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Legio patria nostra

Le Figaro Magazine - 22/03/2013
Le 150e anniversaire du combat de Camerone sera fêté le mois prochain par la Légion étrangère. Les historiens se penchent à cette occasion sur cette prestigieuse institution militaire.
     Le 19 février dernier, le sergent-chef Harold Vormezeele, du 2e régiment étranger de parachutistes, était tué au nord du Mali. Engagé à la Légion étrangère en 1999, belge d’origine, il avait été naturalisé français en 2010. Le nom de ce soldat de 33 ans a rejoint la longue liste des morts au combat d’une des plus prestigieuses institutions militaires de la France.
     Avec leur képi blanc et leur pas lent, les légionnaires remportent un triomphe, à l’applaudimètre, lors du défilé du 14 Juillet. La littérature, de Pierre Mac Orlan à Jean des Vallières, le cinéma, de Un de la Légion (Christian-Jaque, 1936) à Diên Biên Phu (Pierre Schoendoerffer, 1991), sans compter la chanson (« Il était mince, il était beau, Il sentait bon le sable chaud, mon légionnaire ! », mélodiait Edith Piaf) n’ont cessé d’entretenir le mythe.
     À la fin du mois prochain sera fêté le 150e anniversaire de ­Camerone. Un combat qui, chaque année, est célébré comme le premier haut fait de la Légion. En 1862, Napoléon III veut fonder au Mexique un empire dont le trône est offert à l’archiduc Maximilien d’Autriche, frère de l’empereur François-Joseph. Un corps expéditionnaire est envoyé là-bas. Après un échec devant Puebla, les troupes françaises, ayant reçu du renfort, repartent à l’assaut au printemps de l’année 1863. L’offensive les mènera à Mexico le 7 juin. Mais auparavant aura eu lieu l’engagement de Camerone (Camarón en espagnol). Le 30 avril, près de ce village indien, à environ 60 kilomètres au sud-ouest de Veracruz, la 3e compagnie du Régiment étranger, repliée dans une hacienda en ruine, affronte pendant toute une journée, à un contre trente, pas moins de 2 000 soldats mexicains.
     À 9 heures, le siège commence. Le chef du détachement, le capitaine Danjou, officier qui a dix ans de Légion et plusieurs campagnes à son actif et qui porte une prothèse de la main gauche, fait promettre à ses hommes de tenir jusqu’à la dernière cartouche. Quand il est tué, à la deuxième heure de la bataille, les légionnaires ne cèdent pas. Vague après vague, les Mexicains attaquent. Sous un soleil de plomb, alors qu’ils n’ont rien à boire, les assiégés les repoussent chaque fois. Mais au fil du temps, leurs rangs s’éclaircissent. A 6 heures du soir, un ­assaut emporte les ultimes défenseurs de l’hacienda. Impressionné par l’incroyable résistance des légionnaires, le commandant mexicain force ses hommes à laisser la vie sauve à ce dernier carré. À la fin de la journée, sur un effectif initial de 61 officiers, sous-officiers et hommes du rang du côté français, il reste 15 hommes valides et 27 blessés : la 3e compagnie a perdu 70 % de son effectif. Mais les Mexicains comptent 300 tués et autant de blessés…
     Depuis, à la Légion, faire ­Camerone, c’est se battre jusqu’au bout, la mémoire de ce combat occupant la première place dans les traditions légionnaires. Dans un petit livre qui se lit d’un trait, l’historien ­André-Paul Comor raconte en détail les tenants et aboutissants de cet épisode glorieux (1). En 1865, la main articulée du capitaine Danjou a été retrouvée. De nos jours, cette relique, pieusement conservée, est mise à l’honneur lors des cérémonies ­célébrant l’anniversaire de ­Camerone, le 30 avril, au quartier général de la Légion, à Aubagne.
     Maître de conférences honoraire à l’IEP d’Aix-en-Provence, André-Paul Comor est un spécialiste reconnu de la Légion étrangère, à l’histoire de ­laquelle, avant ce Camerone, il avait déjà consacré trois livres. Et voici maintenant en librairie, avec une préface d’Etienne de Montety, directeur du Figaro ­littéraire et grand ami de la ­Légion, un remarquable ouvrage collectif, œuvre d’une soixantaine de collaborateurs dirigés par André-Paul Comor. Présenté sous la forme d’un dictionnaire, ce qui correspond à une ligne éditoriale de la collection « Bouquins », l’ouvrage ­décompose sous toutes leurs ­facettes l’histoire, les traditions et la culture de ces soldats en képi blanc qui font rêver les « fana mili » comme les amateurs d’aventures exotiques (2).
     Fondée par une ordonnance de Louis-Philippe, le 10 mars 1831, aux fins d’engager des étrangers dans l’armée française, coutume qui vient de l’Ancien Régime, la Légion participe à la conquête de l’Algérie. Sous Napoléon III, elle est engagée en Crimée, en Italie et au Mexique. Au Tonkin, en Tunisie, au Dahomey, à Madagascar, au Maroc, les légionnaires participent ensuite à la grande aventure coloniale. De Verdun à la Somme, ils combattent sur les fronts principaux de la Grande Guerre. A l’entre-deux-guerres, ils s’illustrent au cours de la guerre du Rif et contre les Druzes au Liban. En 1940, après avoir participé à la prise de Narvik, la 13e DBLE rallie la France libre, mais la plupart des autres unités restent fidèles au maréchal Pétain. En 1941, lors des ­affrontements franco-français de Syrie, les chefs se ménagent mutuellement au nom d’un principe sacré : « La Légion ne tire pas sur la Légion. »

Le style « para-Légion » marquera l’armée

     Viendront l’Indochine, Suez et l’Algérie. Certains régiments sont devenus des unités parachutistes, imposant un style (« para-Légion ») qui marquera plusieurs générations d’officiers. En 1978, le saut du 2e REP sur Kolwezi entre dans la ­légende.
     Aujourd’hui avec ses 7 000 hommes de 140 nationalités (20 000 hommes à l’époque de la guerre d’Algérie), la Légion, dont trois des onze régiments sont basés outre-mer, reste une des meilleures forces de projection de l’armée française.
     En ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Afrique, les légionnaires sont au rendez-vous de la mission qui leur est confiée. Jusqu’au sacrifice suprême : Français par le sang versé.
 Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
 (1) Camerone, 30 avril 1863, d’André-Paul ­Comor, Tallandier.
(2) La Légion étrangère. Histoire et dictionnaire, sous la direction d’André-Paul Comor, préface d’Etienne de Montety, Robert ­Laffont, « Bouquins ».

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