènes et non des noumènes. La métaphysique qui veut sortir de la sphère phénoménale est une illusion. « La colombe légère, qui dans son libre vol, fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle volerait bien mieux encore dans le vide. C'est ainsi que Platon, quittant le monde sensible, se hasarda sur les ailes des idées, dans les espaces vides de l'entendement pur. Il ne s'apercevait pas que, malgré tous ses efforts il ne faisait aucun chemin parce qu'il n'avait pas de point d'appui » (Kant, Critique de la raison pure). Malgré toutes les critiques et attaques contre la métaphysique depuis Kant jusqu'au positivisme de Comte, le néopositivisme de Wiener Kreis, la philosophie analytique et l'École de Francfort... cela n'a pas empêché de nombreux philosophes comme Hegel, Bergson, Sartre, Heidegger... d'avoir des écrits métaphysiques. Car l'homme est fondamentalement un animal métaphysique qui s'interroge sans cesse sur le sens de la vie, l'être (pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?), le bien, le mal, l'angoisse, qu'est-ce que connaître ? (il n'y a d'objet connu que pour un sujet connaissant)
Les éradicateurs de la métaphysique
Le positivisme scientifique de Comte énonce que seul l'analyse des faits vérifiés par l'expérience peut expliquer le monde.
Auguste Comte définit 3 états : l'état théologique, l'état métaphysique et celui scientifique. Il faut remplacer les croyances religieuses ou métaphysiques par la Science. Il faut renoncer au concept des causes premières. On ne cherche qu'à expliquer le comment par l'utilisation du langage mathématique. Auguste Comte était polytechnicien. Le positivisme correspond à une idéologie de la Science qui s'est considérablement développée au XIXème siècle. On n'est pas loin du « scientisme ».
Le cercle ce Vienne ou Wiener Kreis a été le prolongement du positivisme de Comte qu'on a appelé néopositivisme. Son chef de file Moritz Schlick fut assassiné par un étudiant. La seule explication du monde est la conception scientifique du monde.
    1.    On utilise les mathématiques et la logique comme langage.
    2.    La métaphysique est dépourvue de sens.
La Science vient soit de l'expérience (sensation) soit de la pensée mise sous une forme logique ou mathématique. Parmi les membres du Cercle de Vienne, Carnap est particulièrement virulent contre toute métaphysique. Il prend comme cible le livre « Was ist Metaphysik ? » de Heidegger. Il cherche à montrer que les énoncés de Heidegger sont des pseudo-énoncés et n'ont aucun sens.
Le tractatus loqico-philosophicus de Wittqenstein
D'après Ludwig Wittgenstein pour qu'une proposition ait du sens il faut qu'elle puisse être dite vraie ou fausse. Il faut qu'on puisse la comparer à un état de choses. Les propositions éthiques ou métaphysiques n'ont pas de sens (ni vraies ni fausses). L'éthique et la métaphysique donnent de la valeur aux choses. On n'a donc pas une description du monde. Wittgenstein arrive à sa sentence célèbre « ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Citons aussi « la méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions des sciences de la nature - quelque chose qui par conséquent n'a rien à voir avec la philosophie - puis quand quelqu'un voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre - qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné la philosophie - mais ce serait la seule strictement correcte » (Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 6.53) Seule la « science » peut décrire le monde.
Schopenhauer
Ce philosophe considère que la métaphysique n'a plus de soubassement mais que tout repose sur une base métaphysique. Les concepts métaphysiques pour Schopenhauer sont : « l'essence, le fini, l'infini, l'être, la nécessité, la substance... »
Pour le philosophe, toute philosophie est métaphysique. Schopenhauer a une vision originale sur la métaphysique : il considère les concepts passés de la métaphysique comme vides ce qui ne l'empêchera pas de fonder une philosophie « métaphysique ». La métaphysique selon lui fait la différence entre l'homme et l'animal.
Nietzsche
De façon toute guerrière, Nietzche veut mettre à bas la métaphysique. Cette dernière s'oppose à la philosophie du penseur de Leipzig puisqu'elle nie le devenir et veut des vérités éternelles. La métaphysique refuse la jonction des contraires. Elle est aussi une recherche de la transcendance et non une explication généalogique. La métaphysique tue la vie. Nietzsche s'attaque au Platonisme. Nous n'avons aucune connaissance en dehors de ce que nous percevons. Ce que nous percevons change ; donc est du devenir. « Il n'y a pas plus de données éternelles qu'il n'y a de vérités absolues » (FN, humain trop humain).
S'il n'y a pas de vérité absolue, on peut que rejeter la métaphysique.
Le philosophe va encore plus loin dans sa critique de la métaphysique qui n'est selon lui qu'un dénigrement de notre monde donné par nos sens. « Dans ce cas, nous nous vengeons de la vie en lui opposant la fantasmagorie d'une vie « autre » et « meilleure » (FN).
Le monde de nos sens serait faux pour la métaphysique. La haine des sens qui va de Platon au christianisme fait imaginer un autre monde.
Heidegger
Pour Heidegger la métaphysique est histoire de l'être. Dans son livre « Was ist Metaphysik ? » le philosophe considère que la métaphysique tout en posant la question de l'être l'oublie aussitôt et se limite à l'étant. On a la reprise de la question « Pourquoi d'une manière générale, l'étant plutôt que le néant ? ».
Si la métaphysique est histoire de l'être, le livre de Heidegger Sein und Zeit (Être et Temps) ne fait qu'approfondir par l'analytique existentiale son Histoire. « En quelle manière, l'essence de l'homme appartient à la vérité de l'être ».
L'homme est le seul à posséder une conscience de l'être ». Le « Dasein » (être-là) est ouverture sur l'être.
Heidegger préférera le terme ontologie à métaphysique. Il rappellera la distinction entre la métaphysica generalis (portant sur l'être, qu'on appelle aussi ontologie) et la métaphysica specialis portant sur des états spécifiques : Dieu, l'âme, le monde…)
Habermas
On a une fois de plus une attaque contre la métaphysique dans Nachmetaphysisches Denken ; Habermas veut être le « nouveau » fossoyeur de la métaphysique. Elle est inapte à la pensée contemporaine. La métaphysique est une somme d'erreurs du passé. La compréhension de la totalité est une illusion. Habermas s'est surtout attaqué aux métaphysiques modernes (Descartes, Spinoza, Leibniz, Schelling, Hegel....)
Il faut passer à une pensée post-métaphysique. En tout cas on pourrait se poser la question de l'existence d'un reliquat métaphysique dans ses écrits sur l'éthique.
Il y aura toujours un « nouveau » philosophe pour annoncer la mort de la métaphysique. Ce qui prouve qu'elle n'a pas disparu. Freud n'y voyait qu'une illusion proche de la religion. Il croyait sa pensée « scientifique » alors que la psychanalyse n'est qu'une métaphysique de la sexualité, cette dernière étant une cause première de l'agir humain. La Science s'est toujours considérée comme discours anti-métaphysique alors que comme l'a vu le philosophe des sciences Ernst Mach, la physique elle-même souvent considérée comme un modèle pour la Science est infectée de concepts métaphysiques comme la masse, l'énergie, la force, le champ, l'espace, le temps...
Lorsque Galilée déclare : « la langue de la nature est celle des mathématiques » on a là une déclaration toute métaphysique. Il y a eu sur la relativité un désaccord entre Mach et Einstein. Pour ce dernier il existe une « réalité » qu'on peut exprimer en langage mathématique. Mach pour qui l'idée de réalité n'a aucun sens ne pouvait accepter cette vision. Il était un phénoménaliste pour qui toute connaissance provient de notre perception des phénomènes. Si même la « Science » est une métaphysique, quelle philosophie ne l'est pas ? Même le grand Kant en séparant le sujet et l'objet, le noumène (chose en soi) et le phénomène n'a-t-il fait que créer une nouvelle métaphysique ce qui fera dire à Nietzsche : « la chose en soi ne mérite qu'un rire homérique »
PATRICE GROS-SUAUDEAU

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